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    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA REVELATION DU a FILS DE DIEU »

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Fils de l’homme sera assis à la droite de Dieu. » Alors ils dirent tous : « Tu es donc le Fils de Dieu’El Jésus répondit : Vous le dites, je le suis. » Et eux repartirent : Qu’avons-nous besoin d’autre témoignage ?

Car nous-mêmes nous l’avons entendu de sa propre bouche. » Matthieu et Marc se contentent de la question posée par Calpbe : i Es-tu le Christ, le Fils du (Dieu | béni ? i Marc, xvi, 61. « Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu, m Mat th., xxvi, 63. Sans prétendre préciser la pensée de Caïphe et des Juifs au sujet du sens de ce titre : Fils de Dieu », — lequel, nous l’avons vii, col. 1177, ne relève pas de la tradition juive, niais de la prédication du Nouveau Testament, c’est-à-dire de Jésus, — il apparaît clairement que les ennemis de Jésus y attachaient l’expression d’une relation si intime, si transcendante avec la divinité, qu’un homme ne pouvait y prétendre sans blasphémer. Ce n’est donc pas pour se présenter comme le Messie que Jésus était accusé de blasphème : les Juifs attendaient le Messie, et Jésus, s’aflirmant le Christ, n’avait qu’à prouver sa messianité. Mais Jésus était accusé de blasphème pour s’être fait Fils de Dieu. C’est exactement ce même sentiment quon retrouve chez Jean, plus nettement exprimé : Jésus ayant affirmé son unité avec le Père, les Juifs voulurent le lapider à cause du blasphème, parce que, disaient ils. toi, étant homme, tu te fais Dieu. » Joa., x, 33. lit, devant Pilate, ils accusent derechef : « Nous, nous avons une loi. et selon cette loi, il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. » xiv. 7. La signification attachée par les Juifs et par Caïphe au titre de Fils de Dieu, que s’était attribué Jésus, est donc déjà, à elle seule, une indication précieuse louchant la filiation divine de Jésus. Cf. E. Mangenot, Les évangiles synoptiques, Paris, 1911, vne conférence, p. 270-299 ; M. Lepin, op. cit., p. 282290 ; A. Steitz, Das Evangelium von Gollessohn, Fribourg-en-Brisgau, 1908, p. 287-295. Mais il nous reste a déterminer le sens de cette expression, dans la prédication même de Jésus.

b) Signification précise du titre i Fils de Dira dans la prédication de Jésus. — On ne relient ici de la prédication de Jésus que ce qui est rapporté dans les synoptiques. Et nous disons que bien qu’aucune affirmation explicite de Jésus n’ait tranché la question des rapports métaphysiques du Fils et du l’ère, il ressort cependant avec suffisamment de clarté, pour éloigner tout doute contraire, que le titre de Fils de Dieu, dans les synoptiques, suppose en Jésus, par rapport à 1 lieu le l’ère, une filiation propre et naturelle. Ici, le Fils de Dieu est le Fils propre et naturel de

I >ieu, par opposition aux fils de simple adoption.

a. Rapports de dépendance, d’infériorité, d’adoration du l’ils vis-à-vis du l’ère : de médiation entre le l’ère et les hommes : explication de ces rapports. — Il convient de commencer par l’affirmation de ces rapports, qui, dans la personne de celui qui se dit le Fils de Dieu, posent un problème en apparence difficile à résoudre. La parole du Dculérononic, vi, 13, qui a servi à Jésus pour repousser la tentation du démon. Mallh., iv, 10, domine toute sa conduite, au cours de sa vie publique.

II formule sa propre règle de vie en rappelant le précepte de l’adoration (le 1 >ieu. Marc, xii, 29 : cf. Mat th., mi, .’.7 : lue, x, 27. il prie et passe les nuits en prière.

Luc, vi, 12. La prière le soutient au moment d’accepter le calice de la passion. Marc, xiv, 36 ; cf. Mallh.. .xxvi, 39 ; Luc. u. 12. Sur la croix, il répète les paroles du I’s. xxi, 1..Marc, xv, 34 ; Matth., xxvii. Mi. Au moment de mourir, Jésus prie encore son l’en de pardonner à ses bourreaux et de recevoir son âme.

