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LÉON XIII ET L’EXPANSION CATHOLIQUE

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patriarche des Arméniens, fut un sourire de Léon XIII aux peuples d’Orient ; et dans son encyclique Sancta Dei civitas, du 3 décembre 1880, l’œuvre des Écoles d’Orient, destinée à porter à ces peuples le message de Rome, était l’objet de spéciaux encouragements.

L’encyclique Grande Munus, du 30 septembre 1880, rappelait tout ce qu’avaient fait les papes pour le bien spirituel et temporel des Slaves et l’approbation qu’avait donnée le Saint-Siège à la méthode d’apostolat des saints Cyrille et Méthode. On sentait, dans ce document, un accent de tendre respect à l’endroit des vieilles liturgies slaves : il n’était plus permis, après l’avoir lii, d’accuser la papauté de vouloir remplacer les rites nationaux des Slaves par le rite latin ; et la décision prise par Léon XIII de faire célébrer annuellement dans toute la chrétienté la fête des saints Cyrille et Méthode, l’accueil qu’il fit, en 1881, au pèlerinage amené par Mgr Strossmayer, le grand apôtre slave, furent des témoignages décisifs de l’esprit qui animait la papauté.

Cet esprit s’attesta avec éclat par l’organisation, en 1893, du congrès eucharistique de Jérusalem. Pour la première fois depuis les croisades, un légat du Saint-Siège paraissait dans la Ville Sainte : le sultan, pressenti par l’ambassadeur de France à Constantinople, était consentant. Le cardinal Langénieux engagea les Orientaux non unis à venir s’associer aux catholiques dans un commun hommage à l’Eucharistie ; pendant tout le congrès, la messe fut célébrée dans les divers rites orientaux ; parmi les vœux votés on relevait ceux-ci : « Que des séminaires soient formés sur place pour donner des apôtres à l’Orient ; que des revues théologiques et scientifiques s’occupent des questions relatives à l’union des Églises, et que des associations de prières se multiplient à cette intention. » Déjà, dans cette Palestine où s’acclamaient ces vœux d’union, fonctionnait, depuis 1882, le séminaire Sainte-Anne de Jérusalem où les Pères Blancs du cardinal Lavigerie s’occupaient de former des prêtres indigènes pour les rites orientaux.

La politique de L/éon XTII à l’endroit des Églises slaves et orientales trouva sa charte, le 30 novembre 1894, dans l’encyclique Orientalium. « Il importe souverainement, redisait-il six mois plus tard, de dissiper et de déraciner complètement l’opinion de certains Orientaux, que les latins veulent porter atteinte à leurs droits et privilèges ou à leurs traditions historiques. » Anthime VIII, patriarche grec de Constantinople, ayant, dans l’hiver de 1894-1895, dirigé contre les appels de Léon XIII à l’union une encyclique patriarcale, Léon XIII répliqua, dans une allocution du 2 mars 1895, où s’il s’opposait à ce que « cette douce et certaine promesse du Sauveur : Fiet unum ovile et unus pastor, » fût traitée d’utopie.

Sur plusieurs points du vaste Orient, Léon XIII vit l’Église romaine recueillir des conversions. Conversions parmi les Coptes d’Egypte, grâce à l’apostolat des jésuites. Conversions en Arménie, par suite de la soumission du patriarche Kupelian et de l’installation des jésuites dans la Grande Arménie ; mais la lettre apostolique qu’adressa Léon XIII, le 25 juillet 1888, aux prélats du rite arménien ne désarma pas les susceptibilités monophysites. Conversions en Chaldée, où le patriarche Mgr Chimoun abjura le nestorianisme et fit passer ses fidèles au rite chaldéen uni, et où le chiffre des catholiques, qui n’était en 1850 que de 30 000 à 40 000, s’élèvera à 66 000 en 1900. En revanche dans cette Bulgarie où les assomptionnistes, dans leur mission de Monastir, travaillaient à faire connaître Rome, le passage du prince Boris au schisme, sous l’inspiration de son père Ferdinand de Saxe-Cobourg, fut un chagrin pour Léon XIII.

