les jésuites : i In definiendis quidem circa credenda oceurrentibus difflcultatibus, qua antiquiores fùerint authores, eo majoris ponderis censeri ipsorum placita.. In dirimendis tamen controversiis circa agenda enatis, poliorem ex adverso haberi rationem doctorum recentiorum, quos constiterit cxcelluisse in doeirina, ac diligentes exstitisse in evoluendis et expendendis aliorum sententiis. atque ponderandis de novo emergentibus agendorinn… circumslanliis… [Etenim] poliores parles merilo Iribuuntur recenlioribus, qui præsentiutn lemporum morumque condiliones perspeclas habenl. i Praxis fori pœnitentialis, præf. Cf. Sanchez, In DecaL, 1. I.c.ix, n. Il ; Ceol, De Itierarchia, l.V.c. xvi, p. 714 ; Lallemant, La doctrine spirit p. 166, cité par Brcmond, loc. cit., t. v, p. 51 ; Nouet, Réponses aux Lettres Provinciales, XIXe Imposture ; Daniel, Entretien de Cléandre et d’Eudoxe, m : dans Recueil de divers ouvrages…. t. i, p. 375-381. — Ceci trouve surtout son application dans le domaine des relations sociales, où le flux perpétuel des institutions et des mœurs, en modifiant constamment la donnée des problèmes moraux, oblige par contre-coup les casuistes à un continuel travail de mise au point. Voir les articles du professeur Brants sur les efforts faits par Lessius en ce sens, Revue d’histoire ecclésiastique, 1912, t. xiii, p. 73 sq., 302, 306 sq. Voir également ici même l’art. Commerce, t. iii, col. 397, et, d’un point de vue plus général, J. Hogan, Les études du clergé, trad. Boudinhon, Paris, 2e édit., p. 299-300.
2° Tendance bénigne qui résulte de cette mentalité.
On sait que dans l’histoire de la casuistique les deux
premiers tiers du xviie siècle, si on les compare à un
passé assez lointain ou, par contre, à la période immédiatement
suivante, s’en distinguent par une tendance
à plus de largeur dans l’appréciation morale. Inaperçue
ou mal discernée de beaucoup de contemporains, cette
orientation ne pouvait échapper à des archaïsants de la
nuance de Jansénius et de Saint-Cyran, et, de bonne
heure, elle était imputée aux jésuites sous le nom de « morale relâchée ». Abordant, dans ses V éritez académiques,
Paris, 1643, p. 98, le chapitre de la morale des
jésuites, Godefroy Herniaul y énonçait sans ambages
la thèse qu’avait insinuée déjà Petrus Aurelius, et
qu’allait développer Ârnauld dans la Théologie morale
des jésuites, 1643, en attendant que Pascal l’immortalisât
par ses Provinciales. « Voicy, disait-il, la principale
pierre d’achopement, le piège qui surprend la crédulité
des peuples, le poison sucré qui corrompt les
esprits en les flattant, le charme trompeur qui desguise
les rigueurs de la justice divine, en un mot une des
plus certaines causes de la dépravation de ce dernier
siècle. Car sans faire iniure à la Vérité, il m’est permis
de nommer ainsi la Théologie.Morale des Jésuites, et de
déplorer avec tant de gens de bien toutes les estranges
nouveautéL, qui mettent l’Église en trouble en promettant
le repos aux mauvaises consciences. »
Il y avait Mans celle accusation une double erreur.
— On n’était pas (onde, d’abord, à qualifier la morale de ce temps de poison corrupteur. Ni les jésuites ni aucun autre moraliste n’avaient jamais songé, sinon dans l’imaginât ion passionnée de leurs adversaires, à une entreprise de dépravation, fùt-ec même sous la tonne atténuée présentée avec plus d’esprit que de vérité psychologique dans la Cinquième Provinciale. Cf. Daniel, Entreliens de Cléandre et d’Eudoxe, a, dans Recueil, t. I, p. 326-343 ; et, indépendamment des intentions, à n’examiner que la seule doctrine des casuistes, il était non seulement très exagéré mais inexact, — abstraction faite, du moins, des principes jansénistes, — que cette doctrine i promit le repos aux mauvaises consciences, i En réalité, quand on étudiera’l’une manière objective et complète l’histoire de la morale en cette période, on verra que le
terme de laxisme, aujourd’hui reçu, convient assez mal à la tendance indulgente qu’on désigne par là. Al. Brou, t. i, p. 416. « La société changerait de face, dit justement de Maistre, si chaque homme se soumettait à pratiquer seulement la morale d’Escobar, saus jamais se permettre d’autres fautes que celles qu’il a excusées. » De l’Église gallicane, t. II, c. xi.
