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JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE RATIONALISTE

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1875 ; - Gustave Volkmar (dans un sens ultra-radical), Die Religion Jesu und ihre erste geschiclitliche Entwicklung, Leipzig, 1857 : Der Ursprung unserer Evangelien nach den Urkunden, Zurich, 1866 ; Das Evangelium îles Markus und die Synopse, Leipzig, 1869 et surtout Jésus Nazarenus und die ersle christliche Zcit… Zurich, 1882, — Kar’.-Reinhold Kôsllin (dans un -eus plus conservateur), Ueberden Ursprung und Composition drr synoplischen Evangelien, Tubingue, 1853 : Der johannische Lehrbegrifꝟ. 1857 : — Adolphe Hilgenfeld, Das Evangelium und die Briefe Johannis nach ihrem Lehrbegriff, Halle, 18-19 ; Das Markusevangelium, Leipzig, 1850 ; Die Evangelien nach ihrer Enlstehung und geschichtlichen Bcdculung, Halle, 1854 (fait une part plus large à la critique externe) ; — Henri Jules Holtzmann, qui par sa modération relative, ne mérite pas le nom de rationaliste pur, voir col. 1373 : Die synoplischen Evangelien, ihr Ursprung und ihr geschichtlicher Charakter, Tubingue, 1863 ; Lchrbuch der hislorisch-krilischen Einleiiung in das N. T., Fribourgen-Brisgau, 3e édit., 1892 ; Synoptiker, dans le Hand-Commentar xum N. T., Fribourg-cn-Brisgau., 2e édit., 1892 ; Evangelium… des Johannes, dans la même collection, 3e édit.. 1901 ; Lchrbuch der neutestamentlichen Théologie, 2e édit., 1896-1897 ; — Cari Weizsâcker (la même modération relative que Holtzmann et atténuant considérablement dans le sens orthodoxe les théories de Baur), Untersuchungen ùber die evangelische Geschichte, ihre Quellen und den Gang ihrer Entwicklung, Gotha, 1864 ; Die apostolische Zeitalter drr christlichen Kirche, ’.V édit., 1901.

Si nous avons cité tous ces ouvrages de l’école de Tubingue, c’est que dans tous, et souvent en des sens divers sont agitées et résolues les questions concernant l’apparition tardive et la priorité réciproque des évangiles. C’est parce que les évangiles sont des œuvres du iie siècle que Baur et ses disciples peuvent échafauder leur système. Et voici que la critique historique a renversé impitoyablement ce prétendu fondement de Baur.

5. Il faut donc que les rationalistes eux-mêmes acceptent l’historicité essentielle des évangiles et les considèrent comme des documents transmis par la première génération chrétienne elle-même. Ce nonobstant, plutôt que de reconnaître le caractère surnaturel de la vie et de la personne de Jésus, ils maintiendront les deux thèses fondamentales de l’incrédulité savante ébauchées par Strauss : le Christ idéal doit être opposé au Christ historique et l’évolution religieuse expliquer le caractère surnaturel île certains récits. Mais comment concilier le double Christ -et l’évolution avec l’Evangile ? Est-ce Jésus qui par autosuggestion s’est abusé lui-même sur son caractère et sa mission ? Ne serait-ce pas au contraire la première génération chrétienne qui aurait donné au problème du Christ une réponse sans appui dans la réalité, la solution de la foi, diamétralement opposée à celle qu’aurait dû fournir l’histoire. Le rationalisme hésite entre ces deux attitudes, toutes les deux inconsistantes en regard des lexles sacrés étudiés sans parti pris.

a) l.a première a élé celle de Renan († 1892), « huis sa Vie de Jésus, dont la 1e édit.on parut en 1863. Le point de dépari de tout le travail psychologique

accompli en Jésus a été la conviction profonde de son union intime avec Dieu. Jésus est persuadé que les prophètes n’ont écrit qu’en vue de lui ; il se croit avec Dieu dans les relations d’un (ils avec son père, et, partant, il s’estime incomparablement au-desssus des

autres hommes, Celle conviction profonde tient aux

nés mêmes de l’être de Jésus. Convaincu de sa

filiation divine, il voudra y faire participer les autres hommes : c’est l’origine du i royaume de Dieu », que Jésus voulait fonder sur terre. Soutenu et encouragé

