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JOACHIM DE FLORE. VIE

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JOACHIM DE FLORE. LE JOACHIMISME

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vestre à Gérard Segarelli. âge où contre la richesse et le pouvoir politique, d’abord légitimes, mais bientôt causes de décadence, ont été nécessaires les protestations de plus en plus énergiques que représentaient les bénédictins, puis les ordres mendiants ; 4. enfin depuis Segarelli, âge qui verra la ruine violente de l’Église corrompue et le rétablissement de la vie apostolique et de la perfecl ion achevée, ces quatre périodes, disons-nous, n’ont rien de commun avec la conception de l’abbé de Flore.

On en est peut-être un peu plus près, ou plutôt on en a comme une caricature enfantine, avec la secte des guillelmites. Voirce m it, t.vi.col. 1982. C’est toujours vers 1260 qu’apparait à Milan une femme d’origine mystérieuse, Guillelminc, qui ne tarda pas à être en grande réputation de sainteté auprès d’un petit groupe, si bien qu’un peu malgré elle peut-être, plutôt que d’après ses enseignements, on se persuada qu’elle était l’incarnation de l’Esprit Saint sous forme féminine, comme Jésus avait été l’incarnation du Fils sous forme masculine. Après sa mort, vers 1281, on lui rendit un véritable culte au monastère cistercien de Chiaravalle, et ses disciples attendirent avec conviction sa réapparition triomphale et l’inauguration du règne de l’Esprit sur toute l’humanité. L’Inquisition s’occupa d’eux à diverses reprises et finit par étouffer la secte au commencement du xive siècle.

La réaction contre le joachimisme.

L’Église

ne s’émut pas de tous ces égarements aussi vite qu’on aurait pu le croire. Alexandre IV n’a pris aucune mesure contre les flagellants ; on a longtemps laissé Segarelli à peu près tranquille ; peut-être le considérait-on, au début, surtout comme un grotesque ; les faux apôtres sont visés sans doute, avec d’autres, dans le can. 23 du IIe concile de Lyon en 1274, Sexl. Décret., 1 III, c. xvii, can. unie ; mais ce canon, en interdisant tous les groupements non autorisés de mendiants, ne leur défend pas autre chose que de recevoir de nouveaux membres ou d’acquérir de nouveaux immeubles ; et il faut descendre jusqu’en 1286 pour trouver la première bulle de condamnation proprement dite par Honorius IV. Il n’était pas possible, néanmoins, devant ces sectes étranges, et après l’affaire de l’Evangile éternel, de ne pas voir le danger du joachimisme et de ses dérivés.

Non pas qu’on l’ait encore traité en hérésie caractérisée et bien définie. Ce serait tout à fait fausser le tableau que de se figurer deux camps tranchés : les orthodoxes et les autres. Le joachimisme, au moins dans certaines de ses formes, a eu très longtemps encore des sympathies, dans les milieux les plus élevés de l’Église, et même à la cour pontificale. Nous avons déjà cité le pape Jean XXI. Chose plus étrange, à en croire Salimbene, un notaire apostolique, « saint homme », maître Albert de Parme, très connu par les négociations considérables qu’il a conduites pour Alexandre IV et Urbain IV, s’est intéressé avec bienveillance aux débuts des faux apôtres et les a conseillés. Salimbene, p. 261 et 508. On n’oubliera pas non plus l’évêque de Porto, Jean de Tolède, d’ailleurs personnellement en grande réputation de prophétisme, qui en 1269 encore envoyait en Allemagne, avec l’intention d’y favoriser la candidature impériale de Frédéric, de Thuringe, un oracle pseudo-joachimite. Cf. sur cette affaire la Continuatio 1 de la Chronica auciore mlnortta Erphordlensi, dans Monum. Germ. Mit., Script., t. xxiv, p. 207 ; et sur Jean de Tolède en général, Grauert, Meister Johann von Toledo, dans SUzungsberichle <lcr philos, phllologischen und histortsehen Classe rfer Akademie <irr Wissenschaflen : u Mûnchen, 1901, p. 111 325.

