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LEON III


apprendre néanmoins ce dont étaient convenus le lion (Léon) et l’aigle (Charles) : quæ esset convenientia inter leonem et aquilam. »

Il faudrait pourtant écarter cette explication, si l’on devait ajouter foi au renseignement que donne Éginhard dans la Vie de Charlemagne. Énumérant, en passant les divers pèlerinages à Rome du roi des Francs, l’historien ajoute avec une apparente négligence : « La dernière fois qu’il y vint, ce fut non seulement pour s’acquitter de ses vœux, mais encore parce que les Romains, ayant accablé le pape Léon de multiples injures, ., le forcèrent à recourir à la fidélité du roi. Venant donc à Rome pour remettre de l’ordre dans l’Église qui était fort troublée, il y passa tout l’hiver. C’est alors qu’il reçut le titre d’empereur et d’Auguste pour lequel il eut tout d’abord tant d’aversion qu’il affirmait que, ce jour-là, malgré la solennité de la fête, il n’aurait pas mis le pied à l’Église s’il avait pu prévoir l’intention du pape. Ce titre lui attira l’envie des empereurs romains (de Constantinople) qui en furent très indignés. Charles supporta tout avec une grande patience. » Carol. vit., 28, P. L., t. xcvii, col. 51-52. Les historiens de Charlemagne se sont évertués à expliquer le mécontentement, vrai ou apparent, ! avec lequel le nouvel empereur, au dire d’Éginhard, aurait accueilli le geste du pape Léon. Comment concilier ce déplaisir avec des ambitions qui semblent évidentes dans l’entourage du roi et que le souverain partageait sans aucun doute ? « De l’ensemble des témoignages contemporains, dit L. Duchesne, il résulte que la métamorphose (de roi en empereur) n’avait rien de contraire aux vues personnelles de Charles, ni surtout aux tendances de l’opinion occidentale. Mais il est possible qu’il ait eu ses idées à lui sur les voies et moyens. Le trône impérial légitime, celui de Constantinople, était alors occupé par une femme, l’impératrice Irène, et cette femme se trouvait libre de sa main. Le mariage qui fut tenté après coup, était peut-être le procédé rêvé dès lors par le roi franc. On peut dire aussi, non sans vraisemblance, qu’il eût désiré un autre cérémonial et que ce couronnement improvisé où éclatait l’initiative du pape, correspondait mal à ses idées sur les formes de la transmission du pouvoir. Op. cit., p. 88. L. Halphen dans ses Études critiques sur l’histoire de Charlemagne, a proposé une solution toute différente du problème que pose le texte d’Éginhard. Étudiant dans leur ordre chronologique les divers témoignages relatifs au couronnement, il n’a pas de peine à montrer que les premiers en date ne portent aucune trace d’un mécontentement quelconque de l’empereur ; [’idée que le pape est seul responsable de la scène en question, se fait jour peu à peu dans les textes suivants, au fur et à mesure que se manifestent les susceptibilités byzantines ; elle se révèle complètement flans le texte d’Eginhard. Que le couronnement ait eu lieu à l’insu, et même contre le tiré de l’empereur, c’est là une de ces explications diplomatique ! par lesquelles la monarchie tronque essaya d’apaiser la vive irritât ion qui se manifesta à Byzanee quand on y apprit la restauration (le l’empire d’Occident. Op. rit., p. 220-230.

Cette solution, qui cadre si bien avec ce que nous savons par ailleurs, dispense de poser la question du droit qu’avait le pape à couronner le souverain. Tout ce rpie l’on peut dire de plus Sage, c’est que Léon III agissait, tout autant comme représentant « le Dieu sur la terre, que comme l’incarnation dis

grands souvenirs de la Rome Impériale C’est le

peuple romain sans doute qui acclame le nouvel Auguste, mais l’autorité du pape ajoute comme Une sanction à ce choix des Hnmains. Qu’il v ail eu de

ce chef, comme l’ont pensé Rellarmin et Baronius. à la suite des théologiens pontificaux du Moyen Age, transfert de l’Empire de l’Orient à l’Occident, translatif ) imperii romani, c’est ce qu’il faut énergiquement nier. Léon III, pas plus que Charlemagne ne songeait à supprimer le titre ni la dignité de l’empereur de Byzanee avec qui l’Église romaine et Charles lui-même, continuaient à entretenir des relations qui n’étaient ni meilleures, ni pires que dans les années précédentes. S’ils avaient dû, ce qu’ils ne semblent pas avoir fait, expliquer leur pensée, le pape et le roi des Francs auraient déclaré, sans doute, que l’Empire romain, identifié avec la chrétienté, demeurait intact dans son unité, comme à l’époque où Arcadius et Honorius étaient censés administrer in solidum les deux moitiés de l’héritage de Théodose. Mais tout cela on ne songea point à le dire, et nul ne pensa, semble-t-il, à faire une théorie du nouvel Empire romain. A plus forte raison ne fut-il pas question de préciser les droits et devoirs réciproques des deux puissances, spirituelle et temporelle, qui avaient restauré la vieille institution. Les choses en somme, suivirent le même cours qu’auparavant, et l’on ne voit pas que l’empereur se soit attribué sur la Ville et l’État pontifical un droit plus étendu que n’avait fait le patrice des Romains. Tout au plus pourrait-on dire que le titre nouveau précisait davantage des droits qui, jusquelà s’étaient exercés sans contestation. « L’histoire, la tradition, le droit écrit définissaient sans obscurité possible les prérogatives de Yimperalor. L’empereur était souverain de Rome ; tout le monde, le pape compris, y était, devant lui, dans la condition de sujet. Administrateur, juge, chef militaire, son autorité s’étendait à tout, excepté cependant le domaine religieux que les empereurs d’Occident avaient toujours respecté ou à peu près. » L. Duchesne, Les premiers temps de l’État pontifical, p. 8889. Il faut ajouter cependant, avec l’auteur que nous venons de citer, que le fait pour Léon III d’avoir imposé la couronne au nouvel empereur, était gros de conséquences. Dans la désignation du dépositaire du pouvoir impérial, le pape, à juger les choses de l’extérieur, avait eu une part prépondérante. C’est l’image de Léon III mettant sur le front de Charlemagne, agenouillé devant lui, le diadème impérial qui finira par rester dans l’imagination aussi bien du peuple que des intellectuels. Sans s’arrêter aux répugnances des premiers Carolingiens, les successeurs de Léon III referont la même cérémonie pour les successeurs de Charlemagne et leur persistance finira par créer l’idée que, seul, le geste pontifical fait l’empereur et donc aussi que le pape donne au souverain quelque chose que, sans lui, il ne saurait légitimement posséder.

Mais sous Léon III, les temps ne sont pas encore venus de déduire toutes ces conséquences et de faire la théorie des relations entre pape et empereur. La pratique continua d’être ce qu’elle avait été dans les premières années du pontificat. Nous n’avons plus ici à nous y arrêter. Mentionnons seulement le voyage fait par Léon III à la cour de Charlemagne à l’automne de 804, sur les mobiles duquel nous ne sommes guère au Clair, Annales Fqinhnrdi. P I.

t. r.iv, col 184 ; la signature qu’appose le pape au testament Impérial en B06. ïbtd., col. 468. Tout

ceci montre les bonnes relations qui régnent entre les deux sou crains Mais il y eut bien quelques nuages, et Léon se plaignit plus d’une fois de l’intrusion des fonctionnaires Impériaux dans les affaires de ses BtatS. Voir surtout.latte, n. 2516 et 2529. Cela n’empêcha pas Léon de seconder de tout son pouvoir la politique de Charles, et de lui signaler