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JÉS1 [TES. THEOLOGIE MORALE. PRINCIPAUX REPRESENTANTS

° Doctrine relative aux débuts de la vie morale. — Outre ces deux thèses fondamentales et vraiment communes parmi les jésuites, on peut signaler encore,

comme présentant un certain intérêt, leur doctrine relativement aux débuts de la vie morale. An sit uliquod Dei præceptum quo unusquisque leneatur ad Deum converti, cum primum ad usum rationis pervenerit. Sur cette question qu’ils rencontrent en expliquant la Somme, I 3 II » 1, q. lxxxix, a. G, et à propos de laquelle le De opinionum deleclu (1613) d’Aquaviva leur laisse toute liberté. Pachtler, t. iii, p. 36, la majorité des jésuites se sépare de la célèbre mais diflicile opinion de saint Thomas. Voir art. Infidèles, t. vii, col. 1863, 1867. Pour eux non seulement rien ne s’oppose a priori à ce que la vie morale commence par un péché véniel, soit chez le baptisé, soit chez l’Infidèle, mais l’expérience montre que les choses se passent ainsi d’ordinaire. Il n’y a plus dès lors aucune raison d’admettre que de soi l’éveil à la vie morale saisisse et engage l’âme à fond par une sorte de mise en demeure d’opter sans atermoiement pour ou contre la fin dernière ; En cela, d’ailleurs, aucun désaccord essentiel avec la morale thomiste, aucune atteinte notanunent’au grand principe que c’est l’attitude prise à l’égard de la fin dernière qui spécifie la moralité, puisque dans le péché véniel comme dans le péché mortel, c’est bien toujours par rapport à la fin que se conçoit la malice morale.

4° Doctrine sur la légèreté de matière en fait de luxure.

— Reste à dire un mot de la position des jésuites dans la question de savoir s’il peut y avoir légèreté objective en matière de luxure. C’était au xvi c siècle un point discuté entre moralistes, et ni d’un côté ni de l’autre on n’apportait d’arguments décisifs. De bons auteurs comme Fumo, D. Soto, Azpicuelta répondaient affirmativement. Quelques jésuites se rangèrent à cet avis. — Tel est le cas du célèbre Sanchez, t 1610. De nuitrimonio, 1602, t. IX, disp. xlvi, n. 9, 15, 16, 39. La rétractation posthume, que l’on trouve dans VOpus morale in præc. decal., 1613, t. V, c. vi, n. 12. est duc vraisemblablement aux éditeurs, comme la correction, d’ailleurs incomplète, introduite dans les éditions ultérieures du De malrimonio. Voir le Cursus theol. mor. des Salmanticenses, tr. XXVI. c. m. n. 77. Salas, f 1612, suit ici Sanchez. Disput. in l am I I æ S. Th., t. ii, 1609, tr. XIII. disp. vi, n. 149, 157. Lessius, t 1623, tout en préférant le parti contraire, estime la discussion possible. De just. et jure, 1605, t. IV, c. iii, n. 59.

Jugeant cette opinion peu sûre, le P. Cl. Aquaviva, non content de l’avoir blâmée en 1606, relativement au cas particulier des taclus et oscula, Ramière, n. 361, interdit à tous les membres de la Compagnie sous les peines les plus sévères de l’enseigner ou de la soutenir de quelque manière que ce soit, 24 avril 1612. Instit., t. ii, p. 5. Cette mesure a été confirmée depuis, d’abord dans des réponses particulières, données par Aquaviva lui-même et Mutins Vitcllesclii. Ramière, ibid. ; ensuite dans des documents de police générale par le P.Carrafa, 19 jaiiv. 1647, cf. Lacroix. Theol. mor., t. III, p. I, n. 911, et par la Congrégation IX (1649-1650) d.24, Instit., I. i, p. 628. Depuis lors la doclrinc la plus généralement tenue par les théologiens jésuites distingue deux sortes de délectations : l’une purement sensible, l’autre proprie venerea ; et restreint a la première la possibilité d’une légèreté de matière, lïlliucci, Morales questiones, t. ii, tr. XXX, c. 9, 10. Lacroix, Theol. mor., t. III, p. I, n. 912. C’est la renseignement de Bauny, Somme des péchés, c. viii, concl. 12 ; Escobar, Theol. mor.. tr. I, exam. viii. n. 75 ; Tamburini, Expl. decal., t. VII, c. viii, § 1, n. 8-9.

