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JÉSl S-CHRIST ET LA CRITIQl ; K. LES MIRACLES

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1° Histoire des (iliaques rationalistes. - — 1. Les premiers théologiens rationalistes. --Reimaïus accuse ouvertement les disciples d’avoir inventé d’une manière frauduleuse et de connivence avec Jésus les miracles relatés dans l’Évangile. Jésus se sérail mis d’accord avec quelques-uns de ses compatriotes qui se firent passer pour sourds, muets, estropiés ou fous, alin de lui fournir l’occasion de les guérir en apparence. Sa résurrection même n’aurait été qu’une feinte, après l’enlèvement de son cadavre par les apôtres. Paulus .i recours à la théorie des explications purement naturelles. Les prodiges de l’Évangile, d’après lui, peuvent et doivent tous être ramenés â des causes physiques et humaines. Jésus n’a voulu accomplir aucun miracle propienient dit : les évangélistes ne se sont pas proposés de raconter un seul fait vraiment prodigieux : la marche sur les eaux n’a été qu’une promenade au bord du lac ; le changement de l’eau en viii, une aimable mystification ; les résurrections ne furent que le retour normal à la vie de malades tombés en syn cope ; les maladies guéries par le Christ furent imaginaires, etc.— Schleiermacher n’ose faire de pareilles violences aux textes sacrés. Les prodiges furent réels. Mais, grâce à des dons spéciaux et à des connaissances très vastes, inexplicables pour ceux qui étaient témoins des résultats obtenus, Jésus pouvait accomplir des actes qui paraissaient être des prodiges. quoiqu’en réalité ils n’aient jamais dépassé les limites du domaine naturel. — D. Schenkel rattache, lui aussi, les miracles de Jésus, et surtout les miracles de guérison, â un pouvoir extraordinaire, mais naturel. Toutefois avec cet auteur commence déjà la distinction entre miracles de simple guérison et miracles sur les forces physiques les seconds étant la plupart du temps le fruit de la légende et leur récit ne s’expliquant que par des interpolations. — Strauss inaugure une ère nouvelle. Repoussant le système de Reimaïus comme contraire à la logique et celui de Paulus comme contraire à la méthode historique, il fait intervenir son système personnel des < mythes » pour expliquer les prétendus miracles du Sauveur qui, en réalité, sont « les créations légendaires formées dans l’Église primitive au sujet de Jésus sous la double influence des oracles de l’Ancien Testament et du désir d’exalter les plus possible Notre-Seigneur, envisagé connue le Messie promis. Tantôt les miracles relatés dansl’Évan-Liilc n’ont aucune base historique : ce sont simplement des incarnations de l’idée messianique ou d’autres concepts chrétiens, tantôt ils ont pour origine un l’ail historique réel, mais faussement interprété : le Seigneur avait dit de ses disciples qu’il i les Ici ail pêcheurs d’hommes : cette parole transformée a donné naisami’au miracle de la pêche miraculeuse ; Isae avait annoncé que les aveugles venaient, les muets parleraient, etc., cet li" pi uphél ie 1 1 ansposéc en aile a donné lieu aux miracles de guérison, etc. Plus tard, comme mi l’a « lit plus haut. col. 1378, Strauss modifia quelque peu son système général ; l’explication des miracles

s’en trouva, elle aussi, modifiée. Les miiacles du quatrième évangile appartenant au Christ Idéal ont été intentionnellement fabriqués de toutes pièces ; les autres possèdent peut-être quelque tond de vérité, us ayant pu être doué d’ « une vertu cm ative phy iique, Joui nous pouvons nous taire quelque idée par l’analogie de la toi ce magnétique. Streitschriften zut

Verlheidigung meiner Schrijt ùber dus Leben Jesu, . ;. Tubingue, 1838, p. 153. Baur et ses dis ciples <’e l’école de Tubingue appliquent aux miracles de l’évangile leur sj steme des tendances >. Ainsi, les (liges racontés dans le quatrième évangile sont entièrement Actifs ; ceux que relatent les synoptiques ont parfois une base réelle, mais mal comprise et mal interprétée ; très souvent aussi, ils sont sans aucun

fondement dans la réalité et ne doivent leur existence supposée qu’au désir de glorifier Jésus.