par l’enthousiasme de ses disciples, Jésus crée lui-même sa légende et, sans qu’on puisse pour cela l’accuser d’infatuation ou de démence, il y croit lui-même. Cette croyance l’amenait à prêcher avec plus de force ses idées sur le royaume futur qu’il doit établir ; les oppositions des pharisiens surgissent, menaçantes. Jésus entrevoit alors sa mort comme possible, comme prochaine : c’est donc lui vraiment le Sauveur des hommes, puisque, par sa mort, il devra sauver le monde. Ainsi, à force de vouloir expliquer le problème du Christ à l’aide de la seule psychologie humaine, Renan arrive à faire de Jésus un exalté, un véritable halluciné. Nous dirons plus loin comment il explique les miracles.

b) Vaut-il mieux, avec d’autres rationalistes, chercher l’explication du problème du Christ dans l’illusion de la première génération chrétienne, idéalisant par la foi le Christ historique ? C’est l’idée qu’a émise M. Loisy, assez timidement d’abord dans Le quatrième Évangile, Paris, 1903 ; plus nettement dans Les évangiles synoptiques, Cef fonds, 1907, 1908, et en la généralisant dans Jésus et la tradition evangélique, Paris, 1910. A dire vrai, cette conception est celle de tous les libéraux et rationalistes allemands qui distinguent, après Strauss (deuxième façon) le Christ de l’histoire et le Christ idéal, ou plus simplement Jésus et le Christ. Mais par son analyse et sa critique outrancières, M. Loisy arrive à rejeter sur des conceptions postérieures, successivement accueillies et interpolées dans le texte sacré, tous les éléments qui constituent le caractère surnaturel et divin de Jésus. Du Christ historique, nous ne savons rien ou bien peu de chose. Seul, le Christ de la foi nous apparaît dans les récits évangéliques lesquels, dans leur teneur actuelle, sont le résultat de mille additions et interpolations faites au texte du récit primitif. Un texte est-il embarrassant ? qu’importe s’il existe dans tous les manuscrits et s’il porte en soi toutes les marques possibles d’authenticité. Le Christ « historique » n’a pu agir, n’a pu parler ainsi : donc, le texte n’existe pas. Ainsi, on déclare inauthentiques Matth., xxvi, 63-65, Marc, xiv. 61-64. Jésus y affirmant trop nettement sa divinité : ainsi sera déclaré interpolé Matth., xi, 25-27. Le même sort sera réservé à Matth., xxiv, 36, où Jésus parle du < Père » ; à Luc, xx, 9-19, où la parabole des vignerons indique si clairement la filiation divine du Christ ; a la confession de saint Pierre à Philippe de Césarée, Matth., xvi, 16, Marc, viii, 29, Luc, rx, 20 ; à la déclaration de Jésus touchant sa filiation davidique, et à la leçon qu’il en tire, Marc, xii, 35 sq., Matth., xxii, 12 sq., Luc, xx, 41 sq. Le texte trinitaire de Matth., xxviii, 19 n’a ni la portée doctrinale qu’on lui attribue, ni vraisemblablement l’authenticité voulue quant à la formule baptismale qui est sans doute d’introduction postérieure. Cf. Évangiles synoptiques, loc. cit. Faut-il ajouter que Jésus ne s’est jamais attribué les pouvoirs divins ? il n’a prétendu ni remettre les péchés, ni conférer ce pouvoir à d’autres. Le récit de la guérison du paralytique de Capharnaum, Marc, ii, 1-2, Matth., ix, 1-8. Luc, v, 17-26, est vraisemblablement « une surcharge rédactionnelle, tendant à transformer une guérison extraordinaire en preuve théologique i. Il faut en dire autant de Luc, vii, 36-50 et aussi de Matth., wi. 19 ; wni. 18. Jésus ne s’est ni « placé au-dessus du Temple », figure introduite par Matth.. XU, 5-6, ni déclaré « le Maille du sabbat », réflexion surajoutée dans Marc, il, 28 ; Matth., xii, 8 ; Luc. VI, 5. Il n’a jamais déclaré que « ses paroles ne passeraient pas » ; celle assertion devait sans doute être mise primitivement dans la bouche de Dieu lui-même Il n’a jamais émis la prétention de juger un jour les - vivants et les morts ; la description du jugement dernier, telle qu’elle se Irouve dans Matth., xxv, 31-46, doit avoir