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JÉSUS-CHRIST ET LA THEOLOGIE. LIBERTÉ lu CHRIST


I)lus méritoires. Il audrait dire que par un privilège spécial — quelle que soit « railleurs la nature de ce privilège — les œuvres du Christ ont été méritoires. Cl. Faber (Le Fèvre), In IV Seul.. 1. 111. dist. XY1II, disp. XLIY. n. 8, 26.

Les molinistes reprennent, en général, la première solution thomiste, en la précisant quclque peu. Ils partent de ce principe que l’âme du Christ était éclairée d’une double connaissance, la connaissance propre au compréhenseur, vision intuitive et la connaissance propre au voyageur connaissance infuse (per accidens) et surtout expérimentale. A cette double source de connaissances, devait correspond ! e une double série d’actes de volonté. Par la connaissance propre au voyageur, le Christ avait conscience du bien consistant dans l’obéissance due à Dieu, et cette obéissance ne lui apparaissait pas comme un bien absolu sans mélange du mal. Le précepte de souffrir et de mourir ne lui laissait-il pas entrevoir les maux très graves qu’il devait subir ? Il n’y a donc pas de doute que la volonté humaine du Christ, considérée en dehors de l’influence de la vision intuitive, fût libre de remplir le précepte imposé par Dieu. Or, la vision intuitive n’est pas une perfection constituant ou affectant intrinsèquement l’acte de la volonté du Christ voyageui : sur le Christ ainsi considéré, elle n’agit qu’extrinsèquement et par voie cle répercussion. Ne pouri ait-on pas admettre que l’influence de la vision intuitive, quoique excluant connaturellement tout acte opposé à la béatitude, pourrait cependant, pour tel effet déterminé, être tempérée de telle sorte que tout son effet connaturel ne se produisit pas ? Cf. Pesch, op. cit., n. 334, citant Suarez, disp. XXXIY, sect. iv, n. 7 ; De gralia, t. XII, c. xv, n. 18 ; / ; i Sum. S. Thomas, Molina, Concordia, q. xiv, 1. 13, disp. LUI, menib. 4 ; Tolet, IIP, q. xix, a. 4, concl. 5 ; Platel, De incarnalionc, n. 335. Comme confirmation de cette hypothèse on peut apporter la coexistence, dans l’âme bienheureuse du Christ, de la souveraine jouissance et de la tristesse causée par l’appréhension des souffiances, et par la souffrance elle-même. On pourrait également invoquer l’opinion admise par bon nombre d’auteurs que, chez les bienheureux, Dieu pourrait, s’il le voulait, unir â la vision intuitive la liberté. Toutefois cette opinion de Ripalda, De ente su.pernatu.rali, t. IV, dis]). I.XXYII, sect. iii, n. 23, cf. n. 41 est trop discutée et discutable pour fournir un point d’appui vraiment sérieux.

(3) Deuxième solution : il n’y a pas eu de précepte formel imposé au Christ par Dieu son Père. — y.. Exposé. — Le Père n’a pas imposé au Christ un précepte rigoureux, mais.simplement manifesté un désir, auquel Jésus s’est soumis de lui-même et qu’il aurait pu, sans aucune faute, ne pas accepter, Le précepte dont parle Notre-Seigneur Jésus-Christ ne peut pas être un précepte rigoureux, car le Clu is| ne sciait plus alors libre d’obéir : il s’agit donc uniquement d’une complaisance divine, d’un bon plaisir divin proposé au Christ, de telle sorte qu’un autre mode de Rédemption eût été, lui aussi, infiniment agréable a Dieu si le Christ l’eût préférée. Parce que ce précepte s’adressait a la volonté libre du Sauveur, il ne pouvait êlie un précepte rigoureux, porté sons peine de péché. La loi porté- par Dieu le Père relativement â la mort de son