3° L’appel à l’union : la lettre Præclara (1894). —

La lettre Præclara, écrite par Léon XIII, en 1891, au lendemain de son jubilé épiscopal, et adressée aux princes et aux peuples, apparaît, dans le recul de l’histoire, comme le point culminant de son pontificat, et subsiste comme le testament de sa pensée. La phraséologie en est nouvelle. Bien que la moitié du document concerne les Églises orientales et la Réforme, le nom de schisme n’est pas prononcé ; on chercherait vainement aussi celui d’hérésie. Léon XIII s’abstient de toute qualification désagréable pour désigner les hommes extérieurs à l’Église ou les credos étrangers à la foi romaine ; les multiples confessions protestantes sont appelées, d’un terme fort impartial, congregationes, et le mot secta, réputé défavorable, est exclusivement réservé à la maçonnerie. Le nom de Photius est mentionné avec une sereine froideur ; le ton du pontife est celui d’un historien. Il semblerait que Léon XIII évite de rechercher les responsabilités ; c’est « la misérable calamité des temps qui arracha à la foi romaine une partie des Slaves, et ce sont d’ « insolites renversements du temps et des choses » qui ont séparé de Rome les peuples réformés. Le souvenir de la séparation est susceptible de creuser les fossés ; le spectacle du présent laisse espérer qu’ils seront un jour comblés. C’est donc sur l’époque présente que Léon XIII, plus soucieux de ce qui rapproche que de ce qui disjoint, attache ses regards et ceux des chrétiens. Il note les « dispositions plus conciliantes et même une certaine propension à la bienveillance », récemment témoignées aux catholiques romains par les Orientaux ; il signale la communauté de la foi grecque et de la foi romaine ; il apprécie avec impartialité cette féconde entente pour le bien et la charité, par laquelle les réformés des diverses confessions rachètent leurs divergences dans la recherche de la vérité. « Permettez que nous vous invitions, leur dit-il, et qu’avec une effusion d’amour nous vous tendions les mains. »

Paternel pour les chrétiens exotiques qu’il voudrait ramener à l’Église. Léon XIII, dans cette lettre, inclinerait à la sévérité, plutôt, contre certains chrétiens de la maison, contre ce groupe de fidèles qui se traînent à la suite du pape avec une apparente correction, mais avec défiance et déplaisir. « Obéir en toutes choses, non point avec des dispositions étroites et avec défiance, mais avec l’âme tout entière et une volonté empressée » ainsi définit-il le devoir de tous les catholiques.

Léon XIII, rappelant ses précédents enseignements, maintient, dans cette lettre, que rien n’est plus étranger à l’Église que d’accaparer pour elle-même quoi que ce soit des droits du pouvoir civil. Mais il signale les théories « régalistes », léguées par l’Ancien Régime au xixe siècle, comme une exagération des droits de l’État, une source de discordes et un attentat contre l’unité. C’est le même reproche qu’il inflige tout d’abord à la maçonnerie : « De même, écrit-il, un grand péril pourl’unitérésultedecette secte d’hommes, qu’on appelle maçonnique. » « Je demande que tous ne forment qu’un seul corps : Il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Ces citations de saint Jean ouvrent et ferment la lettre Prœclara. Elle est destinée à l’universalité des gouvernants et des peuples. Que cette universalité devînt unanimité : tel était le vœu de Léon XIII. Il rajeunissait, en l’appropriant aux temps nouveaux, la vieille conception de la chrétienté. « Les dernières années du xvin c -iècle, écrivait-il. ont laissé l’Europe fatiguée de désastres, tremblante de convulsions. Ce siècle qui marche à sa fin ne pourait-il, en retour, transmettre comme un héritage au genre humain quelques gages de concorde et l’espérance des grands bienfaits que promet l’unité de la foi chrétienne ? » On