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105 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. LIBERTÉ DU CHRIST

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porto par le Père. Joa., iv. 31, doivent être détournés « le leur sens propre Ces ternies sont toujours dans le Nouveau Testament les ternies techniques pour désigner les commandements divins proprement dits Cf. Matth., v. 19 ; xxii. 36, etc. ; or c’est un commandement de ce genre que Jésus a reçu relativement à la mort qu’il doit subir. Joa.. x, 18 ; xiv. 31. En obéissant à ee commandement, le Christ cherche, non sa volonté, mais la volonté de celui qui l’a envoyé, Joa.. v. 30 ; xvii. 4 ; Matth., xxvi. 30. Joa.. xv. 10. Au contraire, dans l’Écriture, jamais le mot b/-jXr t n’est pris en un sens impropre. Les textes de Matth., xix. 7 et Marc, x. 3. à propos du libellas repudii, que Moïse a commandé » de donner à la femme adultère, n’infirment en rien la portée île la remarque précédente ; le contexte suffit a rétablir le sens de ces textes : le commandement de Moïse consiste à ne renvoyer les femmes que par le libellus repudii ; mais le libellas lui-même est le résultat d’une simple tolérance qu’il ne faut pas confondre avec le commandement. Cf. Pesch, op. cit.. n. 338-339. Franzelin invoque également d’autres textes, mais dont le sens est très incertain, II Reg., xvi, 10. 1 1 ; Ps. lxvii, 20 ; Marc, vii, 36. Petau trouve facilement parmi les autorités patristiques qu’il invoque de solides arguments pour étayer sa thèse. De incanuitione, t. IX, c viii, n. 6, sq. Cf. Stentrup, op. cit., p. 1204 sq. Il cite notamment saint Jean Chrysostome, saint Cyrille d’Alexandrie. Théodoret, Théophylacte, Œcuménius, et on peut ajouter saint Anselme Meditalioncs, xi. De redemplore, P.L., t. CLviu. col. 704. Mais les partisans du pi écepte rigoureux font observer que les autorités alléguées n’ont pas le sens et la portée qu’on leur prête. Les Pères nient simplement, contre les ariens qui veulent rendre le Fils inférieur au Père, que le Christ comme Dieu ait a recevoir des préceptes du Père, et ils affirment en conséquence que nul pi écepte n’a été imposé contre sa volonté et surtout avec menace de châtiment. Il ne s’agit pas, dans la pensée des Pères, de concilier la liberté du Christ et son impeccabilité, mais de réfuter l’arianisme. Nous serions donc, en invoquant l’autorité des Pères en l’espèce, hors de la question. Quoi qu’il en soit, l’autorité des Pères est cependant

ante pour prouver que le sens du terme èvroXT] n’est pas tellement certain et absolu qu’on ne puisse adopter l’opinion qui conteste l’existence d’un précepte rigoureux. On fait une dernière objection à l’opinion de Petau.de Franzelin, de Billot : c’est qu’elle est. en théologie, d’invention assez récente. A son époque, le cardinal de Lugo l’appelle une opinion singulière », De incarnutione, disp. XXVI, sect. viii, n. 100. Et, de fait, cette opinion ne semble avoir rallié de très nombreux partisans que postérieurement : au temps du P. Antoine Mayr. elle ne méritait plus la qualification donnée par De Lugo ; Mayr, Cursus theologicus. Ingolstat. 1732, tract. IN. p. 501. Cependant Gonet, loc. cil., n. 57. lui donne comme pj entiers défenseurs Albert le Grand, Pierre de la Palu, Denys le Chartreux. Franzelin invoque l’autorité de Lorca, de Vitoria, au témoignage de Médina, de Salmeron, de Ribera, de Velasquez. Mais ce qui a fait sa fortune, c’est, sans contredit, le patronage de Petau, loc. cit., de Pallavicini, Cursus theologicus, De incarnalione, c. vin ; d’Esparza, id., q. xxxii ; de Platel, id., c vii, n. 330 et plus près de nous d’Holzclau (Theologia Wirceburgensium). de Franzelin et de Stentrup, De Verbo incarnatn, I, th. i.xxvi. p. 1201 sq. Pour maintenir au Christ le mérite d’une vraie obéissance, ces

lis ne manquent pas d’en appeler a saint Thomas, Sum theol.. Ha H », q. <iv. a. 2 : - l’obéissance est d’autant plus prompte qu’elle prévient le commandenu nt exprès du supérieur, en obéissant a la simple lligence de ce commandement non encore exprimé.

