Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/707

Cette page n’a pas encore été corrigée

1395 JÉS1 S-CHRIST ET LA CRITIQUE. LA CONSCIENCE MESSIANIQUE

1396

à l’extérieur que dans la mesure où l’exige le bien <k’la mission rédemptrice. D’autre part, les synoptiques, dès le début du ministère de Jésus, placent une allusion discrète, mais suffisamment précise, à la passion future. Marc, ii, 19-20 ; cf. Matth., ix, 15 ; Luc. v. 34-35. Évidemment, les critiques tentent d’en modifier la signification, cf. Jiilicher, Die Gleichnisreden Jesu, t. ii, p. 188 ; Loisy, Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1903, p. 519, ou en révoquent en doute l’authenticité, cf. N. Schmidt, art. Son of mari, §46, dans YEnajclopedia biblica de Cheyne, col. 4739. L’hypothèse d’une « interprétation théologique » postérieure aux discours de Jésus et introduite après coup dans les récits évangéliques, en tout ce qui concerne les prophéties de Jésus relatives à sa passion et à sa mort, sourit d’ailleurs beaucoup aux partisans de la thèse eschatologique. En vertu de cette hypothèse, M. Loisy conteste la pleine authenticité de ces passages évangéliques. Cf. Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1903, p. 297. Mais cette hypothèse est fantaisiste et contredite par les observations prises sur le vif — intelligence incomplète de la part des apôtres, monitions réitérées du Christ, pressentiment du malheur futur — qui attestent dans les récits évangéliques, beaucoup plus l’état d’âme du Christ et des disciples, que les préoccupations subséquentes de la chrétienté primitive. Marc, viii, 31-33 ; cf. Matth., xvi, 23 ; Marc, ix, 9, 31 ; Matth., xvii, 22 ; Luc, ix, 45 ; xviii, 34. « En résumé, conclut M. Lepin, rien n’appuie sur le terrain de la critique exégétique, l’idée d’une évolution quelconque, produite dans la conscience messianique de Jésus, au cours de son ministère. Les hypothèses proposées relèvent de la philosophie, beaucoup plus que de l’exégèse. Mises en face des documents elles peuvent être regardées comme d’ingénieux essais de restitution psychologique, tendant à reproduire conjecturalement la manière dont le phénomène de conscience se serait passé, s’il s’était passé selon les lois ordinaires de la conscience humaine : elles ne sont pas autrement établies sur les faits. » Op cit., p. 199.

2. « Les hypothèses qui ont pour but d’expliquer les origines de cette conscience n’ont pas un plus solide fondement. » — Pourquoi préciser la date du baptême comme point de dépai t de la conscience messianique ?

u) Avant le baptême, Jésus se serait-il estimé au rang des autres hommes, simple pécheurs, ayant besoin eux-mêmes de pénitence’? Mais tout proteste contre cette hypothèse, mise en avant par O. Holtzmann : el l’union liés étroite que Jésus avait depuis toujours avec Dieu et qui est reconnue par la plupart des critiques eux-mêmes, cf. E. Stapfer, Jésus-Christ avant son ministère, p. 186, 189, 191 ; A. Harnack, Dos Wesen des Christentums, p. 21, tr.fr., p. 36 ; et l’idée rédemptrice qui a toujours dirigé Jésus, Marc, , 15 ; cf. Matth., xxvi, 28 ; Luc, xxii, 19-20, et qu’on ne coinprendrait pas si Jésus avait pu jamais se sentir dans l’obligation d’être lui-même racheté. Le baptême peut avoir une autre explication et marquer simplement i le commencement d’une vie nouvelle. » B. Weiss, up. cit., t. i, p. 298, « l’inauguration d’une phase nouvelle dans l’accomplissement de sa mission. » W. Sanday, art. cil., p. 611. Jésus se présente au baptême pour « accomplir toute justice, » c’est-â-dirc prépare]’pal là, clou la volonté de Dieu, la réalisai ion du royaume

messianique, l’.t Matthieu est ici en pleine concordance

avec Jean, car dans le quatrième évangile Jésus

ni au baptême, comme agneau de Dieu » qui

se eh péchés du monde, afin de les expier

pai i a pénitence et par sa mort.