La seconde erreur des adversaires des jésuites, c’était de dénoncer ceux-ci comme incarnant à eux seuls le mouvement dont se choquait l’archaïsme, alors qu’ils n’en étaient, de fait, ni les premiers, ni les seuls, ni les plus extrêmes représentants. Qu’ils n’aient pas été les premiers, il sullit, pour s’en convaincre, de lire sous la plume de Lainez, De usura, n. 5, dans Disput. Tridenlinæ, édit. Grisar, t. ii, p. 230, et d llenriqucz, Summa theol. mor., 1591, præf., des plaintes circonstanciées touchant l’excessive facilité de plusieurs confesseurs à absoudre ; de se reporter à titre documentaire, aux attaques de Luther, de Mélanchton, de Chemnitz, contre « les opinions inextricables des Ihéologastres », véritables conscienliarum cauteria, sûrs moyens de « désapprendre le Christ. » Ainsi parle Mélanchton dès 1521 ; cf. Corpus reformatorum, Melanchlonis Opéra, 1834, 1. 1, p. 312. Qu’au xvii° siècle ils n’aient pas été les seuls, la preuve en est, obvie, dans les noms de Jean Sanchez, Diana, Léandre du Saint-Sacrement, Zanardi, Pasqualigo, Th. Hurtado, Vidal, Verricelli, Cassien de Saint-Elie, Caramuel et autres parrains des propositions censurées par Alexandre VII et Innocent XL Enfin, que les plus indulgents d’entre eux se tiennent bien en-deçà de la plupart des auteurs immédiatement cités, c’est l’évidence même pour qui a jeté les yeux sur des apologies telles que l’Opusculum d’Amsedeus Quimenius.
A cet égard, soit dit en passant, prendre comme base comparative les condamnations de l’Index risquerait de mener à des conclusions irréelles. Entre la Théologie morale de Caramuel, qui n’a jamais été condamnée, et le Cursus theologicus d’Amico, qui l’a été pour trois opinions contestables (Reusch, t. ii, p. 315), la hardiesse d’indulgence n’est pourtant que chez le premier. On peut se demander lequel est le plus bénin de Bauny, l’ami du saint cardinal de La Rochefoucauld, condamné par décret du 26 octobre 1640, ou du dominicain Candido, dont les Illustriores disquisitiones, blâmées pour leur largeur par le général de l’Ordre. Quétif et Echard, Scriptores ordinis Prxdicatorum, t. ii, p. 580, ne furent néanmoins l’objet d’aucune censure. A tort ou a raison, les jésuites se sont souvent plaints, depuis Dclrio, f 1608, (cf. Amsedeus Guimenius, Opusculum. Tr. de fuie, prop. 14), jusqu’à Faure, t 1779, (cf. Reusch, 1. 1, p. 178 ; t. n. p. 444, 505), que l’influence prépondérante des frères prêcheurs au Saint-Office et a l’Index contribuât à attirer sur eux la sévérité de ces congrégations, si bien qu’en 1696, plusieurs émettaient le vœu suivant, bien significatif : ut Congregalio [generalis] supplicaret summo Pardi /ici, ne in posterum essel penes Patres Dominicanos urbitrium approbandi vel reprabandi librns noslrorum auctorum. Cf. Astrain, t. vi, p. 355.
Os réserves laites, - et on notera que les historiens tendent de plus en plus à les faire : voir nommément II. Bœhmer, J.cs jésuites, trad. G Monod, Paris, 1910, p. 236, et surtout l’introduction de Monod lui-même, p, xi.iv. il est hors de doute qu’un certain nombre de jésuites ont pai-fois incliné à l’excès vers l’indulgence, et ilonné Ici ou là dans le défaut de la morale bénigne, a laquelle les disposait plus que d’autres la mentalité décrite au paragraphe précédent. Les plaintes répétées des généraux, dont il sera question plus loin, ne permet (eut aucune hésitation à ce sujet, même en taisant la part de l’hyperbole parénétique. Voir Astrain, t. iii, p. I 16 ; Al. Brou, t. r, p. 411. — Baunj,