Luc, x.xiu. 34, 16. Lon nombre de paroles sont proférées par Jésus, qui semblent le placer en un rang d’infériorité vis-à-vis du Père : « Pourquoi m’appelles

tu bon ? Personne n’est bon, si ce n’est Dieu seul. » Marc, x. 18. Et encore : « N’appelez personne ici-’as père. car vous n’avez qu’un Père, c’est Dieu.. ; et ne vous faites pas appeler « maîtres t, car vous n’avez qu’un maître, c’est le Christ, i Matth., xxiii. 9-10. Et encore, aux deux lils de Zébédée, qui lui demandent de siéger dans son royaume aux deux premières places, Jésus répond : « … D’être assis à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de vous l’accorder à vous, mais à ceux à qui mon Père l’a préparé, i Matth.. xx. 23. C’est le Père seul qui a l’initiative des faveurs à accorder. De même c’est le l’ère seul qui connaît le jour du jugement. Le Fils est nommément exclu : i Pour ce qui est du jour et de l’heure nul ne le sait, ni les anges du ciel, ni le Fils, mais le Père seul. Marc. xiii. 32. Chez saint Jean, Jésus dira expressément : i Le Père est plus grand que moi. » xiv, 28. D’autre part, Jésus nous apparaît comme le médiateur qui aide les disciples à franchir la distance qui les sépare du Père : il est, pour ainsi dire, l’intermédiaire entre son Père et les hommes : « Qui vous reçoit, me revoit : et qui me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé. » Matth., x, 40. « Qui vous méprise, me méprise ; et qui nie méprise, méprise Celui qui m’a envoyé. Luc, x, 16. « Je dispose en votre faveur du royaume, comme mon Père en a disposé en ma laveur. » Luc, xxii, 29. On trouvera le même parallélisme chez saint Jean, vi, 57 ; x, 14-15 ; xv, 9-10 ; xvii, 28, et surtout xx, 21 : i De même que le Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie ; » et chez saint Paul, voir plus loin, col. 1226 sq.

Il serait trop simple d’expliquer ces relations, de dépendance, de prière, d’adoration du Fils par rapport au Père par l’incarnation, la nature humaine du Fils étant par elle-même, dans la personnalité de Jésus, la raison de ces relations d’inférieur à supérieur. Sans doute, comme homme Jésus devait à Dieu l’adoration et la prière. Voir plus loin. Mais ici, nous le verrons bientôt, les textes évangéliques établissent entre le Fils incarné et le Père une communauté de nature et d’attributs qui nous obligent à chercher en la vie divine elle-même la raison dernière des sentiments de dépendance qui animent le Fils par rapport au Père. Et par là nous touchons à l’intime même du mystère de la Trinité : t Les paroles du Seigneur ne sont pas pour nous des objections à écarter : elles sont la lumière qui nous guide, et celles-ci sont des plus précieuses, en nous introduisant au cœur même du mystère chrétien, en nous faisant pénétrer l’humilité du Fils de Dieu incarné. Dès qu’on ouvre l’Évangile, on est frappé par ces sentiments d’humilité, si nouveaux dans le judaïsme, et si puissants chez tous ceux qui approchent le Christ et qui sont conduits par son esprit, … le Précurseur, … la vierge Marie… Mais, si l’on contemple le Christ lui-même, ou aperçoit en lui, vis-à-vis de son l’ère, une dépendance, un anéantissement, dont rien ici-bas ne peut donner l’idée : ni sa doctrine n’est de lui, ni ses aimes, ni sa vie ; le Père lui montre ce qu’il doit dire et faire et, les veux sur cette règle souveraine et très aimée. Jésus-Christ parle, agit et meurt. Cet le dépendance naturelle s’accompagne chez le

Fils d’une infinie complaisance ; de même que le Père s’épanche en lui avec un amour indicible, de même le b’ils prend son bonheur à recevoir et à dépendre. C’est là ce qu’il a de plus intime en Noire-Seigneur ; et plus on pénètre le secret de cette vie. mieux on comprend ces paroles d’humble dépendance qui Invitent les disciples à remonter jusqu’à la source de la vie. de la bonté, de la science. Dieu le l’ère… C’est donc que ce t rail [l’insondable dépendance du l’ils vis-à-vis du l’ère) loin de compromettre la filiation divine, en est au contraire, un élément essentiel : il ne doit point la voiler a nos yeux, mais, au contraire, la révéler. »