Fils doil respecter les conditions de la moralité. Or

nulle moralité n’est possible là OÙ la volonté est déterminée naturellement ad tinum. En réalité, les partisans du précepte rigoureux détruisent, relativemenl à l’obéissance du Christ, la vraie notion de la

loi qui paraît être police par le Père. Celle thèse générale revêt divers aspects particuliers. En premier

lieu, il faut signaler la thèse de Petau, reprise par

Franzelin. Celle thèse se contente de l’affirmation

générale qu’on vient de reproduire. Toutefois il faut en préciser les points principaux. Il n’y a pas en Dieu de volonté absolue antécédente relativement â la mort du Christ. C’est parce que le Christ, connaissant le désir du Père, choisit librement, comme mode de rédemption, la mort sur la croix, que conséquemment à ce libre choix, prévu par Dieu de toute éternité, la volonté conditionnelle antécédente de Dieu se transforme en volonté absolue conséquente. Franzelin, De Yerbo incarnato, Rome, 1874. p. 1 13. Mais, même dans cette volonté absolue conséquente, il n’y a pas.de précepte proprement dit : il n’y a que l’acte par lequel Dieu veut que le Christ rachète le genre humain par cette manifestation très particulière de son amour pour Lui et pour les hommes. — On rapproche ordinairement de la thèse de Petau et de Franzelin celle du cardinal Billot, De Yerbo incarnato, th. xxx. Pourtant le cardinal se défend d’avoir repris l’opinion de Franzelin, op. cit., édit. de 1912, p. 320-321, note. Il commence par rappeler que Dieu peut vouloir, d’une volonté absolue et antécédente de bon plaisir. qu’une créature agisse en tel sens, sans cependant lui imposer cette détermination par un précepte formel. Le précepte, en effet, se rattache à la volonté dite de signe et n’implique par lui-même qu’une chose, c’est que la créature est moralement obligée d’accomplir la chose imposée par le précepte : ce qui ne signifie pas que cette chose arrivera, car la créature peut désobéir. Or Dieu, d’une volonté de bon plaisir absolue, voulait la rédemption du genre humain par In mort satisfactoire du Christ en croix, ainsi que l’attestent les textes de l’Écriture. Aussi le bon plaisir de Dieu, était que non seulement le Christ souffrît, mais qu’il souffrit d’une façon méritoire, donc en pleine liberté et dégagé de toute contrainte et de toute nécessité naturelle. Il était donc impossible que la volonté de bon plaisir de Dieu fût manifestée comme un précepte imposant au Christ l’obligation de la croix. Car ainsi le Christ aurait été, sinon contraint, du moins soumis à la nécessité physique de subir la mort sur la croix : or, cela répugne à sa liberté. C’est pourquoi la volonté de bon plaisir relative à la mort sur la croix devait exclure la volonté d’obliger le Christ à cette immolation, de même qu’elle excluait la volonté de déterminer les Juifs au déicide qu’ils commirent (et tout le monde accepte ce dernier point) ; mais Dieu, dans sa Providence éternelle, a disposé et voulu ldrdre dans lequel d’avance il savait que les Juifs, poussés par leur propre malice, mettraient â mort le Christ, el que le Christ, connaissant la volonté du bon plaisir de Dieu, s’y conformerait librement. Et dans ce but. â la passion du Sauveur, laquelle devait infailliblement se produire, furent disposées par Dieu des causes contingentes, absolument libres, sans qu’aucun précepte formel vînt soumettre la volonté du Christ compréhenseur â la nécessité d’obéir. Billot, loc. cit. On le voit : il serait absolument injuste d’identifier la position de Billot et celle de Franzelin. Celte dernière n’a rien de commun avec la position t liomisl « ; celle-là, tout en niant le précepte formel, admet en Dieu, antérieurement â l’acceptation du Christ, une Volonté absolue de Dieu relativement â la mort en croix du Sauveur : tout le problème se trouve ainsi réduit â l’accord de la volonté divine et de la liberté humaine, ce qui est tout à fait le point de vue thomiste.

p. Critique. A-t-on bien le droit de nier l’existence d’un précepte formel porté par Dieu le Père relativement au salut du genre humain par la mort du Sauveur sur la Croix’.' I.a grosse difficulté, l’unique difficulté réelle, dans l’opinion de Franzelin et dans celle de Billot, c’est l’autorité de l’Écriture. Les mots èvréXXto, tvroXf), dont Jésus se sert pour affirmer le précepte