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1315 JESUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PUISSANCE DU CHRIST 1316

qu’on ne saurait révoquer en doute sans pécher directement contre la foi. Or, ce sont là des œuvres préternaturelles et surnaturelles qui supposent l’âme de Jésus ornée d’un charisme spécial, lequel lui est nécessaire pour produire de telles œuvres. L’existence de ce charisme est donc de foi, tout comme l’existence des œuvres dont il est, en Jésus, le piincipe. L’Écriture est explicite sur ce point. Cf. Matth., ix, 4, sq. ; Luc, vi. 19 ; viii, 43. De cette puissance, Jésus pouvait user comme il le voulait. Matth., viii, 2-3. Et les arguments de haute convenance, disons plus, de nécessité morale, abondent en faveur de l’existence, en Jésus, d’une telle puissance : La dignité de la personne du Sauveur exige que les différentes prérogatives, surnaturelles et prêter/naturelles, accordées parfois par Dieu aux autres hommes, Jésus-Christ, l’homme uni substantiellement au Verbe, les ait possédées d’une façon suréminente. Voir plus loin. De plus, la dignité messianique exigeait que Jésus-Christ fit connaître la vérité de sa mission par des œuvres attestant que Dieu était avec lui. Parmi les grâces gratuitement données par lesquelles le Sauveur se ferait connaître comme le.Messie annoncé, le don des miracles, signes de sa destinée messianique, figurait en toute première ligne. Joa., v, 36 ; x, 38 ; Matth., xrr, 2, sq., etc. Et ce pouvoir divin des miracles devait s’étendre sur toute la création, sur la nature, sur les hommes et même sur les anges. S. Thomas, III », q. i.xiii-xuv. Est-il besoin d’ajouter qu’on ne saurait attribuer à l’âme de Jésus la puissance de cause principale physique relativement à ces effets prétei naturels ou surnaturels. Dieu seul est la cause efficiente principale de la grâce. Voir Grâce, t. vi.col. 1633. Cf. S. Thomas, I 1, q. ex, a. 1 ; I" II*, q. cxii, a. 1, Suarez De incarna(ionc, disp. XXXI, sect.iv, et Salmantieenses./Je ineewnatione, disp, XX 111, ùub. iii, n. 16-17. Peut-être cependant pourrait-on concéder que le Christ, dans son humanité, a été cause morale principale des effets prêter naturels et surnaturels, miracles et infusion de la grâce, par son mérite surabondant. Salmanticenses, loc. cit., n. 18.

b. Objet de lu puissance instrumentale de l’humanité du Sauveur. — Nous pouvons le considérer sous un double aspect : le charisme des > grâces gratuitement données conféré à l’âme de Jésus-Christ en vue de lui faciliter l’accomplissement de sa mission messianique ; le pouvoir d’excellence concédé à l’humanité de Jésus relativement à la sanctification des hommes.

-. i Grâces gratuitement données. — Sur le rôle extérieur des grâces gratuitement données, voir Grâce, col. 1558. Saint Paul, cꝟ. 1 Cor., xii, 8-11, en énumère quelques-unes : < lui premier lieu, celles qui ont trait à la connaissance et à renseignement des choses divines : la sagesse est le don éminent d’expliquer les mystères de la religion par leurs sommets, c’est-à-dire par les raisons les plus hautes : la scienee s’attache aux vérités plus faciles et les présente avec des preuves mieux adaptées à l’intelligence naturelle. Vient ensuite la foi, non point la vertu théologale, mais une excellence et une fermeté particulière, de cette vertu, ou encore cette foi qui provoque les miracles , i transporte les montagnes. Puis, il tant convaincre les âmes par des arguments irrécusables qui soienl comme la voix ouïe sceau du Toiit-l’uissant ; faire ce que Dieu seul peut faiie, c’est la grâce des guérisons il le pouvoir des miracles ; ou manifester ce que Dieu seul connaît, c’est la prophétie et le discernement des

esprits. » P. Hugon, Mire de grâce, p. 193-194. Dans

toutes ces grâces gratuitement données, nous reconnaissons une vertu instrumentale émanée de la sagesse ou de la | ni sauce divine, car aucune d’elle ne saurait trouver dans l’âme humaine, même élevée a la

