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1323 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLpGIE. L’OPÉRATION THÉANDRIQUE 1324

hypostatiquc : il ne s’agirait que d’une élévation purement extrinsèque, Id nobis probari vix potest, dit de son côté avec raison Billuart, diss. XIII. a. 2 : l’union, en effet, n’ajoute rien aux puissances intrinsèques à l’humanité : ces puissances demeureront donc impuissantes relativement aux effets surnaturels. Voir également Salmanticenses, disp. XXI II, duo. v, $ 3. Mais la solution positive imaginée par Suarez soulève bien des critiques. Qu’est-ce que cette « puissance obédientielle active » ? N’est-ce pas un simple mot’.' Cf. Salmanticenses, disp. XXIII, dub. v, S 2 et 4. Nous n’insisterons pas davantage sur un système aujourd’hui abandonné de tous,

S) Il semble donc que logiquement on doive arriver à la solution thomiste, sans toutefois qu’on en puisse dissimuler les imprécisions et les difficultés. Cette solution allirme que Yaction instrumentale de l’humanité du Christ a son explication dans un principe spirituel intrinsèque à l’humanité du Sauveur, principe dérivé de la divinité et qui élève l’action de l’humanité à un ordre supérieur, tout comme la vertu instrumentale dérivée de l’impulsion donnée par la main de l’artiste élève l’action de l’instrument physique. Mais dès qu’il s’agit d’expliquer la nature exacte de ce principe intrinsèque, l’école thomiste se partage en deux camps, où nous rencontrons des noms également illustres. D’un côté, Capréolus, In IV Sent., t. IV, dist. I, q. i, a. 3, ad 4°’", Sylvestre de Feirare, In Sum. c. Gent., t. IV, c. lvi, les Salmanticenses, disp. XXIII, dub. vi. S 1, Gonet, disp. XIX, § 3, n. 48 sq., enseignent que le don des miracles et de la justification des pécheurs en Jésus-Christ, sous le rapport de la vertu instrumentale dont était doté l’humanité du Sauveur, était une QUALITÉ incomplète, de sa nature transitoire et passagère, mais possédée, en raison de la dignité du sujet, d’une manière habituelle. D’un autre côté, D. Soto, Cajétan, Cabrera, que cite et suit Jean de Saint-Thomas, De incarnationc, disp. XV, a, 3, concl. 3, estiment que ce don n’était qu’un mouvement divin, non seulement appliquant l’humanité du Christ à l’action, mais lui conférant simultanément la puissance pour agir sous l’impulsion de l’agent divin. Dans cette opinion, le Christ pouvait opérer des miracles lorsqu’il le voulait, cf. Mat th., vin, 2, non parce que la volonté divine était à la disposition et sous la direction de la volonté humaine, mais parce que la volonté humaine était au contraire tellement soumise à la volonté divine qu’elle agissait chaque fois que celle-ci le décrétait et comme elle le décrétait : l’unité de personne explique le si vis, potes me mundare.

Les diflicultés de la thèse thomiste sont exactement celles qu’on objecte à la causalité physique des sacrements. Nous renvoyons à ce mot.

Suarez, De incarnations disp. XXXI ; Salmanticenses, id., disp. XXIII : Gonet, id., dis] ». XIX. Ou trouvera un bon résumé dans Billuart, diss. XIII, a. 2. Voir également Stentrup, De Verbo incarnato, th. i.xxxv ; Janssens, Dr Deo-llominr, t. i, p. 479-491 ; Billot, De Verbo incarnato, th. xxii-xxiii ; Hugon, De Verbo incarnato, q- vii, a. 1-2 ; Ch. Pesch, De Verbo incarnato, pmp. xxvii, ri surtout Hugon, Du causante instrumentale en théologie, Paris, 1907. c. m.

