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    1. JUSTICE (VERTU DE)##


JUSTICE (VERTU DE). DE L’INJUSTICE

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appartient pas ; elle met un frein à notre langue et l’empêche de dépouiller qui que ce soit de son bien, de son honneur, de sa liberté. » E. Janvier, Exposition de la morale catholique, iv, La vertu (Carême, 1900), Paris, |1906], p. 151 et 152.

II. De l’injustice.

Après avoir examiné la vertu de justice en elle-même, nous devons maintenant considérer le vice qui lui est opposé, et c’est l’injustice. Au prix ainsi attribué à la justice correspondra la malice de son contraire, à savoir, l’injustice.

L’injustice est-elle un vice spécial ?

Oui, répond saint Thomas. En effet, l’injustice s’oppose à la justice. Or la justice est une vertu spéciale. Donc l’injustice est un vice spécial.

D’après le saint docteur, l’injustice est de deux sortes : Celle d’abord qui s’oppose à la justice légale. Celle-là, dans son essence, est un vice spécial, pour autant qu’elle vise un objet spécial, savoir le bien commun, qu’elle méprise. Mais, dans l’intention, elle est un vice général, parce que le mépris du bien commun peut conduire l’homme à tous les péchés. Sous un autre point de vue, l’injustice s’entend, d’une certaine inégalité par rapport aux autres ; selon que l’homme veut avoir plus de biens, par exemple, de richesses ou d’honneurs, et moins de maux, de fatigues ou de dommages. De ce chef, l’injustice a une matière spéciale : et elle est un vice particulier opposé à la justice particulière. Sum. theol., II » IJæ, q. lix, a. 1. Ce vice spécial qu’est l’injustice, quand donc existet-il, et quelles sont les conditions qu’il requiert du côté de celui qui agit : l’homme est-il dit injuste, du fait qu’il commet quelque chose d’injuste ? — Non, celui-là n’est pas nécessairement un injuste qui a fait une chose même gravement injuste. La justice ou l’injustice du fait étant jugée par rapport à autrui, non par rapport au sujet moral, il devient possible qu’on fasse une chose réellement et actuellement injuste sans être injuste en la faisant. En effet, l’homme qui prend le bien d’autrui par erreur fait une chose qui est injuste, en tant qu’elle lèse autrui et offense le droit, chose essentiellement objective. Mais cet homme n’est pas un injuste ; car ce qui fait la justice ou l’injustice du sujet, ce n’est pas l’objet en soi ; c’est l’objet secundum quod objicitur, c’est-à-dire, tel qu’il est jugé.

— De plus, l’injustice peut procéder de tendances qui n’ont, de soi, nul rapport avec autrui et, de soi, n’affectent pas toujours la nature de nos biens. Celui qui vole un objet par colère ou par concupiscence, pèche sans doute ; il pèche même doublement, puisque deux vertus se trouvaient intéressées à son acte. Mais ce n’est pas l’injustice, en lui, qui a produit cet acte injuste. Il n’est donc pas, à proprement parler, un injuste. La passion calmée, on le retrouvera respectueux du bien d’autrui. Facere injustum ex intenlione ri ex electione est proprium injusli, secundum quod injustus dicitur qui habet injusliliæ habilum ; sed facere injustum præler intentionem, vcl ex passiinc potest (iliquis absque habilu injustifiée… Ibid., a. 2.

Dans quelles conditions y a-t-il injustice.

Mais du côté de celui qui subit ou souffre l’injustice, que faut-il pour que, en cfît, nous puissions parler d’injustice ? Faut-il qu’il y ait opposition de sa part, de telle sorte que l’injustice n’existerait plus, si lui-même y consentait ?

Nul, répond saint Thomas, ne subit une injustice, à moins que sa volonté n’y soit opposée : Nullus palitur injustitiam nisi nolens, a. 3.

