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JÉSUS-CHRIST CHEF DE SON CORPS MYSTIQUE

i :  ;.v.

perpétuellement membre du corps de l’Église. Cf. Salmanticenses, loc. cit., a. 43 sq. : Gonet, loc. cit.. n. 14 sq. Toutefois, à la suite de saint Thomas, il convient de distinguer, parmi ceux dont Jésus-Christ n’est le chef qu’en puissance, deux catégories : il j a, en effet « ceux qui… doivent lui être unis en acte d’après la prédestination divine », et i ceux qui… ne doivent jamais lui être unis en acte ». Tant qu’ils sont en vie, ces derniers, quoique destines a la damnation éternelle, sont cependant encore, en puissance, sous l’influence bienfaisante du Christ : car la vertu rédemptrice de la mort du Sauveur est universelle, et la volonté de l’homme, toujours libre, peut se déterminer, sous l’influence de la grâce, dans les voies de la conversion. Mais, une fois la mort survenue, les réprouvés ne peuvent plus, même en puissance, être les membres du Christ. Sum. Iheol., III », q. viii, a. 3, et ad lom. Le Christ est simplement leur roi.

Un problème spécial se pose à l’égard des petits enfants non baptises et des adultes qu’il faut leur assimiler. Ceux qui meurent sans baptême et qui sont, par là même, destinés aux limbes, ne sont, une fois décèdes, membres du Christ ni en acte ni même en simple puissance. Ils ne peuvent, en effet, à aucun titre, recevoir l’influence bienfaisante de la vie surnaturelle. On ne saurait donc souscrire à l’opinion de Granado, In IID m p. Sum. S. Thomæ, tract, vii, disp. VI, affirmant que le Christ peut être dit le chef des enfants morts sans baptême, quatenus sunt sibi subditi, ila quod potest Mis vel inviiis aliquid præcipere, et eis dominaiur. Quant aux enfants non baptisés qui sont encore dans le sein de leur mère, on peut dire que le Christ est déjà leur chef en puissance, car ils sont appelés à la vie et, partant, au salut. Cf. Salmanticenses, loc. cit., n. 38, sub fine.

4° Jésus-Christ comme homme, est-il le chef de l’homme duns l’état d’innocence ? — Le motif de cette question particulière, se trouve en ce que l’influx vital que le Rédempteur exerce à l’endroit de. notre salut, est dans l’ordre présent réparateur du péché. Mais ava.it que l’homme eût péché, le Christ pouvait-il exercer, en raison de la foi en l’incarnation future, une véritable influence sur la vie surnaturelle d’Adam innocent. En d’autres termes, le Christ est-il le chef de l’homme innocent’? — Cette question pose avant tout sous un autre aspect, le problème, tant discuté entre théologiens, du motif de l’incarnation. Voir Incarnation, t. vii, col. 1495-1506. Elle doit donc être résolue, conformément aux principes posés par les deux écoles en présence, d’une façon négative pour les thomistes, tout au moins en ce qui concerne la substance même de la vie surnaturelle en Adam ; d’une façon affirmative et sans restriction, pour les scotistes et ceux qui suivent l’opinion, dite moyenne, de Suarez. Toutefois, parmi les thomistes, il faut noter des nuances. Alors que les plus absolus d’entre eux refusent au Christ toute influence d’ordre surnaturel sur l’homme dans l’état d’innocence, voir Salmanticenses, op. cit., dub.iv, n. 48 sq., d’autres — tels, Gonet, que suit de nos jours hP. Hugon, De Yerbo incarnalo, p. 189-190, — tout en admettant que le Christ-homme n’a pu exercer d’influence sur la grâce essentielle d’Adam innocent, déclarent que la foi à l’incarnation, foi possédée par Adam innocent, concourait accidentellement à la vie surnaturelle du premier homme et par là le reliait, autant que la condition d’innocence le comportait, comme membre à son chef, le Christ. Gonet, disp. XIV. a. 3, 5 3, n. 62. Il est difficile de dirimer la controverse d’aprts saint Thomas : si l’angélique docteur affirme, d’une part, qu « avant le péché, l’homme a eu la foi explicite en l’incarnation du Christ, et cela dans l’ordre de la consommation de sa gloire », Sum. Iheol., Il’II’. q. n. a. 7. il n’en est pas moins vrni. d’antre

part, qu’il déclare ailleurs expressément que < le

Christ, avant le péché, n’aurait été le chef de l’Église que selon sa divinité : après le péché, l’incarnation étant décrétée pour la réparation du genre humain, il devint le chef île l’Église, même dans sa nature humaine. » De veritate, q, xxix, a. 1, ad 3° » >.

