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LÉON XIII. SON ACTION POLITIQUE


doctrines de l’Église sur l’autorité politique. Léon XIII protestait contre ceux qui considéraient toute autorité comme déléguée par le peuple et révocable par le peuple. Que les chefs de la société pussent en certains cas être choisis par la multitude, il l’admettait volontiers ; mais par le fait de ce choix, précisait-il, « les droits du principat ne sont pas conférés ; l’autorité n’est pas donnée ; on désigne seulement qui doit l’exercer. » Ainsi maintenait-il, tout ensemble, la liberté pour les peuples de se donner le genre de gouvernement qui leur convient, et le principe primordial : Omnis potestas a Deo. En même temps qu’il affirmait les droits de l’autorité, il rappelait que si elle se met en opposition manifeste avec le droit naturel ou la volonté de Dieu, ses ordres sont sans valeur. « L’autorité des princes est nulle, là où manque la justice. » Et Léon XIII proclamait que l’Église, « jamais ennemie d’une honnête liberté, avait toujours et en tous lieux détesté la tyrannie. »

L’encyclique Humanum genus (21 avril 1884) dénonça les sectes franc-maçonniques comme un péril social : Léon XIII établissait qu’elles traduisaient en acte les principes du naturalisme, qu’elles combattaient non seulement l’Église, mais les vérités que la raison naturelle fait connaître.

L’encyclique Immortale Dci (19 novembre 1885) sur la Constitution des États définit la distinction des deux pouvoirs, marqua la nécessité de leur harmonieuse coordination, rappela l’influence exercée par l’Église surla société civile pour le bonheur des peuples, et expliqua que les condamnations portées par Grégoire XVI et Pie IX contre les théories du droit nouveau n’impliquent la condamnation d’aucune forme de gouvernement, ni de la participation du peuple à la direction des affaires, ni d’une juste liberté populaire, ni d’une tolérance de fait à l’endroit des autres religions, lorsque cette tolérance est légitimée par la nécessité d’obtenir un grand bien ou d’éviter un grand mal.

L’encyclique Liberlas (20 juin 1888) définissait la nature de la liberté et précisait ce qu’il y a d’admissible et ce qu’il y a de faux dans les idées et dans la phraséologie contemporaine relative à la liberté de conscience, à la liberté des cultes, à la liberté de la presse, à la liberté de l’enseignement.

L’encyclique Sapientice christianse (10 janvier 1890) complétait l’encyclique Libertas en développant les principaux devoirs du citoyen.

On pouvait tirer du Siillabus et des autres enseignements de Pie IX la théorie de ce que n’est pas l’État, de ce que ne peut pas l’État, et de ce que ne doit pas l’État : les enseignements de Léon XIII, non moins inspirés par la théologie traditionnelle, expliquèrent ce qu’est l’État, ce qu’il peut, ce qu’il doit ; et de part et d’autre on reconnut la même doctrine, mais elle était, si l’on peut ainsi dire, différemment campée ; immuable en son essence, elle avait, d’un règne à l’au I rechange d’attitude, non de contenu. Pour ce qui est des directives se rapportant à l’étude de la Bible, voir ri-dessous, col. 354.

III. Action politique de Léon XIII. - 1° Ses direction » politiques. Ce fut l’une des idées fondamentale

  • , de Léon XIII que les intérêts de l’Église

et de U défense catholique ne doivent ni se laisser compromettre par lis partis politiques, ni se laisse) solidariser avec les Intérêts de ces partis.

Il faut, écrivait Léon XIII en 1882 ; iu evèqurs

d’Espagne, fuir la fausse opinion de ceux qui unissent la religion avec un parti politique, <i la confondent

avec lui au point de déclarer que (eux qui appartiennent : i un autre parti on1 a peu prêi uni’- le nom catholique C’esl là faire entrer t torl les fartions politiques dans l’auguste champ de la religion, vouloir

détruire la concorde fraternelle et ouvrir la porte à une multitude d’inconvénients funestes. »

Ces lignes définissent avec une exacte précision l’esprit dont s’inspirait sa politique dans les divers pays. Ses avis répétés aux journalistes catholiques, sa doctrine sur le respect dû à l’autorité des nonces, étaient comme les corollaires de ce principe souverain : liberté de l’Église à l’endroit des partis politiques,

Le 2 février 1879, recevant un millier de journalistes, Léon XIII leur traçait leur ligne de conduite : il leur recommandait un langage « grave et tempéré qui d’une part n’offensât pas le lecteur par une âpreté intempestive, et qui, de l’autre, ne se mît pas au service d’un parti pris ou d’intérêts particuliers aux dépens du bien commun », et il regrettait que certains « voulussent définir à leur gré des controverses publiques de grande importance relatives à la condition du Siège apostolique lui-même, et parussent avoir des sentiments divers de ceux qu’exigent la dignité et la liberté du pontife romain. » Léon XIII voulait que la presse religieuse, en tant que militant pour le catholicisme, défendît le Saint-Siège comme le Saint-Siège voulait être défendu.

Un des documents les plus importants de la politique pontificale au xixe siècle fut la note du cardinal Jacobini sur le pouvoir des nonces (13 avril 1885) ; cette note relevait les allégations erronées du publiciste espagnol Ramon Nocedal, qui insinuait que, la mission des nonces étant purement extérieure et diplomatique, les évêques n’avaient pas à tenir compte de leurs instructions. « Les actes du nonce que le Saint-Siège n’a ni ignorés ni réprouvés, protestait le cardinal, peuvent être considérés avec raison comme appartenant au Saint-Siège lui-même. » Et le cardinal Pitra, dans une lettre à un journaliste hollandais, s’étant montré propice aux tendances de Nocedal, Léon XIII lui-même prit la plume, dans une lettre au cardinal Guibert, pour blâmer les catholiques qui, par des voies obliques et dissimulées, résistent à la direction du pape et de ses évêques, ceux qui, tout en défendant les droits du pape, méprisent les évêques qui lui sont unis, ceux qui opposent un pape à un autre pape.

La théorie même de la bonne ordonnance sociale — et non point seulement un considérant d’opportunité — induisait Léon XIII à réclamer des catholiques, « tant que les exigences du bien commun le demanderaient », l’acceptation des régimes établis. Ni ombrageux, ni boudeur, ni perturbateur, ni frondeur, ni révolté, ni retardataire, mais activement dévoué à l’harmonie naturelle des deux sociétés religieuse et civile, tel devait être le catholique, d’après le. catéchisme civique de Léon XIII.

2° L’action de Léon XIII dans les divers Etals. — 1. Léon XIII et l’Italie.

Les désordres douloureux auxquels donna lieu dans les rues de Rome, en une nuit de juillet 1881, 1e transfert à Saint-Laurenthors-les-Murs de la dépouille mortelle de Pic IX amenèrent Léon XIII à protester solennellement, dans l’allocution du 4 août 1881, puis dans l’encyclique Etal nos du 15 février 1882, contre la situation faite au pape a Rome. Léon XIII, en 1882 et 1884, considéra comme des attentats contre sa souveraineté le

droit que s’attribuèrent les tribunaux italiens de juger

eux-mêmes un conflit survenu entre le Vatican et l’un de srs fonctionnaires, l’ingénieur Marttnuccl, et le droit que s’attribua le gouvernement italien, ma

les protestations du S : i in I Siège auprès des divers de < Onvertir en rentes italiennes 1rs biens de la

Propagande, institution éminemment catholique et Internationale. De pareils actes officiels rendaient singulièrement Ingrat) et décevante la campagne poursuivie par certains éléments conciliai eurs ». qui