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LÉON II — LÉON III


romaine n’ait écrit dans le même sens aux diverses Églises relevant de sa juridiction patriarcale ; ces lettres ne se sont pas conservées.

Le concile avait envoyé au tribunal du pape Macaire d’Antioche et quelques-uns de ses adhérents qui avaient refusé de souscrire à la condamnation du monothélisme. A Rome, ils s’obstinèrent dans leur attitude, et furent dispersés en divers monastères, à l’exception d’un prêtre et d’un diacre de Constantinople qui, à l’Epiphanie de 683, furent reçus, après amende honorable, à la communion du pape.

Pacificateur dans ses relations avec l’Orient, le pape Léon eût aussi le bonheur de remettre la paix entre Rome et Ravenne. La situation entre les deux Églises était fort tendue, depuis 649. Le siège de Ravenne, sans rejeter l’autorité supérieure de l’Église romaine, ne voulait pas reconnaître les droits métropolitains que le Siège apostolique exerçait sur toute l’Italie du centre et du sud (sur tous les évêchés que l’on appelait suburbicaires). En tant que métropolitain de toutes ces Églises, le pape en ordonnait de droit les évêques, et convoquait régulièrement ceux-ci au synode romain. Depuis qu’elle était devenue capitale politique (début du ve siècle), Ravenne avait toujours supporté impatiemment cette situation et revendiqué l’autonomie dont jouissaient les sièges métropolitains voisins de Milan et d’Aquilée. En 649, l’évêque Maur fit un véritable éclat en refusant d’assister au concile, convoqué par le pape Martin I er ; il profita plus tard de la présence du basileus Constant II en Sicile (666) pour se faire octroyer un privilège, qui conférait au siège de Ravenne l’autocéphalie. Texte dans P. L., t. evi, col. 676 : Sancimus (eum) non subjacere pro quolibet modo patriarchæ anliquæ urbis Romse et manere eum autocephalen. .. qui et a propriis consecralus episcopis, ulens videlicet et décore pallii sicut nostrse divinitatis sanctione superna inspiratione prselargitum est. Menacé d’excommunication par le pape Vitalien, Maur avait répliqué en excommuniant à son tour le pape. Voir Agnelli, Lib. Pontif. Ecclesiæ Ravenn., P. L., t. evi, col. 672. C’était le rupture complète entre les deux Églises. Le successeur de Maur, Réparatus, essaya un rapprochement avec le pape Domnus (676-678). Le Liber Pontificalis romain dit clairement qu’au temps de ce pape : Ecclesia Rauennas… denuo se pristinse Sedi aposioliae subjugavil ; pourtant il semble bien que le successeur de Réparatus, Théodore, fut ordonné en 677 non pas à Rome par le pape, mais à Ravenne par ses suffragants. Agnelli, col. 682. Des négociations furent néanmoins reprises sous Léon II ; elles aboutirent à un accord définitif. L’évêque de Ravenne rendit au pape le tijpus autocephaliæ obtenu jadis du basileus, et il fut convenu qu’on ne célébrerait plus à Ravenne la mémoire de l’archevêque Maur, décédé en rupture avec le Saint-Siège. Il fut entendu d’ailleurs que le pape consacrerait toujours comme évêque celui qu’aurait élu le clergé de Ravenne, et que l’élu ne serait pas contraint de demeurer à Rome plus de huit jours ; il ne serait pas tenu de revenir en personne dans la Ville éternelle, mais enverrait seulement des représentants au synode romain. Agnelli, col. 689. Ainsi, tout en sauvegardant les droits métropolitains du siège de Rome, saint Léon faisait à l’orgueil ravennate quelques concessions.

Le Liber pontificalis romain signale le transfert que fit saint Léon à l’église Sainte-Bibiane du corps des saints Simplice, Faustin et Béatrice, et la réédifleation de l’église Saint-Georges du Vélabre. Léon avait fait une ordination le 27 juin 683, la seule qu’il ait pu célébrer, il dut mourir très peu après, car on

l’enterra à Saint-Pierre, le 3 juillet. Sa mémoire est célébrée le 28 juin.