b) Mais il ne faudrait poinl cependant considérer le

baptême comme ayant influé sur les idées de Jésus.

relativement à sa mission. La manifestation miraculeuse de la parole tombée du ciel sur Jésus, même dans le cas où il n’y aurait eu aucun témoin de l’événement, voir col. 1184, n’est pas moins utile pour marquer extérieurement la volonté du Père, invitant Jésus à entrer dans la carrière messianique. On peut y voir comme une consécration officielle, mais tout extérieure, du Sauveur pour son œuvre, son investissement solennel et tout particulier par l’Esprit de Dieu, en vue de la mission qu’il doit entreprendre. Nous avons reconnu une action spéciale de l’Esprit Saint dans l’humanité du Christ, voir col. 1287 sq. Le baptême est un de ces moments, où, dans la vie du Sauveur, cette action s’est fait sentir plus particulièrement. « Il est donc légitime de dire qu’une vie nouvelle commence pour le Christ, au point de vue de l’accomplissement de sa mission ; le baptême figure comme « le point de départ » du ministère public ; en ce sens, on peut l’appeler « un moment important », si l’on veut même « un moment décisif » dans la carrière de Jésus. Mais aller plus loin et supposer que la circonstance du baptême a marqué une date importante dans le « développement intérieur du Sauveur, qu’elle peut avoir eu une inlluence décisive sur « le développement messianique », cf. Loisy, Le quatrième évangile, p. 169233, c’est dépasser la portée de nos textes et sortir des données strictes de l’histoire. Dès avant le baptême, en effet, le Précurseur est conscient de la venue imminente du Messie, Marc, i, 7 ; cf. Matth., iii, 11 ; Luc, iii, 16 ; Joa., i, 26 et l’évangile de S. Matthieu atteste la réalité de cette conscience messianique chez le Sauveur, dès sa première entrevue avec Jean. Matth., iii, 15. « Il semble donc bien résulter, d’une critique attentive de nos documents synoptiques, qu’au baptême il se fit une déclaration solennelle de la filiation divine de Jésus, du même coup une manifestation publique de sa dignité messianique, sa consécration officielle, si l’on veut, comme Messie du Seigneur, et son investissement spécial par l’Esprit Saint, en vue de l’accomplissement de sa mission ; mais rien n’indique qu’il ne fût pas déjà auparavant, privément et dans le secret, le Messie, Fils de Dieu, et qu’il ne se connût pas déjà comme tel. Il y a tout lieu, au contraire, de s’en tenir au témoignage du premier évangile qui, d’accord avec le quatrième, nous présente Jésus en pleine connaissance de sa messianité, des sa rencontre avec le Précurseur. « I.epin, on. cit., p. 208.

3. « Si l’on n’est pas autorisé à dater du baptême l’épanouissement de la conscience messianique, fest-on encore à en placer la préparation dans la conscience filiale ? » — Au point de vue exégétique, rien, absolument rien, ne nous autorise à supposer que la conscience filiale ait précédé la conscience messianique. Jésus est proclamé tout d’abord Fils de Pieu » avant de se proclamer « Messie i. Mais le premier litre renferme le second. Jésus est proclamé, il se proclame lui-même, tout à la lois et dans une même vue le Fils de Dieu et le Messie. La conscience messianique est tout aussi ancienne que la conscience filiale. Or, touchant la conscience filiale, bon nombre de critiques estiment que Jésus croyait que dès sa naissance il étail Fils de Dieu ; il avait l’intime persuasion d’avoir été choisi de Dieu île toute éternité. Cf. Eiarnack, Dos Wesen tics Christentums, p. si. tr. Ir., p. 138, a propos de Joa., vii. 21 : I !. Weiss. op. cit., t. i. ]>. 281 : (’.. Dalman, Die Wotie Jesu, p. 234 ; II. YVendt, op. cit., p. 97. Pourquoi ne pas attribuer

la même ancienneté a la conscience messianique ?

I.a déclaration de Jésus à ses parents h : retrouvant dans le lemple : i Ne saviez-vous pas qu’il me faut Un aUX affaires (le mon l’ire ? » se rapporte tout