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    1. JÉSUITES##


JÉSUITES. THÉOLOGIE MORALE. IT.NDANCKS

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Pellizzari, Fagnndez, Tamburini, Gobât, Casalicchio, Benzi, sont ceux qu’il convient surtout d’ajouter à la liste de casuistes trop bénins signalés précédemment, en y joignant les apologistes Pirot. Moya et Mendo, souvent entraînés, dans leur réaction contre le jansénisme, à dépasser le juste milieu dans l’appréciation dos opinions en conflit. Ce qu’il y a de plus fâcheux, chez ces auteurs, ce n’est pas encore le fait îles erreurs particulières qui leur ont échappé et qu’on retrouve ça et là parmi les propositions condamnées sous Alexandre VII et Innocent XI. A qui se scandaliserait qu’un moraliste catholique put se tromper dans la solution de problèmes aussi ardus que le sont certains cas de conscience, on redirait volontiers ces mots de Jean Azor : Souvenez vous qu’en un dom nne aussi vaste, en un tel dédale d’opinions diverses, l’homme ne peu prétendre éviter tout faux pas : je suis homme et c’est chose bien humaine que l’erreur. Inslit.mor., Præf. Il n’est probablement aucun théologien qui, en morale comme ailleurs, n’ait payé son tribut à cette infirmité humaine. Saint Antonin lui-même, un maître pourtant, se trouve représenté dans la liste des propositions censurées par Alexandre VII. Bien plus regrettable est l’illusion fondamentale en vertu de laquelle les casuistes dont il s’agit, obsédés pour ainsi dire par l’idée de probabilité, et impuissants à discerner une limite pratique entre probabilité et certitude, victimes aussi d’un trop grand désir de « diminuer » les péchés, tendent à se contenter, pour maintenir aux consciences leur liberté, de raisons plus ingénieuses que solides et d’autorités insuffisantes. Dum probabililale sive inlrinseca, sive exirinseca, quantumvis tenui, modo a probabilitalis finibus non exeatur, confisi aliquid aç/imus, prudenler agimus. Cette thèse de Tamburini, Explic. decal., t. I, c. iii, § 3, n. 3, qui ne diffère que par un mot de la 3e proposition d’Innocent X I, prêterait, telle quelle, à de graves abus ; et si son auteur, par une heureuse inconséquence de son sens moral, n’en tire pas dans le concret toutes les hardiesses qu’on lui a reprochées, il est sans excuse de livrer à d’autres comme règle d’action une formule aussi critiquable.

Pareil bénignisme n’est d’ailleurs le fait que d’une minorité d’auteurs jésuites. On s’en rendra compte en parcourant l’ouvrage où le P. Jean Pollenter indiquait les positions communes dans la Compagnie par rapport aux propositions condamnées : Sexaginta quinque propositions nuper a SS. D. X. Innocenlio XI proscriptæ, a Societatis Jesu theologis diu unie… consensu communissimo rejectee. Louvain, 1689. Deux textes de saint Alphonse ont ici leur place. Le premier est emprunté à une lettre du 30 mars 1756, déjà mentionnée : « Les opinions des jésuites, écrivait le saint, ne sont ni larges ni rigides, mais dans le juste milieu. Et si je soutiens quelque opinion rigide contre tel ou tel écrivain jésuite, je le fais presque toujours en m’appuyant sur l’autorité d’autres écrivains de cette Compagnie. » Lettres. Lille, 1888-1898, Correspondance spéciale, 1. 1, 1. 10. Le second est une liste de moralistes classiques, donnée par le saint docteur dans la 4e édition de sa Théologie morale, 1760, t. I, n. 87 : on y voit figurer Molina, Suarez, Valentia, Vasquez, Lessius, de Coninck, Lugo, Cardenas, Sa, Tolet, Azor, Sanchez, Layman, Castropalao, en tout 14 jésuites sur 26 auteurs postérieurs au concile de Trente.

