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JÉSUITES. THÉOLOGIE ASCÉTIQUE. ACCUSATIONS


40"). Le cardinal Paiocchi généralisait cette remarque « Quiconque, disait-il, remontera dans l’histoire des âmes jusqu’à trois siècles en arrière, se convaincra aisément qu’une infinité de conversions doivent être attribuées à la pratique des Exercices, et que pas un peut-être de ceux qui ont atteint les sommets de l’héroïsme n’a manqué de donner aux Exercices une part de reconnaissance. » 24 janvier 1881. Enfin Mgr Freppel disait du livre des Exercices : « Livre merveilleux qui, avec Y Imitation de Jésus-Christ, est peut-être de tous les livres faits de main d’homme celui qui a conquis le plus d’âmes à Dieu. » Panégyrique de saint Ignace. 186

A propos de cette influence sanctifiante de la spiritualité ignatienne, il faut au moins mentionner les missions paroissiales dont le plan a été le plus souvent inspiré par les Exercices, les innombrables recueils de méditations qui ne sont que le développement du cadré tracé par saint Ignace, enfin les maisons affectées aux retraites fermées qui s’ouvrent actuellement de toutes parts en si grand nombre, font un bien considérable et sont encouragées chaleureusement par les souverains pontifes.

4° Une influence encore fort remarquable de la spiritualité de saint Ignace, c’est celle qu’elle a exercée sur l’s formes de la vie religieuse.

Avant le xvie siècle, la récitation conventuelle de l’office divin était regardée comme une partie essentielle de toutes les constitutions régulières. On ne concevait pas la vie religieuse sans cette participation commune et prolongée à toutes les prières liturgiques. Plusieurs même, pendant un certain temps, s’obstinèrent à ne pas considérer comme véritables religieux ceux qui vivaient sous une règle où cette obligation n’était pas inscrite. Après la mort de saint Ignace ses premiers disciples durent soutenir une longue lutte pour maintenir dans sa Compagnie cette suppression du chœur.

A la réflexion cependant, on n’eut pas de peine à comprendre que l’office conventuel n’appartient pas à l’essence de la vie religieuse, et que, si respectable qu’il f lit à tous égards, il n’en interdisait pas moins aux ordres qui s’y trouvaient astreints des œuvres fort importantes dont le besoin se faisait réellement de plus en plus sentir. Du moment, au contraire, où l’oraison mentale quotidienne, l’examen de conscience une ou deux fois chaque jour et la retraite annuelle passèi ent en usage, on dut se dire qu’il y avait là, pour la vie religieuse, non pas une mesure de prière suffisante, car, selon la recommandation de Notre-Seigneur, la prière doit être continuelle, mais un moyen suffisant pour y entretenir et y renouveler l’esprit de prière. Dès lors la nécessité du chœur apparut moins rigoureuse, et l’on ne tarda pas à voir apparaître toute une floraison d’instituts qui, organisés sur un plan nouveau, se consacrèrent plus libremetil à l’apostolat de l’éducation, de la prédication et de la charité.

C’est ainsi qu’un renouvellement dans les pratiques de la vie chrétienne facilita certainement et détermina peut-être une transformation dans l’organisation et même dans la conception de la vie religieuse.

VI. Accusations portées contre la spiritualité iGNATii nm. Une spiritualité qui sortait ainsi des voies liât lues, qui rompait avec des habitudes plusieurs lois séculaires et qui exerçait une influence réelle dans l’Église, ne pouvait manquer de susciter des contradictions et même des accusations, Biles se produisirent, en effet, elles vinrent parfois du coté

le moins attendu et elles prirent à certains moments un caractère de violence Inouïe.

Le livre des Exercices n’était pas encore imprimé que déjà il élail dénoncé a l’Inquisition et déféré au jugement des universités en Espagne ci en France.

Les copies en étaient saisies et sou nise- à l’examen le plus rigoureux. On croyait y découvrir des idées subversives et même des hérésies.