A la génération suivante, les cardinaux Colonna, les

ennemis de Boniface Vin, et le cardinal Napoléon

Orsini sont les patrons de tout ce qui est spirituel ou joachimite. Il arrive aux théologiens même qui polémiquent contre le prophétisme joachimite ou contre le spiritualisme, d’alléguer Joachim comme une autorité ; ainsi Jean Quidort, cf. supra col. 840, dans un traité contre Arnaud de Villeneuve. Finke, Aus den Tagen Boni/az VIII. p. 211-212. Tant restait grande la confusion des esprits ; et tant il est vrai qu’une espèce de dégradé invisible réunissait les diverses opinions.

Sous le bénéfice de cette réserve, on peut dire qu’à partir de la crise provoquée par l’incartade de Gérard de Borgo San Donnino, les autorités ecclésiastiques et les théologiens les plus accrédités de l’Église tendent à s’éloigner du joacbimisme.

Dans un récent article de Y Archivum Franciscanum Historicum, 1923, t. xvi, p. 3-33, le P. Longpré a attiré l’attention sur les Distincliones deFr. Thomas de Pavie, écrites peu avant 1260. Ce franciscain se montre très réservé sur toutes les prophéties qui concernent l’Antéchrist. Joachim en particulier a cru. nescio suo an Divini Spiritus motu, pouvoir fixer l’avènement de l’Antéchrist à 1260. Utrum autem verum vel falsum dixerit cito apparebit. Hoc asscro quod scripta efus plures stultos et mendaces ostenderunt, vel quia aliter intellexerunt ea quam intclligenda fuerinl, vel quia scripta illa humano spiritu, non divino, sunt édita, cujus sententiie nec assertorem me facio, nec conlemptorem me assero. Même attitude de la part du franciscain allemand David d’Augsbourg dans son De septem processibus religiosorum, cité par Stceckerl, Bruder David von Augsburg, p. 179 : « Beaucoup se laissent tromper et prennent pour une inspiration de l’Esprit Saint ce qui n’est que leur propre pensée ou ce que leur a inspiré l’esprit de mensonge. Nous sommes rassasiés jusqu’au dégoût des prophéties sur la venue de l’Antéchrist, sur les signes précurseurs du jugement dernier, sur la disparition des ordres, la persécution de l’Église, la ruine de l’Empire, les fléaux divers et autres choses du même genre. Même des hommes sérieux et pieux ont été assez crédules pour prendre beaucoup de leurs opinions dans les écrits de Joachim et autres prophètes. Même admise la véracité et l’authenticité de ces écrits, est-ce que des religieux, tout particulièrement, n’ont pas occasion de s’occuper de façon bien plus utile ? Le Christ a blâmé chez ses apôtres ces réflexions curieuses touchant l’avenir. » On a vu la conduite très ferme de saint Bonaventure. Dans ses propres écrits, il n’a pris au joachimisme que les quelques formules anodines qui glorifiaient les franciscains. Et il a combattu les erreurs de Joachim sur la Trinité. Ni Bacon, ni plus tard Duns Scot, n’ont donné dans le joachimisme. — Ainsi, tous ces exemples le prouvent, même dans l’ordre franciscain, qui y était plus enclin, beaucoup des meilleurs et des plus éniinents s’en sont préservés. Plus devint furieuse la querelle des partisans de la communauté et des spirituels, et plus les premiers eurent lieu de se défier du néojoachimisme, tout entier au service de leurs adversaires.

De ce que les joachimites se sont recrutés surtout parmi les franciscains et leurs amis, de ce que tel d’entre eux, comme Arnaud de Villeneuve, nous apparaît animé contre les dominicains d’une haine toute personnelle, il ne faut pas conclure que la lutte contre le joachimisme n’est qu’un épisode de la rivalité des deux ordres. Mais plus encore que les franciscains et à plus forte raison les dominicains l’ont combattu Il suffit de citer saint Thomas, qui dans son Exposttio in secundam décrétaient, opusc..v.v/r, a justifié la doctrlne trinitatre de Pierre Lombard contre l’abbé de Flore, qui, dit-il un peu rudement, n’y a rien compris. non bene capirns verba maglstrt prædicti, ulpote inErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.