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JÉSUS-GHRIST ET LA CRITIQUE. LES MIRACLES


ties de l’authenticité la plus parfaite et de la véracité la plus absolue-. Aucune méthode comparative ne peut nous obliger à révoquer en doute les certitudes qu’offrent les récits évangéliques à cause des incertitudes que présentent les origines des religions autres que le catholicisme.

2. On entreprend encore de justifier la négation des miracles évangéliques en faisant étal de l’universelle diffusion de la croyance aux prodiges, diffusion aussi grande chez les Juifs que chez les païens de l’époque. Heitmûller, toc. cit. Il ne s’agissait pas, en réalité, de rais miracles, mais de guérisons d’infirmités de toute sorte, infirmité^ (jiie l’ignorance ou la superstition attribuaient aux esprits malins. Ce sont donc ici, très particulièrement, les miracles relatifs à la délivrance des possédés qui sont visés. Assurément on ne peut nier qu’à l’époque où parut Jésus, les Juifs n’aient eu la tendance d’attribuer aux esprits malins l’origine de bien des maux ; cette idée se reflétait dans les expressions et les façons de parler. Mais nous avons déjà dit, voir col. 1193, pourquoi il est impossible de révoquer en doute les cas particuliers de possession diabolique dont il est fait mention dans l’Évangile. Dans les textes qui leur sont relatifs, Jésus y parle trop nettement de son antagonisme personnel avec le démon pour que nous soyons autorisés à voir dans son attitude et ses paroles « une accommodation volontaire, pédagogique, à des erreurs inofîensives, répandues de son temps. » Quant aux cas plus nombreux, signalés in qlobu et sans spécification aucune, il est possible que les Évangélistes, usant de la terminologie du temps, ait langé parmi les démoniaques de simples malades qui offraient avec ceux-ci des symptômes extérieurs semblables. Datu hoc, non concesso, il ne s’ensuit pas encore que les miracles de Jésus à l’endroit de ces malades puissent être niés comme miracles : L’interprétation rationaliste qui réduit les divers cas de possession à des formes variées de maladies mentales ou nerveuses, à l’épilepsie, à l’hystérie, à la manie, à la grande névrose, ne diminue aucunement la difficulté de l’explication naturelle des cures opérées par Jésus. On reconnaît en effet de plus en plus la lenteur, l’extrême rareté, l’instabilité des guérisons obtenues en pareille matière. Mais pour tous ceux qu’un parti pris philosophique Injustifiable n’empêche pas d’admettre l’existence d’esprits séparés, les miracles ne sont pas moins évidents. Aux lieu et place des méthodes alors approuvées, souvent très contestables, toujours lentes, compliquées et précaires, Jésus use de procédés sommaires et souverains… Par la simplicité, par l’efficace, par l’empire, qu’ils attestent dans ce domaine trouble et mystérieux, où une force intelligente tient en échec les efforts humains, les procédés du Maître ne diffèrent pas moins des exorcismes alors usités que sa façon de guérir les autres maux, ne différait de la thérapeutique habituelle. » !.. de Grandmaison, art. Jésus-Christ, n. 332.

3. Mais l’étude des textes évangéliques eux-mêmes fournit, dit-on, un troisième argument justificatif en faveur de la thèse rationaliste. Il y a, dans nos i écits, une tendance à l’amplification, à l’idéalisation. On en trouve le point culminant dans le quatrième évangile. Mais cette tendance existe déjà chez les synoptiques. N’est-ce pas là un argument très fort en faveur de l’hypothèse, si souvent émise par les 1 1 il iques, d’une Idéalisation du (’.lu isi par les premiers chrétiens dans un but dogmatique ou apologétique ? Strauss apporte à l’appui de ces assertions les histoires de l’expulsion des démons à Ciérasa, Marc, v, 1-20 ; Matth., viii, 28-34 ; Luc, viii, 26-39 ; la guérison du lunatique, Marc, tx, 13-28 ; Matth., xvii, 14-20 ; Luc, i. 37 14 ; la guérison du paralytique, Marc, ii, 1-12 : Matth., i. 1-8 ; Luc, v, 17-26. L’argument de

