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    1. JESUS-CHRIST ET LA THEOLOGIE##


JESUS-CHRIST ET LA THEOLOGIE. LIBERTÉ DU CHRIST

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un certain nombre de théories, les unes simplement fausses et Insuffisantes, les autres confinant à la témérité et à l’erreur, ou même à l’hérésie. at) Fausse et insuffisante l’explication de saint Anselme rapportant à la volonté divine la liberté et le mérite du sacriflee de la croix : « Dieu, par un libre choix, s’est fait homme et a voulu mourir, et parce qu’en Jésus-Christ le même suppôt est Dieu et homme, cette personne (qui est le Christ) a voulu librement mourir. > Cur Deus homo, 1. 11, c. xvii, P. L., t. (xviii, col. 419 sq. — (3) Erronée et proche de l’hérésie, l’explication des Jansénistes, selon laquelle le Christ aurait subi la mort volontairement mais nécessairement, la nécessité n’excluant pas le mérite. Cf. Platel, Traclatus de incarnalione, n. 317. — y) Fausse et erronée, l’explication d’un certain nombre de théologiens du siècle dernier, niant purement et simplement l’existence de la vision intuitive de Jésus-Christ. Gunther, Vorschule der speculativen Théologie, t. ii, p. 295 et les gunthériens, auxquels il convient d’ajouter Klee, Laurent, Mgr Bougaud, Knittel, Hernlann Schell. Cf. Ch. Pesch., op. cit., n. 242. — 8) Téméraire et proche de l’erreur, l’explication qui a séduit jadis d’excellents théologiens comme, M, Cano, De locis theologicis, t. XII, c. xiii, in fine ; Grégoire de Valencia, De incarnalione, disp. I, q. ix, punct. 2 ; Salmeron, Commentar. X, tract, xi ; Maldonat, In Mallh., c. xxvi, ꝟ. 37. Cette explication donnée pour concilier les souffrances de la passion avec la béatitude qu’entraîne la vision intuitive, consiste à affirmer qu’au moment de la passion la vision béatilique a subi comme un ralentissement ou une suspension dans l’âme du Christ, ou que du moins son effet ne s’y est plus fait sentir. Cf. Janssens, De Deo-Homine, t. ii, p. 700. Par une semblable suspension de la vision intuitive, on pense expliquer la liberté du Christ. Sur l’impossibilité absolue d’une telle suspension soit de la vision, soit de ses elïets, voir Intuitive (vision), col. 2391. De cette explication doit être rapprochée celle qui n’admet, dans le Christ, à la toiscomprehensor et viator, qu’une vision intuitive atténuée, en raison de l’état de voie drns lequel se trouve le Christ. Mais qu’est-ce que cette vision intuitive atténuée ? — En bref, il faut admettre dans le Christ et l’impeccabilité et la vision intuitive, complète et sans atténuation, et la liberté d’indifférence, capable de mérite. Toutes les divergences d’opinion portent donc ou sur l’existence du précepte ou sur l’objet de la liberté du Christ. c. Les solutions probables. — Il serait difficile de trouver dans les grands théologiens du xiii c siècle une indication ferme. Chaque système prétend y trouver ses précurseurs et ses patrons. On cite les noms d’Albert le Grand, de saint Thomas, de saint Bonaventure. et d’autres encore. Saint Thomas se contente d’affirmer la liberté du Christ et son obéissance aux inspirations, au précepte du Père. Cf. Sum. theol., IIP, q. xi.vn. a. 3, ad 3um ;  ; „ IV Sent., I. 111, disl XVIII, q. i, a. 5 ; In epist. ad Rom., v, vi, lect. viii. D’autres passages sont plus difficiles à interpréter, par exemple, In IV Senl., 1. Ill.dist. XVIII, q i, a.2, ad5 « w> ; Sum. theol., 1 1 1 q. xviii, a. 1, ad 3 1 " 11 : De veritatt. q. i. a. 6. Sur l’opinion de saint Thomas, voir Pesch, "P. cit., n. 319, note. Saint Bonaventure affirme — ce que tout le monde accepte. que la détermination de la volonté du

Christ, en raison de son impeccabilité, n’empêchail pas sa liberté, et Indique la solution de la difficulté en rappelanl que le Christ a mérité par les actes, non du

compréhenseur, mais de l’homme encore dans l’état de voie. In l sent., I. Ml. dist. XVIII, < l, q. ". ad 1’"". ad 2° u >. ad.V" 1. Les systèmes bien accusés postérieurs.

