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    1. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE##


JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PRIÈRE D1 CHRIST

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Philippiens : formant servi accipiens. A vrai dire l’article’de saint Thomas sur la sujétion du Christ selon la nature humaine est un admirable résumé de toute la doctrine scrip tin aire et traditionnelle sur ce sujet, et on ne saurait trop mettre en relief les formules expressives du doc leur angelique. Dans saint Jean, Jésus déclare expressément : i Le Père est plus grand que moi ». Joa., xiv. 28 : mais il n’est pas moins vrai que le Fils est l’égal du Père. La sainte Écriture affirme l’un et l’autre et l’égalité du l’ère et du Fils et l’infériorité du Fils par rapport au Père, celle-là a cause de la divinité : celle-là parce que le Fils a revêtu la forme d’esclave. il ne saurait donc y avoir de confusion. C’est comme homme, selon « la forme d’esclave

que le Christ doit être dit soumis au Père. Et

quelle sujétion ! Par sa condition naturelle, l’humanité a une triple sujétion vis-à-vis de Dieu. File est tout d’abord, dans son être même, une participation de la divine bonté et par là elle est constamment soumise à cette bonté qui s’irradie en elle. A cet égard, le Christ est soumis au Père ; en comparaison de la bonté essentielle qu’est Dieu, son humanité si parfaite soit-elle, n’atteint pas à cette bonté, mais en dépend totalement. C’est ainsi que les Pères et notamment saint Jérôme et saint Augustin interprètent la réponse de Jésus au jeune homme : « Pourquoi m’appelez-vous bon ? Dieu seul est bon. » Matth., xiv, 18. Cette dépendance dans l’être s’affirme et par l’union hypostatique elle-même et par la sainteté substantielle qui en est l’effet immédiat dans l’âme de Jésus, f.a sujétion de l’humanité vis-à-vis de Dieu s’affirme ensuite dans ses opérations ; tout ce que nous pouvons faire est soumis à l’influence et au pouvoir de la providence divine. En JésTis, il en a été de même : tout ce qui a été fait dans son humanité n’est arrivé que conformément aux décrets de Dieu. Le Christ, dans son humanité, a réalisé à la lettre la parole du livre de la Sagesse : creatura tibi factori deserviens, xvi, 24. Enfin, il est une troisième sujétion dans l’ordre moral, de la créature au créateur. Celui-ci pose des préceptes, la créature doit obéir. Et ici, le Christ, dans son humanité, a été un modèle parfait de sujétion : non seulement il a pris la forme d’esclave, Phil., ii, 7, mais il a été obéissant au Père jusqu’à la mort, et à la mort de la croix, id., 8 ; sa vie d’obéissance parfaite a été résumée par lui-même : « Quæ placita sunt ei, facio semper. » Joa., viii, 29.

Mais, à son tour le Christ doit tenir en sa sujétion toutes choses et principalement les hommes qu’il est venu racheter. C’est en lui et par lui que tout doit être restauré. Cette vérité qui a été exposée tout au long, voir Incarnation, t. vii, col. 1488, est fondamentale dans la doctrine catholique de la sujétion du Christ au Père. Elle explique que cette sujétion, parfaite si l’on ne considère que la nature humaine du Christ, ne deviendra complète et définitive, si l’on considère le corps mystique de Jésus et l’univers tout entier, que lorsque la consommation des choses sera arrivée : Cum aiilem subjecta juerinl Mi omnia, lune ipse Filius subjectus erit Mi, qui subjecit sibi omnia. I Cor., xv, 28. Ainsi Dieu « sera tout en tous ». C’est le meilleur commentaire qu’on puisse donner de cette autre parole de saint Paul : Vos Christi. Christus autem Dei, I Cor., m. 23. Voir col. 1233 sq. ; 1237 sq. Un corollaire important se tire de la doctrine qu’on vient d’exposer : parce que le Christ comme homme ne participe pas au droit divin qui est offensé par le péché, il lui est possible d’offrir à Dieu une véritable satisfaction, encore que la condignité de cette satisfaction ait sa raison d être dans la divinité de Jésus. Cf. Suarez, disp. XL 1 1 1 et XLIV ; Gonet, disp. XXfl.a. 1,

II. la PtilÊ&EDV CHB/8T. — 1° Doctrine générale. Le fait de la prière de Jésus ne peut être révoqué en doute : toutes les pages de l’évangile attestent que

