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JESUS-CHRIST. SA MANIFESTATION HUMAINE


xxvi. 63, et dans les apostrophes que la foule railleuse adresse au « Roi d’Israël » crucifié, Marc, xv, 32 ; Mat th., xxyii. 39 ; Luc, xxiii, 35. Enfin, l’histoire même de l’Église primitive, telle qu’elle apparaît dans

les Actes des apôtres, les épîtres et les autres écrits du Nouveau Testament, atteste à chaque pas, extrêmement vivante dans l’esprit des Juifs, la croyance au Christ-Sauveur. Constamment, les apôtres [ont appel à l’idée messianique : leur premier souci est de prouver que ce que les prophètes ont prédit du Christ. Jésus l’a réalisé, et qu’il est bien le Messie attendu et si ardemment désiré, i Act. iii, 18 ; v, 42 ; vin, 37 ; i, 22 ; xvii. 3 ; xviii, 5, 28, etc. I.epin, Jésus, Messie et Fils de Dieu, p.

Cette attente du Messie, la théologie juive immédiatement antérieure à Jésus-Christ, la laisse elle-même percevoir comme très vive dans les esprits, voir col. 1127 ; les événements semblaient indiquer que l’heure de Dieu avait sonné. On avait toujours cru que l’oracle de Jacob, voir col. 1116, regardait non seulement le Messie, mais encore l’époque où il devrait paraître. Or, à la fin de l’an 38 avant Jésus-Christ, le dernier représentant de l’autorité souveraine promise à la descendance de Juda, Antigone, avait été mis à mort et remplacé par L’iduméen Hérodc. C’était donc l’usurpateur étranger qui régnait à Jérusalem, sous le protectorat de la puissance romaine. Ces temps semblaient donc arrivés et la nation juive tout entière frémissait d’impatience.

L’attente messianique débordait même les limites du peuple de Dieu. La captivité avait disséminé les.lu fs dans les grandes monarchies de l’Orient ; malgré I édit de Cyrus, permettant aux exilés de retourner dans leur [latrie, beaucoup de familles avaient préféré s’établir définitivement au milieu des nations ; il y avait des Juifs à Rome même l-’aut-il rattacher aux espérances répandues dans le monde par les Juifs de la dispersion ce que Platon disait aux Grecs : « [ Il faut] différer les sacrifices et attendre que Dieu lui-même vienne dans sa piété, ou du moins un envoyé du ciel’.' * Apologie de Socrule. Est ce à L’attente messianique que se rattachent les poétiques prédictions de Virgile, dans la IVe églogue’?Le moyen âge l’a cru, mais c’est loin d’être démontré ; du moins Suétone. Vie de Vespasien, c. iv, et Tacite, Histoires, t. V, c. xiii, rappellent expressément la croyance populaire en un roi victorieux qui viendrait de l’Orient. Ces deux auteurs sont d’ailleurs en dépendance, directe ou indirecte, de Flavius Josèphe, au témoignage duquel l’espérance messianique qui régnait chez les Juifs lut un des plus puissants leviers de la grande insurrection contre Rome, qui aboutit à la ruine de Jérusalem. De bello judaico, I. VI, C. v, n. 4. L’historien juif, courtisan des (.(sais, ne craint pas d’ailleurs d’appliquer à Vespasien les prophéties relatives au roi messianique. Textes de Suétone et de Tacite, dans Kirch, n. 3(> et 29.

Beurlier, L. monde juif au temps de Jésus-Christ et des apôtres (Coll. Science et religion, 2 vol., Paris, 1900 ; Hackspill, Étude sur le milieu religieux et intellectuel contemporain du V. T., dans la Revue biblique, 1900, p. 564-577 ; 1901, ». 200-215 ; 377-384 ; 1902, p. 53-73 ; Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909 ; et les auteurs cités au coins du paragraphe, SchUrer, Lepin, Felten, Fillion, etc.