ix) Première solution Jésus Christ « reçu </ Dieu un précepte véritable relativement à lu mort sur lu croix ; il a obéi et, nonobstant lu vision intuitive, son obéissance a

été par/ailement libre. — a. Exposé. — Cette solution a le grand avantage de conserver intégralement tous les éléments du problème. Elle admet, d’une part la réalité du précepte, et d’autre part, la liberté et l’obéissance du Christ. Elle est la solution de tous les thomistes de la famille dominicaine, cf. Gonet, disp. XXI, a. 3, § 3, n. 83, des théologiens de Salamanque, disp. XXVII ; et de nombre de molinistes, en premier lieu de Molina lui-même, Concordia, disp. LUI. memb. iv, ad linem ; In I, m p. Sum. S. Thomæ, q. c.xiv, a, 3. disp. VIII ; de Lessius./n III * m p. Sum. S. Thom « r q. xviii, a. 4 ; deBecanus, Theologiascholastica, part. IL tract, iv, De gralia, c. v, q. i ; du B. Bellarmin.De justifleatione, t. V, c. n. Elle est bien exposée de nos jours, du côté thomiste, par le P. Hugon.De Verbo inmrnalo, q. xi, a. 3, et, du côté moliniste, par le P. Pesch, De Verbo incarnato, prop. xxvi. Nous avons déjà rappelé plus haut que l’union hypostatique, . considérée comme source de l’impeccabilité, n’était pas un obstacle à la liberté, soit qu’on explique celle-ci par les décrets prédéterminants des thomistes, soit qu’on lui donne comme explication dernière la science des conditionnels de Molina. Au « sens composé » de la motion efficace, le Christ n’a pu pécher ; mais ♦ au sens divisé » de cette inotion.il a pu pécher, possédant la nature humaine qui, considérée dans ses facultés naturelles, peut défaillir. Partant, il est demeuré libre. On conçoit donc, que, se plaçant à ce point de vue, un excellent thomiste écrive : La difficulté n’est pas autre ici que la difficulté générale de concilier la liberté créée avec la prescience éternelle et avec le concours divin. De même que le décret prédéterminant porté de toute éternité ne nuit en rien à la contingence de l’acte qui se produira dans le temps, de même que la liberté demeure intacte sous l’influence de la motion divine ; ainsi le précepte du Père ne rend point fatale l’obéissance du Christ et la grâce, toujouis efficace en lui, bien loin de gêner la volonté, assure et produit les actes parfaitement libres et méritoires. L’union hypostalique entraîne pour l’âme cette plénitude de grâce habituelle ou actuelle qui se soumet toutes les puissances et exclut le péché ; elle garantit pour chacun des actes humains une motion infaillible qui les rend parfaits… Ainsi donc, en Jésus-Christ, le pouvoir radical de ne pas mourir ou de ne pas poser un tel acte existait véritablement, c’est seulement le fait de ne pas mourir ou de ne pas opérer qui ne s’est pas réalisé et qui, vu le plan divin, ne devait pas se réaliser. La liberté est donc demeurée intacte dans le Sauveur, comme j’avais l’entière faculté de m’asseoir à tel moment, bien que le fait n’ait pu avoir lieu que parce que je me suis trouvé en marche à ce même instant. La prédestination et la grâce efficace, tout en laissant la puissance entière, assuraient infailliblement que le fait ne se produirait pas, comme il es1 arrivé infailliblement que je n’ai pas été assis à cette heure de ma journée ». Hugon, Le mystère de l’Incarnation, p. 300-301. Les molinistes diffèrent d’expressions avec les thomistes : ils rejettent l’explication du < sens divisé i et du < sens composé », et lui substituent la prescience des futuribles ; mais la solution reste substantiellement la même, et revient â dire que

le problème de la liberté du Christ n’est qu’un aspect particulier du problème plus général « le la liberté humaine, sous la motion divine efficace. Cf. Pesch, op. cit., n. 329 et 342. Pour le détail des explications thomistes on consulte ! a Gonet, disp XXI, a. 3. 5 i : Billuart, dissert. XVIII, § 2 ; et Salmanlicences. loc. cit. — p. Critique. — La vraie difficulté n’est pas ou veulent la voir les thomistes, cf. Gonet, loc. cil., n. 93, dans la conciliation du régime d’inipeccabilile imposé pai l’union hypostatique à la volonté humaine avec ! la liberté du Christ ; d’excellents théologiens, qui ont