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LEON IV


basiliques situées extra muros de Saint-Pierre et et de Saint-Paul. Tout le monde sentait à Rome le besoin d’un pape honnête et énergique ; on choisit unanimement Léon : le choix était excellent. Restait à le faire approuver par l’empereur Lothaire, car depuis le Constitution de 824, il était entendu que l’on ne procéderait pas à la consécration du pape sans avoir soumis à l’empereur le procès-verbal de l’élection. Mais les communications avec Aix-la-Chapelle n’étaient pas rapides ; les Romains jugeaient urgente l’entrée en charge du nouvel élu : Léon fut donc consacré le 19 avril 847, sans que l’on eût encore connaissance de la ratification impériale ; mais on réserva explicitement pour l’avenir les droits de l’empereur. Lothaire se contenta, semble-t-il, de ces explications ; mais la façon dont on avait procédé lui déplut à coup sûr. Sans être mauvaises, les relations entre Léon IV et l’autorité impériale furent toujours un peu tendues. D’ailleurs, ce fut mnins avec Lothaire que Léon eut affaire qu’avec son fils Louis II, roi d’Italie, puis couronné empereur en 850, seul titulaire de la dignité impériale, après la mort de son père en 855.

Le plus pressant, pour Léon IV, était de mettre Rome à l’abri de nouvelles insultes. Les Sarrasins qui avaient pillé Saint-Pierre en 846, méditaient de nouvelles incursions. En 848, ces corsaires reparaissent à l’entrée du Tibre ; heureusement, une flotte d’Amalfi et de Gaëte put leur barrer la route : la tempête fit le reste, mais il y eut à Rome quelques moments d’angoisse. Aussi Léon IV pressa-t-il de tout son pouvoir la restauration de la vieille enceinte d’Aurélien ; en même temps, il mit à exécution le projet déjà formé, dit-on, sous Léon III, et précisé par un capitulaire impérial de décembre 846 ; il s’agissait d’entourer la basilique vaticane et ses dépendances d’une enceinte continue, qui, par le château et le pont Saint-Ange irait se rattacher aux fortifications de la ville proprement dite. C’est ainsi que le pape attacha son nom à cette cité léonine qui, pendant tout le Moyen Age, mettra Saint-Pierre à l’abri des coups de mains. La dédicace de cette enceinte fut célébrée, comme celle d’une çglise, le 27 juin 852. Au même moment, Léon relevait les fortifications d’Horta et d’Améria, celles encore de Porto, où il installait des Corses chassés de leur île par les invasions sarrasines ; il abritait dans une cité nouvelle, celle de Léopolis, les habitants de Centumcellæ (Civita-Vecchia) trop exposés aux attaques des corsaires. Bref, il s’efforçait de mettre en état de défense Rome et sa grande banlieue. En tout ceci d’ailleurs, il agissait en administrateur indépendant, mais sous le haut contrôle de la puissance impériale comme le Liber Pontificalis l’indique à plusieurs reprises.

Malgré tout, les sujets de froissement ne manquaient pas entre le pape et l’empereur. On saisit dans la correspondance échangée entre eux des plaintes relatives aux misai impériaux. Voir Jaffé, n. 2602, 2610. Léon se vit contraint de sévir contre plusieurs d’entre eux. JafTé, n. 2627, 2628, 2638, 2630. 2613. 2646. Un jour de juin 855, on vit même l’empereur Louis II arriver à Rome sans s’être fait annoncer ; il venait faire personnellement une enquête sur divers propos qui se seraient tenus dans l’entourage pontifical. On y aurait parlé, disaient de méchante* langues, du protectorat franc en termes méprisants ; on serait allé jusqu’à insinuer qu’il vaudrait mieux s’entendre avec le basileus. Les gens qui avaient Colporté ce liruit en furent pour leur courte honte

i.’émotion néanmoins que ressentit Louis n montre

que l’empereur n’était pas très rassort sur le loyalisme du pape Les textes relatifs a cet incident