3° Vie de Jésus-Christ et théologie de Jésus Christ,

— Les mêmes documents sont utilisés par l’historien cl par le théologien. Toutefois une t vie de

JésUS-Christ n’est pas une « I héologie » de Jésus Cluisl.

il appartient en propre à l’historien de Jésus de reconstituer dans l’ordre chronologique où Us se sont succédé, la trame des événements, qui composent l’exis du Sauveur. Il 1 i faut, tout d’abord.

replacer Jésus-Christ dans le milieu où il est né, où il a vécu, afin « le présenter sa physionomie et celle de

son entourage sous une forme plus vivante et plus concrète. Il lui faut aussi, relatant les actes et les paroles de Jésus, faire œuvre de critique, en établissant sous leur forme la plus pure, les textes des saints évangiles ; en démontrant l’authenticité, la crédibilité de ces précieux documents, en expliquant de son mieux, selon toutes les ressources de l’exégèse actuelle, le sens précis des textes. Enfin, c’est encore a l’historien qu’il appartient de signaler et de réfuter les objections soulevées par la critique rationaliste contre l’authenticité, la crédibilité, le sens traditionnellement reçu des récits inspirés. On voit par là que le rôle précis de l’historien, en regard du Christ de la foi, consiste a présenter les motifs de crédibilité, tirés de la vie même du Christ, et qui sont les préambules de notre acte de foi en Jésus, Dieu et homme. Et de plus, tout ce qui appartient à la vie terrestre du Christ et manifeste la perfection de son humanité, est du ressort de l’histoire.

A la rigueur, le théologien peut se dispenser de relever les détails de la vie terrestre du Sauveur. L’Évangile même, à proprement parler, n’est pas le point de départ de son étude du Christ : le principe des spéculations théologiques se trouve, en effet, dans les articles de foi. tels que L’Église les propose. S. Thomas, Sum, theoL, la. q. i. a. 8. Mais il importe de remarquer que la révélation est la source des articles de la foi et de toutes les vérités qui y sont virtuellement contenues. Si donc le théologien veut embrasser son sujet dans toute sa compréhension, il devra, lui aussi, reprendre, du moins dans sa substance, l’œuvre critique et préparatoire de l’historien, et disposer ainsi les esprits à la foi au Christ, en fixant les préambules de cette foi. Mais il ne peut s’en tenir la : après avoir démontré la crédibilité du dogme, il lui faut étudier le dogme en lui-même et dans toutes ses conclusions, soi ! strictement dogmatiques, soit théologiques. Son œuvre dépasse donc celle de l’historien : elle la complète et la couronne.

Faisant œuvre à la fois de critique et de théologien, nous nous efforcerons de trouver dans l’étude directe du texte sacré tout ce qui peut justifier les affirmations dogmatiques relatives à la transcendance divine « lu Christ. Dès les premières lignes du Nouveau Testament, il semble, en effet, qu’une révélation nouvelle apparaisse clairement touchant Le concept de la per sonualité du Sauveur. Ce concept ne s’élabore pas sans doute eu des dissertations systématiques, telles qu’en donnaient les scribes juifs : mais il ressort nettement de la manifestation même de Jésus en ce inonde. La personnalité du Verbe incarné nous apparaît, même sous son aspect humain, avec une transcendance telle, que nous ne pouvons songer à j voir une simple personnalité humaine ; el souvent le divin j resplendit tellement « pie nous y lisons la transposition réelle et sincère de L’article de la foi chrétienne, que nous avons a commenter : Credo… in unum Dominum Jesum Christian, Filium Dei unigenitum, ex Paire niitum ante ssecula…, consubstantialem Patri… ; qui propter n<>s et propter nostram saluiem, descendit de cœlis et incarnatus est de Spirilu sancto ex Marii oirgine, et hotno f act us est.


II. Manifestation humaine de Jési s-Christ.

Des le début de la manifestation « lu Sauveur, le caractère transcendant et divin de sa personnalité est marqué. Et c’est par là précisément « pic ! « Nouveau Testament, « -n nous présentant l’Hommc-l >icu. se différencie de l’Ancien des ses premières pays. Toutefois, la révélation de la divinité du Christ m’produit à travers un développement normal « ! « son humanité.

(’.' « si par celle-ci que nous pouvons al teindre celle-là, et c’est pourquoi la connaissance « le la personnalité transcendante et divine du Sauveur suppose déjà connue celle de son humanité.