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    1. JÉSUITES THÉOLOGIE MORALE##


JÉSUITES THÉOLOGIE MORALE. THÈSES CARACTÉRISTIQUES

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etiam miratus sit me eadem non sentirc. Dans ces conditions il recourt an général lui-même, sans rien lui cacher de sa propre pensée, qui e<t aussi celle des anciens : Virtualem seu inlerpretativam cognitionem ego eontendo suffleere (ad peccatum). Et voilà parfaitement caractérisée, dans son énoncé direct comme par sa contradictoire, une des thèses morales auxquelles tiennent le plus les jésuites.

_ Le pnbabilismè. - — La thèse du probabilisme découle de la précédente. Qu’on suppose en effet le eas, fréquent en morale, où l’inévidence du sujet amène les auteurs à différer d’opinion sur la licéité d’un acte, ou. ce qui revient au même, sur l’existence d’une loi : s’il est vrai qu’alors la violation matérielle de cette loi ne peut être imputée à celui qui, de bonne foi. n’en sait pas l’existence, comme le savoir ne commence que là où cesse l’incertitude, il faut bien avouer que dans la mesure où l’une des opinions en conflit rend incertaine l’existence de la loi, agir suivant cette opinion ne saurait passer pour mal faire. C’est ce que reconnaissait dès le milieu du xvi° siècle la célèbre école de Salamanque et avec elle les meilleurs théologiens de l’époque. Voir Dictionnaire apologétique, t. iv, col. 316. Ex commuai sententia theologorum, constate Lainez, quoties de aliquo conlraclu varise sunt sententiæ gravissimorum doclorum, licet unicuique tuta conscientia accedere illi sententise quæ magis illi placet. De vecligalibus, c. iii, dans Disp. Tridentinæ, t. ii, p. 399. Et c’est aussi ce qu’enseigneront la plupart et les plus représentatifs des moralistes jésuites. Jusqu’à la réaction antiprobabiliste du milieu du xviie siècle, on n’en connaît pas parmi eux, à part Rebello (1608), Comitoli (1609) et Bianchi (1642) qui ne tiennent expressément ou d’une manière équivalente la doctrine commune en ce temps. Gonzalez, Fundamentum theologiæ moralis, Introd., n. 11-15, et Concina, Apparatus ad theologiam christianam, t. ii, édit. de 1773, p. 270, se trompent, lorsqu’ils font de Tolet, Molina et Bellarmin des adversaires du probabilisme. Tolet dans son cours inédit sur la *- æ, professé au Collège romain en 1567, q. xix, a. 6 reflète â peu près la pensée de son maître, Dominique Soto. Ses formules sont celles des prédécesseurs immédiats de Médina. Molina ne traite nulle part la question mais se montre d’accord avec les probabilistes sur des points importants. Cf. A. Schmitt, Zut Geschichle des Probabilismus, Inspruck, 1904, p. 105. Quant à Bellarmin, le passage souvent cité de YAdmonilio écrite pour son neveu, l’évêque de Teano, cf. Gonzalez, toc. cit., demande seulement que dans les actes de l’administration épiscopale on suive toujours le parti le plus sûr, devoir tout à fait compatible avec la thèse probabiliste. — Le P. Ter Haar, De sijstemate morali antiquorum probabilislarum, Tournai, 1894, p. 20, est également dans l’erreur, lorsqu’il voite a Suarez, Yalencia, de la Puente, Th. Raynaud des ancêtres de l’équiprobabilisme. Lire là-dessus A. Schmitt, op. cit., ]i. 176. — Il faut attendre jusqu’à la seconde moitié du xviie siècle, pour trouver dans la Compagnie un groupe, d’ailleurs assez peu important, d’antiprobabilistes. Pallavicini, de Aranda, Mamiani délia Hovere, Rassler, Mayr, Biner, Mannhart représentent, avec des nuances diverses, la formule équiprobabiliste. Cf. Ter Haar, loc. cil. Elizalde, de Scildere, Gonzalez, Muniessa, Camargo, Antoine vont jusqu’au probabiliorisme. Malgré de très vifs efforts, ni les uns ni les autres n’ont fait école dans leur ordre, et, depuis le xixe siècle, l’accord est redevenu complet pour le probabilisme.