6. Conclusions.

a) L’opération (l’activité) du Clirisl est nécessairement théandrique, a. Le mot i Ihéan drigue ». — Pour Justifier leur erreur, les monothélites se réclamaient du ici me i opération théandrique » dont s’était servi le pseudo-Denys poux désigner l’opération du Verbe incarné. Du reste, le Christ n’accomplissait pas les œuvres divines uniquement

connue Dieu, OU les crimes humaines uniquement

comme homme, mais parce que Dieu s’éiaii fait homme, il exerçait à notre endroit une sorte d’activité nouvelle, l’activité théandrique, BexvS

èvécyetav. De eccles. hierarch., ciii, ii, 4. P. G., t. irr, col. 429.

b. Le sens de cette expression. — Quoi qu’il en soit du sens plus ou moins orthodoxe de l’expression originale, les Pères l’ont interprétée en ce sens que dans le Christ les opérations divines et humaines appartenant au même sujet, et ce sujet étant à la fois Dieu et homme, OiavSpoç. ŒâvOpcoTîoç ou encore àvSpcoQdç 6sôç, pour reprendre les expressions du pseudo-Denys lui-même, toute opération du Christ, comme tel. peut être appelé théandrique. Évidemment les opérations du Verbe, comme Verbe, ne sauraient recevoir cette qualification. Le sens de l’expression « théandrique » a été précisé, en 619, par le concile romain tenu sous Martin I er, canon 15 : « Si quelqu’un, suivant en cela de criminels hérétiques, comprend d’une façon insensée l’opération divino-humaine (dcivirilem operationem ) que les Grecs appellent théandrique, et ne confesse pas en Jésus-Christ une double opération, la divine et l’humaine, mais prétend que cette expression : deivirilis, qu’on vient de rapporter, ne désigne qu’une opération unique, et ne marque pas simplement l’admirable et glorieuse union des deux natures, qu’il, soit co.idamné. » Denzinger-Banmvai t. n. 268. Dans cette union admirable et glorieuse, déclare le VIe concile, ulraque natura indivise et inconfuse propria operatur cum alterius communione. La » communion » des deux natures dans la dualité d’opération s’allirme sous un triple aspect. D’abord dans l’ordre de la perfection morale, l’opération humaine du Christ est tellement soumise à la direction de la divinité, que Jésus est le modèle par excellence de toute sainteté, de toute perfection ; voir ci-dessus, col. 1274 sq. ; à vrai dire il n’y a en Jésus, même dans l’ordre des opérations inférieures, que des actes humains, sagement réglés : cf. S. Thomas, IIP, q. xix, a. 2. En second lieu, dans l’ordre de la causalité instrumentale, par rapport aux miracles et à la justification des pécheurs : l’humanité est l’instrument proprement dit de la divinité, et ici la communion des deux natures dans la dualité d’opération devient plus stricte et s’affirme dans la subordination des causalités. Enfin dans l’ordre du mérite et de la salis/action, et ici ce n’est plus par une simple direction, par la communication d’une vertu instrumentale, c’est par la communication de l’être divin dans l’union hypostatiquc, laquelle donne a toutes les actions de l’humanité du Verbe incarné, une valeur et un mérite infinis. Cf. S. Jean Damascène, De fuie arthod., . III, c. xv. nix, P. G., t. xçiv, col. 1045, 1080. Ainsi donc, à l’exclusion des opérations propres au Verbe comme tel (soit ad intra. soit ad extra), toutes les opérations du Christ doivent être dites théandriques. Cf. Hugon, Le mystère de V incarnation, p. 288-289 ; Le mystère de la Rédemption, Paiis, 1910. p, 89-90. La causalité instrumentale en théologie, Paris, 1907, p. 78 sq. c. L’opération (l’activité) théandrique s’affirme surtout dans les ouvres méritoires et satisfactoires du Christ. -Dans l’ordre de la perfection morale, Dieu, en faisant appel à sa toute-puissance absolue aurait pu communiquer à un simple homme tant de glace et tant de perfection, que cet homme, dominant tous les autres par sa sainteté suréminente, aurait pu être leur modèle. Dans l’ordre de la causalité instrumentale, Dieu, par sa puissance absolue, aurait pu faire accomplir par un simple homme les miracles accomplis par le Christ : on ne nie pas pour autant qu’en fait, ces miracles accomplis par l’humanité du Christ sous l’impulsion de la divinité, n’aient affirmé d’une façon plus stricte la communion des deux natures dans l’opération, Mais l’ordre de la satisfaction et du mi exigeait impérieusement l’union hypostatique, et, en ce sens, c’est dans cet ordre que s’affirme davantage I l’opération théandrique. Sur la nécessité or l’incarna ;