Liber Pontificalis, édit. Duchesne, 1. 1, p. 359-362 ; Jatte, Regesta, t. i, p. 240-241 ; les lettres dans P. L., t. xevi, col. 387-420, se défier des annotations de Binius qui a emboîté le pas à Baionius ; les Annales ecclesiastici de celui-ci, an. 683, doivent être critiquées par les annotations de Pagi.

Tous les travaux qui touchent à la question du VI* concile et d’Honorius, tont une place à Léon II. Voir t. nj, col. 1273 ; t. vii, col. 180.

E. Amann.

3. LÉON III (Saint) élu pape le 26 décembre 795, consacré le lendemain, mort le 12 juin 816. Successeur d’Adrien I er, Léon n’appartenait pas comme celui-ci à la noblesse romaine. De petite naissance, semble-t-il, il était entré fort jeune dans la cléricature et avait fait carrière au palais du Latran : il s’était élevé peu à peu aux premières charges, finalement à celle de vestararius, une des plus considérables. Il était devenu en même temps, cardinalprêtre de Sainte-Suzanne. Les louanges que lui décerne la notice du Liber Pontificalis ne doivent pas être prises pour argent comptant ; l’éloge de Léon III est copié textuellement sur celui de Grégoire II et celui de Zacharie. Peut-être aussi faut-il faire quelque restriction à ce que dit la notice de l’unanimité avec laquelle se fit l’élection de ce pontife. Nous verrons que Léon rencontrera à plusieurs reprises de pénibles oppositions de la part de la noblesse romaine ; il est bien possible que, dès les débuts, il ait eu quelque difficulté à se faire accepter par ceux qui, sous Adrien, avaient été en faveur.

Léon était le premier pape élu depuis que, en 774, le puissant roi des Francs avait été nommé patrice des Romains. Que signifiait au juste ce titre dont Charlemagne avait été revêtu et qu’il semblait prendre très au sérieux, on avait oublié de le déterminer au moment de la création du patriciat. Qu’il impliquât pour le souverain le devoir de protéger l’Église romaine et le pape, c’est ce qui allait de soi ; en revanche, il semblait conférer aussi au roi un certain droit de regard sur l’administration temporelle du domaine pontifical, que venaient de constituer les événements de la seconde moitié du viiie siècle. Ce droit de regard n’impliquait pourtant pas que le roi eût à prendre connaissance en quelque manière des circonstances de l’élection, à plus forte raison qu’il eût à confirmer celle-ci et à autoriser la consécration du nouvel élu, comme cela se pratiquait à l’époque byzantine, comme cela se pratiquera quelque temps sous les successeurs de Charlemagne. Nous voyons que Léon est consacré sitôt qu’élu. Toutefois, il prend soin, aussitôt après, d’avertir le roi de son élection et de lui promettre obéissance et fidélité. En lui apportant les clés de la confession de Saint-Pierre et le vexillum de la ville, les légats pontificaux demandent à Charles d’envoyer à Rome quelqu’un de ses grands pour recevoir le serment des Romains. Jafîé, n. 2492.

Nous ne possédons pas cette lettre de Léon à Charlemagne et ne pouvons juger du contenu que par la réponse qu’y fait le roi. Celle-ci n’est pas très explicite sur la question du serment à prêter : par contre, elle précise au mieux la manière dont le roi des Francs conçoit la répartition des pouvoirs entre le pape et lui-même. Au roi de défendre l’Église, soit contre les agressions extérieures des infidèles, soit contre les attaques intérieures de l’hérésie ; au pape d’élever les mains vers le ciel, pour obtenir par ses prières la victoire du roi et le triomphe du Christ : Nostrum est sanctam ubique Christi Ecclesiam ab incursu paganorum… defendere. foris et intus catho-