Pareil ensemble chez les professeurs et écrivains commandait en quelque sorte l’attitude de l’autorité de l’ordre. Tant que le probabilisme fut unanimement

revu dan-- l’Église, la pensée ne pouvait venir de fermer la bouche a ces opposants qui ne se rencontraient qu’à l’état isolé. Aussi le P. Piccolomini se contentc-t-il, dans son Ordinalto pro studiis superioribus, 1651, de mentionner la question du probabilisme parmi celles qu’il faut étudier, l’achtler, t. iii, p. 239 ; Inslit., t. ii, p. 229. Mais il n’en fut plus de même après le déclenchement des controverses issues du jansénisme. Dès lors, la grande majorité des théologiens de la Compagnie signalant, preuves à L’appui, une liaison étroite entre la réaction antiprobabiliste et le courant d’idées qui finirait par provoquer la bulle Unigenilus, il eût été surprenant que les supérieurs tolérassent l’enseignement du probabiliorisme ou permissent la publication d’ouvrages conçus dans ce sens. De là le cas Elizalde, cf. Dôllinger, t. i, p. 51 ; le cas La Quintinye, cf. Dôllinger, t. i. p. 57 ; t. ii, p. 1 ; le cas Gonzalez, cf. J. Brucker, dans les Éludes, 1901, t. lxxxvi, p. 778 ; 1902, t. xci, p. 831 ; P. Bernard, dans ce Dictionnaire, t. vi, col. 1493 ; A. Astrain, t. vi, p. 119372, — et d’antres affaires encore. Voir une lettre significative du P. de Henao à Gonzalez dans R. de Scorraille, François Suarez, Paris, 1912, t. i, p. 193.

— Vraisemblablement une mesure générale, demandée de différents côtés dans la Compagnie, serait venue couper court à tous ces essais de propagande probabiblioriste, si le pape Innocent XI n’avait en 1680, sur une supplique de Gonzalez et grâce à certaines influences favorables au parti janséniste, prescrit au général Oliva de laisser libres la discussion du probabilisme et l’adoption du probabiliorisme. Denzinger-Bannwart, n. 1219. Cf. J. Brucker, loc. cit. G. Arendt, De conciliationis tenlamine, Rome, 1902, p. 96 sq. ; A. Astrain, t. vi, p. 204 sq. Plus encore, que cet ordre curieux, dont les circonstances et les suites ne sont pas parfaitement élucidées, l’intervention par laquelle Innocent XI faisait élire Gonzalez comme général en 1687, cf. A. Astrain, t. vi, p. 228, devait modifier profondément l’attitude de l’autorité de l’ordre à l’égard du probabilisme, comme on peut le voir au décret 18e voté par la Congrégation générale sur l’initiative du nouvel élu. Inslit., t. i, p. 667. C’est ainsi que malgré une longue résistance de ses assistants, Gonzalez parvint lui-même à faire paraître son Fundamentum theologiæ moralis, 1693, et qu’après lui purent se produire au grand jour quelques ouvrages probabilioristes, d’ailleurs bien oubliés aujourd’hui.

Vraiment homogène, malgré cela, dans son adhésion au probabilisme, la doctrine de la Compagnie de Jésus ne l’est pas autant, du moins avant le xixe siècle, lorsqu’il s’agit de définir, d’établir et d’appliquer ce système. Dans les débuts surtout on rencontre parmi les jésuites, ainsi qu’il a été dit, col. 1081, des casuistes peu philosophes, aussi inhabiles que leurs contemporains à critiquer la thèse fameuse de Médina : In omnibus negotiis, eliam magni momenti, et in maximam injuriam lertii, licilum est sequi opiniones probabiles ; ergo et in maleriis sacramentorum. Exposiliones in S. Thomam, la lire, q. ix, a. 6, q. 5, eoncl. 3. Le texte du P. Vitelleschi, cité plus haut, col. 1082, accuse la nécessité de rappeler à certains, en 1017, que le probabilisme ne les dispense pas d’enseigner sur toutes choses, l’opinion la plus probable. Mais, par ailleurs, un Suarez, qui meurt précisément en cette année 1617, a vu dès longtemps la vraie portée, la preuve rationnelle et les limites pratiques du système. De bonilalc et maliliu humanorum actuiim, disp. XII, sect. 5 et 6. Et avec lui, avant lui, beaucoup d’autres ont leur part au travail de précision qui s’accomplit, relativement au probabilisme. de Médina à I.aymann. Voir sur ce sujet l’excellente étude du P. A. Schmitt, Zur Geschichle’1rs Probabilismus, Inspruck. P.nu.et l’art. Probabilisme.