Cf. a. 5, ail 3>' : ". Sous la forme que lui a donne le cardinal Billot, cette théorie peut se réclamer du patronage de Su. ire/, disp. XXXVII, sect. i, n. 0. L’opinion de Suarez semble être méconnue de nombre d’auteurs qui ont écrit sur la question. Tantôt on la rattache à l’opinion thomiste ; cf. L. Grimai, Jésus Clirist étudié et médité, Paris, 1010, p. 100 ; Tanqucrcv. De Verbo incarnalo, n. 1008 ; tantôt on fait de Suarez un précurseur de Tournély : cf. L. l.abauche. Leçons de théologie dogmatique, t. i, Paris, 191 1. p. 246. Aucune de ces assimilât ions ne nous semble exacte. Suarez. fidèle à son éclectisme, a pris différents traits dans différents systèmes, mais son opinion définitive, qu’il appelle responsio ultima, précisément dans ce n. sur lequel on prétend s’appuyer, est bien celle cpie le cardinal Billot a plus longuement et plus explicitement proposée. Sur les différents aspects de la doctrine de Suarez ou lira Stentrup, op. cit., th. i.xxv, p. 11921198.

y) Troisième solution : il g a eu précepte, réel mais conditionnel et subordonné à l’acceptation du Clirist. C’est seulement après cette acceptation que le précepte est devenu rigoureux. Cette solution ingénieuse se présente sous trois formes que des nuances minimes séparent. -’L. La première forme est celle de quelques théologiens dont les noms sont presque oubliés aujourd’hui et dont le plus connu est Cabrera. C’est le Christ lui-même qui a demandé au Père de lui imposer le précepte de mourir : il fut libre en faisant cette demande, et cette liberté est le fondement du mérite qui accompagna son sacrifice. Cf. Gonet, loc cit., n. 02. Mais dans cette hypothèse, l’intention de sauvegarder le sens littéral des textes relativement au mot svt/ay ;. on arrive, en réalité, à méconnaître totalement les assertions les plus claires de l’Écriture ou à en fausser le sens évident. Nulle part nous ne lisons que le Christ ait fait cette demande au Père ; mais nous savons expressément par saint Paul. Rom., vin. 32. que Dieu le Père n’a pas épargné son propre /ils et qu’il l’a livre pour nous tous. Si l’hypothèse proposée était vraie, il faudrait dire que c’est le Fils lui-même qui ne s’est pas épargné et s’est livré. De plus, la volonté humaine du Christ, et non la volonté divine serait ainsi à la source première de notre salut. Enfin, pour que la solution proposée soit valable, il faudrait qu’on la puisse étendre aux préceptes de la loi naturelle, (voir plus loin) ; le Christ, en effet, dut les observer et librement. Or, on ne saurait dire que la liberté du Christ, relativement à ces préceptes, ait consisté à demander au Père de les lui imposer. Gonet, id., n. 6-1-66. — $. La deuxième forme est celle qu’a rendue célèbre le cardinal De Lugo. Ce théologien attaque vivement l’opinion de ceux qui tiennent pour le précepte improprement dit. Le Christ a donc reçu de son Père un véritable commandement de mourir ; mais comme l’obligation de subir la mort n’existait pour le Christ. en fait, qu’après un certain laps de temps, tout en concédant que dans le sens composé l’lu précepte, le Christ ne pouvait pas ne pas mourir, cependant le Christ pouvait détruire ce sens composé en demandant a Dieu son Père de le dispenser de la mort ou de lui imposer un autre moyen de satisfaction. N’a I il pas déclaré dans Mal th.. XXVI, 53 : Pensez-vous que je ne puisse pas prier mon Père et qu’il ne m’enverrait pas sur l’heure plus de douze légions d’anges’.' c est donc parce qu’il n’a pas voulu demander la dispense du précepte déjà porté, que le Christ a été libre.

nonobstant le commandement divin, De incarnat

disp. XXVI, sect. VIII, 11. 102. - - Celte solution.

élégante au premier abord, présente en réalité plus de difficultés encore que la précédente. Appliquée aux préceptes naturels, elle est purement contradicto car oi iil demander dlspen précepte