En vain ceux qui avaient fait loyalement l’essai des Exercices étaient-ils unanimes à proclamer qu’ils y avaient trouvé d’incomparables lumières, avec des énergies inespérées pour le bien ; en vain les divers tribunaux ecclésiastiques appelés à se prononcer déclaraient-ils qu’ils ne voyaient dans ce livre aucune syllabe à reprendre, la tempête ne s’apaisa que lorsqu’en 1518 Paul III, après un long et mûr examen, l’approuva et le recommanda solennellement.

Sans nous attarder aux attaques dirigées par les jansénistes contre la spiritualité de la Compagnie, rappelons seulement les accusations qu’on a pu lire ou entendre de nos jours, en dépit des approbations que ne cessent de renouveler les souverains pontifes. A cet te spiritualité on a reproché d’être formaliste, d’être antiliturgiste, d’être individualiste et d’être novatrice.

1° Au reproche de formalisme nous avons déjà amplement répondu, en disant de quel esprit de largeur s’inspire toute cette spiritualité, assez souple pour s’adapter à tous les attraits, à toutes les forces, a toutes les circonstances, et assez condescendante pour n’imposer jamais que ce qu’on peut allègrement porter.

2° Quand on a accusé la spiritualité de saint Ignace d’être antiliturgiste, je crois qu’il y a eu surtout confusion. Ce fut une conception hardie que celle d’organiser la vie religieuse sans y introduire l’ofiice conventuel. Si saint Ignace réalisa ce plan ce n’est pas faute d’estime pour la liturgie. Il avait au contraire un goût très prononcé pour les cérémonies de l’Église, et il lui en coûta pour en faire le sacrifice. Deux ans avant sa mort, le lundi saint de l’année 1554, il disait au P. Ribadeneira : « Si j’écoutais mon goût personnel et si je suivais mon inclination, j’établirais le chœur et le chant dans la Compagnie ; mais ne je ne le ferai pas, car je sens que ce n’est pas la volonté de Dieu et que telle n’est pas la vocation de notre Institut. » Monumentahist. S. J., Mon. Ignaliana, Ser. IV, Scripta de S. Ignatio, t. i, p. 3 18. Il se rendait compte, en effet, que le genre de vie qu’il imposait à son ordre ne pouvait s’accorder avec la régularité des offices liturgiques. Une grande partie de ses religieux devaient être employés a l’œuvre de l’éducation. Comment concilier les fonctions absorbantes de l’enseignement et de la surveillance avec l’assistance régulière au chœur ? Ceux qui seraient appliqués aux œuvres de l’apostolat, soit dans les pays catholiques, soil parmi les hérétiques ou les infidèles, n’allaient pas d’ordinaire se trouver réunis assez nombreux pour sullhe aux exigences de la liturgie.

Manifestement il lui fallait sacrifier toutes ce œuvres, ou renoncer à organiser dans les maisons de son ordre la vie liturgique avec sa régularité et son ampleur. C’est à ce dernier parti qu’il s’arrêta. 11 dut se dire, comme jadis saint Thomas d’Aquin, que s’il est bon de chanter les louanges de Dieu, il es ! meilleur de gagner des âmes à Dieu par l’enseignement cl la prédication : Melior modus est provocandi homines ad devotionem per doctrinam et prædicationem quam per canins, et que ceux qui sont employés aux ministères apostoliques ne doivent pas s’adonner au chant pour ne pas être détournés par là de fonctions plus Importantes : Non debent cantibus insistere ne per hoc a maforibus retrahantur. Sum. theol, , II » -II », q. xci, a. 2. Il dut surtout s’inspirer des exemples de Notro-Seigneur et de ses recommandations à ses apôtres. Quoi qu’il en soil, l’Église l’approuva et renouvela à pi i sieurs repi ises son approbation. Voici en quels lerm. Grégoire XIII renouvelait, le 28 février 1573, L’approbation iléj.i accordée par Paul III, le 27 septembre 1540 :.Vos considérantes Religionem prædictam uberrimos jructus, ad Dei laudem et sanctee ftdei cath