Jésus priait. Cf. Luc, m. 21 ; vi. 12 ; i. 29 ; xi, 1 : Matth.. xiv. 23, etc. Voir ci-dessus, eol. 1207. Et la convenance, la nécessité de la prière adressée par Jésus à Dieu son l’ère n’est qu’un corrolairc de ce qu’on a dit touchant la sujétion du Christ à I)ieu, selon la nature humaine, l.a puissance humaine de Jésus est bornée ; sa volonté ne peut pas tout ; il lui faut le secours de Dieu pour l’aider à obtenir les biens qu’elle désire ; il lui faut donc les demander à Dieu. El la prière de Jésus sera d’autant plus humble que son humanité, connaissant l’infinie perfection de Dieu par la science bienheureuse, apprécie exactement son impuissance en regard de la toute-puissance divine. S. Thomas. Sum. theol., III’, q. xxi, a. 1, et surtout ad lum.

Jésus a prié pour lui, id., a. 3, soit pour rendre grâces à Dieu des biens qu’il en avait déjà reçus, Matth., xxvi-27 ; Joa.. xi, 41, soif pour lui demander ceux qui lui manquaient encore. Heb., v-7. Remarquons que Jésus, dans sa prière, a pu demander à Dieu de lui accorder un bien répondant à l’appétit sensilif ou au désir naturel de la volonté. Ce n’était pas la sensibilité ou l’instinct qui parlait alors — aucune prière n’est possible de ce côté — et la raison n’était nullement dominée par les facultés inférieures. Mais Jésus a voulu prier ainsi afin de nous mieux manifester la réalité de sa nature humaine, et de nous rappeler que ces mouvements naturels de l’instinct ne sont pas un péché. Toutefois par la suite qui fut donnée à ces sorte# de prièies, il nous a enseigné à soumettre notre propre volonté à la volonté divine. S. Thomas, ibid., art. 2.

C’est qu’en effet si la prière de Jésus, faite par lui, par un acte de volonté éclairée par la raison et les lumières de sa science surnaturelle (voluntatis ul ralio) fut toujours exaucée — ego sciebam quia sempei me audis, Joa., xi, 42 — précisément parce que cette volonté ne pouvait rechercher que ce que Dieu lui-même voulait, il n’en est pas de même des prières adressées par Jésus, laissant se manifester en elles le mouvement naturel et instinctif de la volonté (voluntatis ut natura). Une telle volonté en lui n’était que conditionnelle et inefficace, et pour ainsi dire antécédente. Voir col. 130’rt. C’est ainsi qu’il demanda, au jardin de Gethsémani, l’éloignement du calice de la passion. Mais, voulant nous apprendre à conformer nos désirs à la volonté de Dieu, il s’empressa d’ajouter : non mea voluntas sed tua fiât.

Jésus pria surtout pour les autres, c’est-à-dire pour ses disciples et en général pour tous les hommes. La prière de la Cène en est une admirable preuve. Cf. Joa., xvii en entier. II semble bien plus probable que la prière de Notre-Seigneur pour nous se continue au ciel, et que l’opinion de Médina, Vasquez, Becanus. De Lugo affirmant que la prière actuelle du Christ glorieux n’est que la prière, les souffrances, les mérites de la vie mortelle du Christ, sans cesse présentés aux regards du Père, est une opinion peu recevable. Elle violente le sens obvie de Rom., viii, 34 ; Heb., vii, 25 ; I Joa., ii, 1. Les Pères de l’Église affirment que Jésus prie encore pour nous à la droite de Père. Cf. Gonet, disp. XXII, a. 2, n. 35 et Suarez, disp. XL V, sect. in. s’appuyant sur S.Thomas. In IVSent., dist. XV, q. iv, a. 6, sol. ii, ad lum.

L’oraison dominicale.

Bien plus. Jésus nous a

laissé lui-même le type le plus excellent de la prière que nous puissions adresser à Dieu. Ce type, c’est l’oraison dominicale, qui représente pour nous la façon la plus parfaite dont nous puissions nous adresser à Notre Père des cieux :

La raison est en quelque sorte notre Interprète auprès de Dieu, écrit saint Thomas, Sum. lheol., U II’. q. lxxxdx, a. 9. En conséquence nous ne pouvons légitimement demander que ce que légitimement nous pouvons désirer.’» r, dans l’oraison d’iminicale, *non