5° Jésus-Christ, comme homme, est-il le chef des anges ? — Cette question présente une très grande affinité avec la précédente. Elle en est cependant distincte, tant a cause des affirmations plus explicites de la sainte Écriture qu’en raison des déclarations expresses et unanimes des théologiens. — 1. Tout d’abord les théologiens admettent unanimement que, comme Dieu, Jésus-Christ est le chef des anges. Ils s’appuient sur des textes comme Eph., i, 20-23 ; Col. ii, 9-10 ; cf. i, 16-20. Mais le sens littéral de ces textes n’implique pas, de la part du Christ, un influx vital de la grâce aux anges. Voir Incarnation, col. 1487-1488. — 2. Toutefois, la plupart des théologiens admettent que le Christ même comme homme, doit être dit le chef des anges quant à un certain influx de la grâce. L’opinion opposée qui fait du Christ, comme homme, le chef des anges d’une manière improprement dite, sans influx vital de la grâce, a été défendue par saint Bonaventure, In IV sent., t. III, dist. XIII, 1. 2, q. m ; par Gabriel Biel, ibid., q. unie, a. 3, *dub. n ; par Guillaume d’Auxerre, Summa, t. XIII, tract, i, c. iv, par Driedo, De captivate et redemptione generis humani, tract, ii, c. ii, part. III, a. 6, concl. 4. Mais saint Thomas, dans ses commentaires sur les épîtres de saint Paul, loc. cit., et dans le De veritate, q. xxix, a. 1. ad 5° " », déclare que le Christ est le chef des anges, non seulement en tant que Dieu, mais en tant qu’homme ; son humanité, en effet, illumine les esprits bienheureux… et c’est en ce sens que l’apôtre, Col., ii, déclare que Jésus-Christ est le chef de toute principauté et de toute puissance ». Cf. Sum. Iheol., III, q. viii, a. 1. Toute la question est donc d’expliquer l’influx vital de la grâce, du Christ sur les anges. — a) Dans l’opinion scotiste du motif de l’incarnation, nulle difficulté : la primauté absolue du Christ sur toutes créatures explique l’influence surnaturelle du Verbe incarné sur la grâce et la gloire essentielles des anges bienheureux. Le Christ est voulu pour lui-même et avant toute autre créature ; il est, de par le vouloir divin, lé* médiateur universel par lequel passe toute grâce avant de parvenir à la créature. Le Christ est constitué par Dieu fin de toute la création ; c’est pour glorifier son Fils fait homme que Dieu crée les anges et les hommes lesquels reçoivent la grâce et la gloire par les mérites du Christ. Sur le développement de ces doctrines, voir Frassen, Scolus academicus. De incarnatione, disp. I, a. 2, sect. iii, q. i, et le P. Chrysoslome, Le motif de l’incarnation, Tours, 1921, p. 56100. — b) Dans l’opinion thomiste, l’incarnation étant subordonnée a la rédemption des hommes, on ne voit pas comment la grâce et la gloire substantielles des anges dépendraient, à quelque titre que ce soit, du Verbe incarné. Cependant, un certain nombre d’auteurs ont tenté de démontrer cette dépendance, en s’appuyant sur l’Écriture, Rom., v, 15 : in plores abundavit ; Heb., ii, 10 : oui multos filios adduxcral ; Eph., i, 10 : inslaurare omnia in Christo quæ in colis… sunt., etc. ; sur les Pères, sur saint Thomas lui-même, De veritate, q. xxix, a. 1, ad 5°m et In Joannis evangelium, c. iv, lect. x. Voir Salmanticenses, De incarnatione, disp. XXVIII, dul). x, n. 136-112. Les principaux défenseuis de cette opinion sont Catharin, dans ses livres De eximia Christi prædeslinalione, et De gloriu angelorum ; Suarez, l><- incarnatione, disp. XI. IL sect. ii : Grégoire de Valencia, De incarnatione, q. viii, punct. 3, et, ce qui est plus étonnant, Godoi, Dr Incarnatione, disp. I.VII, § 2.

La plupart des thomistes, et. chez les jésuites, Vas-