Dans son concept même, l’action procède de l’agent ; la passion, au contraire, selon sa raison propre, provient d’un autre ; d’où il suit qu’un même être ne peut pas, sous le même rapport, être agent et patient. Or, dans l’homme, le principe propre de l’action est la volonté. Il s’ensuit que, de soi et à proprement parler, l’homme fait ce qu’il fait de sa volonté propre ; au contraire, il est, à proprement parler, passif quand il subit quelque chose en dehors de sa volonté. La raison en est que, en tant qu’il veut, le principe vient de lui et, par suite, de ce chef il est plus agent que patient. Donc, ce qui est injuste ne peut, de soi et à parler rigoureusement, être fait par personne qu’il ne le veuille ; ni être subi par personne, que sa volonté ne s’y oppose. Mais accidentellement et, pour ainsi dire, matériellement, ce qui de soi est injuste peut être fait par quelqu’un qui ne le veut pas, comme si quelqu’un accomplit une chose injuste sans y penser ; ou peut être subi par quelqu’un qui le veut, comme lorsque quelqu’un donne, de son plein gré, à un autre, plus qu’il ne lui doit.

Lorsque quelqu’un, par sa propre volonté, ou de son plein gré, donne à un autre ce qu’il ne lui doit pas, il ne commet, ce faisant, ni injustice ni inégalité. C’est qu’en effet l’homme possède les choses par sa volonté, c’est-à-dire, qu’elles ne sont siennes qu’autant qu’il veut qu’elles le soient. Si donc quelque chose lui est enlevé, ou par lui-même ou par un autre, de son plein gré, il n’y a plus là aucune violation de proportion. Conséquemment la justice et l’égalité demeurent parfaitement intactes : Homo per suam voluntatem possidet res ; et ita non est preeter proporlionem, si ei aliquid sublrah dur secundum propri’im voluntatem, vel a seipso vel ab alio, a. 3, ad lum.

L’individu, continue saint Thomas, peut être considéré sous deux aspects : d’abord en lui-même, en tant qu’il forme un tout à part. De ce chef, s’il se cause quelque tort oudommag-, il pourra se rendre coupable d’un autre péché, par exemple, d’intempérance ou d’imprudence, mais non d’injustice ; car de même que la justice est toujours relative à autrui, il en est de même de l’injustice. — Sous un second aspect l’individu humain peut être envisagé en tant qu’il est quelque chose de la cité, savoir une de ses parties ; ou quelquî chose de Dieu, à titre de créature et d’image. Sous ce rapport, celui qui se tue volontairement ne se fait point injure, à lui-même, mais il fait injure à la cité et à Dieu. Et voilà pourquoi il est puni tant selon la loi divine que selon la loi humaine, a. 3, ad 2um.

Il suit de là que tout péché de l’homme contre lui-même implique plus ou moins un péché d’injustice contre la société dont il est le membre, et plus encore contre Dieu à qui il se doit tout entier, corps et âme.

Le suicide constitue donc une injustice, sinon à l’égard de celui qui le commet, du moins envers la société et envers Dieu… De. même celui qui tue quelqu’un sur sa demande, comme l’écuyer de Saill, n’est pas injuste envers ce quelqu’un ; il n’en est pas moins très injuste. Son injustice se reporte sur le corps social, qu’il a privé de son chef ou de l’un de ses membres.-A supposer que la société y conseil’ît, l’homicide ne serait plus injuste envers elle ; mais il le serait à l’égard de l’ordre universel et de son chef, ou de Dieu.

On n’est donc injuste qu’à l’égard d’autrui, et être injuste à l’égard d’autrui c’est être injuste à l’égard de la volonté d’autrui, par conséquent, en dehors de son consentement. En effet, comme l’action morale procède de l’agent moral en tant qu’il veut, ainsi la passivité qui lui correspond est subie par le sujet de l’action en tant qu’il ne veut pas.

A parler matériellement, le fait que quelqu’un commet quelque chose d’injuste et celui qu’un autre le subit s’accompagnent toujours. Mais, si nous parlons formellement, il se peut que quelqu’un fasse quelque chose d’injuste, ayant l’intention de causer du dommage à autrui ; et cependant celui qu’il veut ainsi léser ne souffrira pas d’injusti e, ’a ee qu’il la subit de s n plein gré. Et inversement, il se peut que quelqu’un