2. La critique éclectique. — La critique relative aux miracles de Jésus suit la même courbe que la critique relative ;  ! sa divinité. Les premiers rationalistes etleurs successem s immédiats ont épuisé la série des systèmes plus ou moins a priori ; les néo-ci itiques de l’école libérale se feront éclectiques empruntant aux nus et aux autres quelques traits et les amalgamant ensemble. Ils ont recours tout à la fois aux interprétations naturelles de Paulus, aux mythes de Stiauss, aux tendances de Baur. aux influences morales ou psychiques de Schleiermacher et de Schenkel, et même, quoique avec une certaine réserve, à la supercherie dont Reimaïus n’a pas craint d’accuser Jésus et ses disciples Généralement, ils rejettent dans le domaine du mythe ou de la légende les miracles opérés par Notre-Seigneur dans le monde de la nature [c’est-à-dire, les modifications apportées par Jésus aux lois physiques qui régissent le monde), les résurrections des morts et certains cas [tout à lait extraordinaires] de guérison : ils consentent à regarder comme authentiques un nombre limité de cures merveilleuses, à condition de les expliquer par l’influence que le Sauveur exerçait sur les malades, grâce â sa volonté énergique, à sa miséricordieuse bonté, â son art de suggestionner, etc. » L.-Cl. Fillion, op. cit., t. i, p. 81. Cf. du même auteur, Ce que les rationalistes daignent nous laisser de la vie de Jésus, dans la Revue du Clergé français, 1 er juillet, P r août. 1 er septembre 1908. Dans cette interprétation des miracles, chacun apporte sa note particulière. - C. Hermann Wcisse rejette comme apocryphes un certain nombre de guérisons plus difficiles, les résurrections de morts, les miracles sur les forces de la nature et les considère comme une < enveloppe » dont le dogme et la tradition avaient entouré l’histoire de Jésus, Die evangelisehe Geschichlc kritiscli und philosophisch bearbeilet, Leipzig, 1838. — Aux grandes lignes du système éclectique, Renan ajoute ses interprétations personnelles, si fragiles et si superficielles qu’il est impossible de les prendre au sérieux. Les guérisons qu’opéraient Jésus furent souvent dues i au contact d’une personne exquise » qui valait « les ressources d’une pharmacie. Pour la résurrection de Lazare, il insinue que Jésus se rendit complice d’une supercherie : d’ailleurs Jésus i subissait les miracles que l’opinion exigeait, bien plus qu’il iules taisait « : c’est équivaleminent affirmer que les miracles sont le produit île l’imagination et de la suggestion, mais qu’ils n’ont pas existé en réalité. D’ailleurs l’auteur les nie a priori : « C’est parce qu’ils racontent des miracles que je dis : Les évangiles sont des légendes : ils peuvent contenir de l’histoire : niais certainement tout n’y est pas historique. Vie de Jésus. _> édit., p. 270 ; 372-375 ; 21’-> : I3e édit., p. vi. — Il est à peine utile de citer ici le nom de M. Loisy, qui marche pleinement sur les traces de Renan, jus qu’à parfois reproduire les expressions de l’auteur de la Vie des Jésus. Cf. Jésus et la tradition éoangélique, Paris, pipi. La négation du surnaturel, principe éminemment rationaliste, a été posée comme base de imite critique par Ernest Havet : La première obligation que nous fait le principe rationaliste, qui est le

fondement de toute critique, est d’écarter de la vie de Jésus le siu naturel… Il n’a pas de surnaturel dans la vie de Jésus : il a pu avoir quelquefois l’illusion du surnaturel i. Revue des Deux Mondes. | » « avril 1881, p. 587, 589. Th. Keiin se rattache à Schleiermacher.

Les miracles autres que les miiacles de guérison sont

ou bien des légendes, fondées sur des faits typiques de l’Ancien Testament (apaisement de la tempête, résurrection de morts), ou des paraboles transformées en acte (pêches miraculeuses, figuier maudit) : les