L’opinion de Sanchez n’a pourtant pas été. semblet il, condamnée par l’Église. Viva fait justement

remarquer qu’elle ne se confond pas avec la proposition XL censurée par Alexandre VII en 1666. Damnatm thèses, p. I, prop. XL. n. 1. Malgré l’effet produit par la décision d’Aquaviva en dehors même de la Compagnie, des auteurs tels qu’Araujo, Zanardi, Yillalobos, J. Marchant la donnent encore comme probable. Voir Am. Guimenius [M. de Moya], Opusculum, tr. de peccatis, prop. XI ; Mendo, Slatera opinionum, diss. V, q. 1. C’est par égard pour cette probabilité extrinsèque et en vertu d’un principe incontesté entre catholiques, qu’aux termes d’une réponse du P. Nickel, 15 janvier 1659, les prêtres de la Compagnie peuvent, doivent même, absoudre au saint tribunal un pénitent sincèrement convaincu de la légèreté de sa faute et peu disposé à y renoncer. Ramière, n. 361. Cf. Platel, Synopsis cursus theol., p. II, n. 252.

VI. Principaux représentants.

Un double enseignement de morale, l’un plus théorique, l’autre plus pratique, s’est toujours donné, on l’a vu (col. 1073), dans la Compagnie. Il était naturel qu’il en résultât une double série d’ouvrages, ceux-ci d’allure plus scolastique, ceux-là visant davantage à l’utilité immédiate des confesseurs. C’est par rapport à ces deux genres, que sont établies les deux listes suivantes. Classification assez imparfaite, d’ailleurs, et qu’on se gardera de trop presser, puisqu’il s’agit d’auteurs chez qui spéculation et casuistique sont rarement sans se compénétrer.

Pour l’exposé scolastique.

Louis Molina, 15361600, le plus représentatif des écrivains de la Compagnie,

psychologue et juriste autant que philosophe et théologien, plus remarquable encore peut-être par la « science étonnante » de son De jure et justitia (Molinier, t. n. p. 274) que par sa fameuse Concordia. François Suarez, 1548-1617, justement estimé comme moraliste, pour ses traités De religione, De legibus, De sacramentis, De censuris. Grégoire de Valentia, 1551-1603. Gabriel Vasquez, 1551-1604. Jean de Sales, 1553-1612. Léonard Lessius (Leys), 1554-1623, dont saint François de Sales appréciait hautement le De justitia et jure (lettre du 26 août 1618 : Œuvres, Annecy, t. xvin. 1912, p. 272) ; ses Cas de conscience, publiés en 1645 dans In D. Thomam… de bcatitudine… praiccliones theologiav, t. i, p. 145 sont le fruit d’incessantes consultations. Louis de Torrès (Turrianus), 1562-1655. Jean Le Prévost (Pneposilus), 1570-1634. Adam Tanner, 1571-1632. Gilles de Coninck, 1571-1633. Jacques Granados, 1572-1632. Nicolas Baldelli, 15731655. Gaspar Hurtado, 1575-1646. François Amico, 1578-1651 (le P. L’Amg de Pascal), chancelier de l’université de Gratz. Jean de Lugo, 1583-1660, cardinal depuis 1643, l’auteur préféré de saint Alphonse de Liguori, après saint Thomas (Theol. mor., t. III, n. 552). Son De justitia et jure passe pour un modèle du genre. Jean de Dicastillo, 1585-1653. François de Oviedo, 1602-1651. Paul Rosner, 1605-1664. Martin de Esparza, 1606-1689, longtemps consulteur du Saint-Office et d’autres congrégations romaines, Sforza l’allavicini, 1607-1667, cardinal en 1657, esprit extrêmement subtil, plus porté à la spéculation qu’à la casuistique. Jacques Platel, 1608-1681, adversaire résolu du rigorisme janséniste, modéré dans le ton, du reste, et toujours intéressant à consulter. Christophe llaunold, 1610-1689. Jean de Cardenas, L684. Michel de Elizalde, 1616-1678, Antoine Terillus (Honvill), 1623-1676 et Thyrse Gonzalez, 1621-1705, Célèbres tous les trois par la part importante qu’ils prirent à la controverse probabiliste. Dominique Viva, 1648-1726, bien connu par ses Damnatte tlwsrs. commentaire devenu classique des propositions condamnées par Alexandre Y 1 1, Innocent X I, Alexandre VIII. Jean Marin, 1654-1725. Christophe Rassler, 16541723, le père de l’équiprobabilisme. Antoine Mayr,