Pour solidariser l’ordre entier avec ses casuistes les plus imprudents, les polémistes anciens faisaient volontiers valoir l’unité de doctrine prescrite par l’Institut de la Compagnie et assurée par la révision obligatoire de toutes les publications de ses membres. Déjà utilisé par Pascal (cinquième et neuvième Pro’inciales, Œuvres, t. iv, p. 299 : t. v. p. 195, qui l’a trouvé dans les Vëpjlezacadémiques d’Hermant, 1643, p. 108, 27.">),

lit arg tment forme une des pièces maîtresses de l’échafaudage juridique (liesse par les Parlements aux

procès do 1702. Mais aucun historien ne le prendrait aujourd’hui au sérieux. Sans doute, pareillonuiit à ce qui existe dans tous les groupements religieux, dans ceux-là moines qu’aucun lien d’école n’attache à la lettre de toi ou tel docteur (voir par exemple pour les lazaristes, S. Vincent de Paul, Correspondance, édit. Coste, t. iii, p. 329 : pour Saint-Sulpice, Correspondance de M. Tronson, t i, p. 247), les constitutions de saint Ignace proscrivent l’unité dans la doctrine : Const. III, i, 18, O ; IV, v, 4 ; xiv, 1 ; VIII, i, S, K. Cf. Rcgulx provincialis, 54, Instit., t. ii, p. 82 ; Congreg. V (1594), decr. 6, 50, ibid., 1. 1, p. 545, 555 ; Ratio de 1599. Régulée communes projessorum jacullalum superiorum, n. 6, Pachtler, t. ii, p. 288 ; Instit., t. ii, p. 181, etc. — Mais cette prescription, dans la pensée du législateur, ne vise qu’à assurer l’orthodoxie de l’enseignement et l’union des religieux entre eux. Elle est donc compatible avec la liberté dans la mesure où celle-ci ne nuit pas aux deux buts cherchés. C’est ce qui ressort du catalogue de propositions libres annexé au De delectu opinionum d’Aquaviva, 1613, Pachtler, t. iii, p. 31. — Quant à l’institution des réviseurs, Const. III, i, 18 ; Regulæ revisorum generalium, Instit., t. ii, p. 61 ; Congreg. X, d. 11, ibid., t. i, p. 636, — garantie nécessaire et moralement suffisante contre des écarts de doctrine de la part des écrivains, ce serait manifestement lui attribuer une vertu chimérique, incompatible avec l’aléa humain, que d’y voir le contrôle minutieux et infaillible d’une sorte de crible automatique. Cf. Caussin, Apologie pour les religieux de la Compagnie de Jésus, Paris, 1644, p. 107 ; Pallavicini, Vindicationes societatis Jesu, Rome, 1649, p. 195 ; Daniel, Entreliens de Cléandre et d’Eudoxe, ii, dans Recueil, t. i, p. 329 ; Réponse au livre intitulé Extraits des assertions, t. iii, p. 100-170 ; de Ravignan, De l’existence et de l’Institut des Jésuites, c. m ; J. Brucker, art. Ignace de Loyola, t. vii, col. 730. En revanche elle permet d’apprécier l’importance attachée dans la Compagnie à la sûreté de la doctrine et renseigne ainsi sur un aspect peu connu de l’esprit de la morale des jésuites.

3° Réaction des supérieurs de l’Ordre contre la tendance au bénignisme. — Avant qu’aucun polémiste ait songé à exploiter le thème de la « morale relâchée », le général Aquaviva (1581-1615), dans YInstructio pro superioribus, 1597, fait cette recommandation intéressante à l’adresse des confesseurs : Dent operam ut pestiferas quasdam et nimis laxas opiniones penitus evellanl…, etc. Instit., t. ii, p. 299. A relever également les mesures prises par le même général touchant les thèses du tyrannicide et de la légèreté de matière in sexto. Il y aura lieu d’y revenir à la section suivante. D’autres documents d’Aquaviva et de ses prédécesseurs relatifs à la prudence à apporter dans le choix des opinions, ne visent pas spécialement la morale. Beaucoup plus remarquable, en raison de sa portée précise, est la circulaire de Vitelleschi (1615-1645) du 4 janvier 1617. En voici le passage essentiel : Xonnullorum ex Socielale sententiæ in rébus preesertim ad mores spectantibus plus nimio libérée, non modo periculum est ne ipsam everlant, sed ne etiam Ecclesiee Dei universæ insignia af/erant delrimenta. Omni itaque studio pcrficianl, ut qui docent scribuntve, minime hac régula et norma in delectu sententiarum utantur : * Tucri quis potesi. — Probabilis est. — Authore non caret ; » verum ad eus sententias accédant, quæ lutiores, quiv graviorum majorisque nominis doclorum sufjrugiis sunt /requentatæ, quæ bonis moribus conducunt magis, quæ denique pielatem alcre et prodesse valeant, non vastare, non perdere. » Corpus Institutorum S..L, Anvers, 1702, I. ii, p. 749

Sans insister sur l’Ordonnance de Piccolomini (1649-