vie surnaturelle, un principe proportionné ci perma nent. En X’otre-Seigneur toutes ces grâces gratuitement données existaient à coup sûr d’une manière éminente, c’est-à-dire que Jésus les possédait dans leur plénitude et toutes réunies à la fois. Comment le docteur du surnaturel n’aurait-il pas possédé la science et la sagesse ? Ne se manifestaient-elles pas dès le temple de Jérusalem, lorsque Jésus y fut retiouvé discourant au milieu des docteurs ? Ne se manifesteront-elles pas de nouveau dans sa prédication de l’Évangile ? Comment le sanctificateur des âmes n’aurait-il pas possédé le don du discernement des esprits ? Jésus lit dans le fond des consciences. Joa., n, 25 ; Luc, vi, 8. Comment n’eut-il pas eu le don de prophétie, lui qui devait être le Prophète par excellence, annoncé par Moïse" ? Cf. Marc, vi, 15 ; Luc, vii, 16, 39 ; Joa., iv, 19 ; vi, 14 ; xii, 40. Il en a eu d’ailleurs la fonction, lui qui a prédit toutes les circonstances de sa passion et de sa résurrection, Marc, x, 33 ; Matth., xx, 17, la fuite des disciples, Matth., xxvi, 31, le reniement de saint Pierre et la trahison de Judas, Matth., xxvi, 21-25, 34 ; la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 5-28 ; Marc. xiii. 5-2 1 ; Luc, xxi, 8-2 1 et les destinées de l’Église. Matth., xvi, 18, xxviii. 1H-20 Toutefois, en Jésus, les grâces gratuitement données se rapport an l à la connaissance et à renseignement des mystères, au discernement des esprits, à la prédiction des faits à venir existaient d’une manière bien supérieure à la manière dont les possèdent les âmes des hommes ordinaires : elles étaient, en effet, contenues dans la perfection de la science soit bienheureuse, soit infuse dont était ornée l’âme du Christ, et nous les devons donc éliminer de la puissance purement instrumentale dont était douée l’âme de Jésus ; elles lui appartenaient en propre et trouvaient en elle un principe adéquat et permanent. Envisagée sous l’angle des grâces gratuitement données, la puissance instrumentale de l’âme du Sauveur comporte donc surtout le don des guérisons et le pouvoir des miracles. Et ce pouvoir sur le monde extérieur eut raine comme corollaire le pouvoir de l’âme de Jésus sur son propre corps.

a. Pouvoir de Jésus sur le monde extérieur : le pouvoir des miracles. — L’existence de ce pouvoir étant hors de cause, voir ci-dessus, il ne s’agit ici que d’en déterminer l’étendue. Comme instrument de la divinité, l’humanité de Notre-Seigneur devait précisément pouvoir opérer tous les miracles utiles à la fin de l’incarnation. Cf. Cajétan, In ///"" p. Sum. S. Thomte, q. xiii, a. 2. Et parce que la fin de ce mystère est la restitution de toutes choses dans l’ordre, le pouvoir d’opérer des miracles devait s’étendre à tout ce qui peut favoriser cette restitution. Sur l’étendue de cet objet, esprits purs, hommes, créatures irrationnelles voir ci-dessus, col. 1233, et S. Thomas, Sum. t licol., III*, q. xliii, a. 1-1, commentés par les auteurs. — {ii. Pouvoir de Jésus sur son propre corps. — Si Jésus avait un véritable pouvoir sur le monde extérieur, à plus forte îaison le devait-il posséder à l’endroit de son propre corps. Il le fallait pour la fin de l’incarnation qui exigeai ! que le Christ, en tant qu’homme, eûl le pouvoir d’offrir sa vie ; cf. Joa., x, 17-18. Sans cela, en effet, le Christ n’aurait pu offrir un véritable sacrifice, faute d’avoir pu faire l’acte proprement sacerdotal de l’offrande de la victime. <>i. il semble a beaucoup de théologiens que l’offrande faite par le prêtre exige un acte positif, et non une simple permission ; il ne siilïisail’1 hic pas que le Christ se laissai immoler par les Juifs, il fallait qu’il s’immolât lui-même, faisant acte de puissance personnelle eu donnant sa vie. Lire S. Thomas. Coinpendium theologitc.e. CCXXX. Et comme, l’âme n’avait pas naturellement ce pouvoir sur son corps, il dut lui être donné, comme un pouvoir divin, instrumentalement communiqué. Cf. Hillot,