se trouvent dans le Liber Pontificalis, p. 134. Le pape d’ailleurs avait contre Louis un grief très sérieux : la protection dont l’empereur semblait couvrir un personnage qu’à tort ou à raison le pape considérait comme un rival dangereux, et qui n’est autre que le célèbre Anastase le Bibliothécaire. Léon, en 848, avait dû, contraint par des influences puissantes, ordonner prêtre cet Anastase et lui confier le titre de Saint-Marcel. Dès l’année suivante, le nouveau cardinal disparaît de Rome, et toutes les sommations qui lui seront faites par Léon IV, au synode de Rome en décembre 850, à celui de Ravenne en mai 853, à un autre encore tenu à Rome en décembre de la même année, seront impuissantes à faire revenir le fugitif. Or, si l’on songe qu’à la mort de Léon, l’autorité impériale n’aura rien de plus pressé que de faire élire Anastase comme rival du pape Benoît III, on peut difficilement échapper à l’idée que l’empereur Louis, à qui Léon IV a réclamé vainement l’extradition d’Anastase, tenait celui-ci en réserve, pour faire monter, en la circonstance favorables, un sujet plus maniable sur le trône de saint Pierre.

La politique proprement ecclésiastique de Léon IV est inspirée par un sentiment très vif de la dignité suprême de l’Église romaine et de son droit à commander à toutes les Églises. Les plus puissants dignitaires ecclésiastiques ont à compter avec un pape aussi pénétré de son pouvoir. Hincmar de Reins, encore au début d’une carrière qui sera fertile en incidents de toutes sortes, voir t. vi, col. 2482, se voit refuser le titre de vicaire apostolique pour les Gaules, qu’avait réclamé pour lui l’empereur Lothaire, Jaffé, n. 2607, 2608 ; le pape lui reproche des sentences d’excommunication portées à la légère ; ibid., n. 2614, 2618, 2619, et lui rappelle au besoin l’irrégularité des actes qui l’ont fait arriver au siège archiépiscopal. Il refuse d’approuver la sentence du concile de Soissons (avril 853) ; l’affaire des prêtres ordonnés par Ebbon serait reprise à nouveau en présence d’un envoyé pontifical, et nul n’aurait pouvoir d’empêcher les condamnés du concile de faire appel s’ils le désiraient, au siège apostolique ; dans ce cas, Hincmar devrait les accompagner à Rome, ou du moins s’y faire représenter. Jaffé, n. 2631, 2632. On sait que Benoît III donnera finalement raison à Hincmar. On trouverait, d’autres exemples de la raideur de Léon IV à l’égard des dignitaires ecclésiastiques dans Jaffé, n. 2601 et 2604, 2623, 2628. Il y aurait aussi intérêt à étudier de près les rapports entre le Saint-Siège et Noménoé, duc de Bretagne, lequel, pour mieux assurer son indépendance au point de vue temporel, veut détacher la Bretagne du ressort métropolitain de Tours. Les évèqucs bretons refusent : le duc les accuse de simonie et les dénonce à Rome, en posant d’ailleurs la question d’une manière très générale. Léon IV répond lui aussi, d’une manière très générale sur le grief de simonie, mais prend des mesures protectrices contre les évéques attaqués. Jaffé n. 2600. On sait que la question de l’origine des Fausses Décret aies est intimement liée à ces entreprises de Noménoé. Voir t. IV, col. 218.

Avec Constantlnople, les relations n’étaient pas très cordiales. Le patriarche, saint Ignace, ayant 60 H se plaindre des agissements de Grégoire Ashestas. archevêque fie Syracuse, en résidence à Constantinople, avait fini par condamner ce prélat brouillon et ses partisans Noir t. vii, col. 714. Nous ne.savons si Grégoire interjeta appel à Bonie. mais il est errtaln que Léon IV Intervint et, dans une lettre assez ralde, reprocha au patriarche de n’avoir pas donne

connaissance du procès au Siège apostolique. Les prédécesseurs d’Ignace) disait Léon, ont toujours