Strauss porte sur le progrès et l’amplification qu’on trouve chez saint Luc sur saint Matthieu, chez saint Marc sur saint Luc : cet argument ne vaudrait (si tant est qu’existent le progrès et l’amplification qu’afiiime Strauss) que dans l’hypothèse de la priorité de Matthieu sur Luc, et de Luc sur Marc C’était la thèse de Strauss : mais on sait que cette thèse n’est plus acceptée de personne aujourd’hui. La critique a i envcrsé la critique. Nous avons déjà dit ailleurs, voir col. 1191, pourquoi les divergences des évangiles entre eux, loin d’être un argument en faveur des interpolations ou des additions possibles, attestaient au contraire leur sincérité et leur véracité.

D’ailleurs comment admettre que la première génération chrétienne ait fait à Jésus-Christ une auréole des miracles qu’il n’aurait point accomplis ? Parmi tous les arguments qu’on a coutume d’apporter contre l’assertion rationaliste, il convient d’en relever ici deux particulièrement satisfaisantes : « Entre la mort de Jésus-Christ et la date indiquée (comme date de composition des évangiles), sous le regard de plusieurs apôtres qui vivaient encore et d’autres nombreux témoins oculaires de la vie de Jésus, une tradition légendaire n’aurait pas eu le temps de se former. D’ailleurs l’école néo-critique est obligée de reconnaître que l’œuvre de saint Marc, sous sa forme actuelle, ou sous la forme primitive que lui donnent quelques-uns de ses membres, est redevable de nombreux enseignements à saint Pierre, même dans les narrations où il est question de miracles. Il suit de la que l’élément miraculeux, dans les évangiles, n’est pas le produit de la foi des chrétiens, mais une partie essentielle et primitive des récits sacrés. Fïllion, I-cs miracles de N.-S. Jésus-Christ, t. i, p. 112. D’ailleurs les apôtres étaient attentifs à ce qu’aucune erreur ne se glissât dans l’Église ; cf. Act., xx. 30 : Gal., i, (i-7 ; I Tim., iv. 1-3 ; vi, 3-5, 20-21 ; II fini., m. 1-9, 14 ; II PeL.u, 1-19 ; I Joa"., iv. 1-li : II Joa., 9-11 ; Jud., 19 ; Apoc, ii, 14-15, 20, etc. ; ils n’auraient toléré aucune addition légendaire à la vie du Seigneur… à moins que nous ne les accusions de duplicité ou d’illusion ; mais alors ce serait revenir aux plus anciennes positions rationalistes de Reimarus ou de Renan, positions condamnées aujourd’hui par la critique elle-même. Un deuxième argument convaincant a été formulé par J. H. Bernard, dans le Diclionary of the Bible de Ilastings, t. iii, p. 391 : « Si les preuves de la réalité des miracles de Notre-Seigneur n’avaient point paru entièrement satisfaisantes à ceux qui avaient les meilleurs moyens d’en juger, l’Église catholique n’aurait pas vécu pendant une seule année après le crucifiement de Jésus. » Loin d’avoir créé les miracles, c’est aux miracles qu’elle doit en partie son existence. Quant à la vérité des miracles du quatrième évangile, elle est démontrée par le fait même de l’historicité de cet écrit.

4. Les textes évangéliques et Jésus lui-même fournissent aux rationalistes un nouveau moyen de tenter leur justification. Jésus nous est montré refusant un signe du ciel aux pharisiens qui le demandent, Marc, vm, Il sq., cf. Matth., xvi, 1, sq. ; Matth., xii, 38-10, cf. Luc, xi, 29-30, et impuissant à accomplir des miracles, à cause de l’incrédulité de ses auditeurs, Marc, vi, 5-6, cf. Matth., xiii, 58. « Ces deux traits de la plus ancienne tradition nous fournissent deux normes historiques inattaquables : non seulement nous pouvons, mais nous devons traiter avec défiance tout ce qui porte le caractère de miracles extraordinaires, et nous ne devons admettre dans le domaine du possible que ceux des événements merveilleux dans lesquels la confiance personnelle pouvait jouer un rôle. » Heitmûller, op. cit., p <>. r >. Et n’est-ce pas comme malgré lui que Jésus accomplissait des miracles puisqu’il recommandait à ceux qui en étaient bénéficiaires la