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JESl [TES. THÉOLOGIE MOKALE. TENDANCES

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dans S. Caroli Bor. Orationes XII, édit, d’Augs boorg, 1 758. p. 5.">), et qui faisait le plus grand cas du Directorium con/cssariorum de Polanco (voir Inslruct. ad confessarios, dans Acla Eccl. Mcdiol., Lyon, 1683, 1. 1, p. i)55), fit de la discussion méthodique des cas de conscience un élément essentiel des conférences ecclé siastiques instituées par lui et adoptées a son exemple par beaucoup d’évêques. I w Conc. prov. de Milan, 1565, p. II, decr. 20 ; Instructioncs congreg. diceces., tit. 17-21. Acta Eccl. Mcdiol., t. i, p. 21 et 513. En 1593 les franciscains introduisaient le même exercice dans leur enseignement. H. Holzapfel, Monnaie historiée 0. F. M.. Fribourg, 1909, p. 503. Enfin les réguliers qui ne l’avaient pas encore.se le voyaient imposer peu après par Cément VIII et Urbain VIII. Voir art. Conférences ecclésiastiques, t. iii, col. 828. Ainsi se préparait, grâce au mouvement imprimé par les jésuites aux études casuistiques, cette floraison inouïe d’ouvrages de morale à laquelle devait assister le xviie siècle. Les protestations mêmes de Saintl’. yran. Pétri Aurelii Opéra, édit. Paris, 1642, t. ii, p. 241-214. et de G. Hermant. Véritez académiques, Paris. 1643. p. 253 sq.. puis d’Arnauld et de Pascal contre les méfaits des casuistes jésuites confirment indirectement la réalité de leur influence. Longtemps après, saint Alphonse de Liguori ne craindrait pas d’écrire : « En fait de morale, je ne cesserai de le répéter, ils ont été et ils sont encore les maîtres. » Lettres, Lille. 1888-1898, Correspondance spéciale, t. i, l. 10 : 30 mars 1756.

IL Objet de l’enseignement moral. — 1° On pourrait être tenté de croire que l’intérêt des jésuistes, dans le domaine de la morale, se borne à la casuistique. Il n’en est rien. L’enseignement théorique est, co, mme il convient, à la base. Dès la philosophie, suivant les programmes d’études les plus anciens, une place importante est iaiteàV Éthique d’Aristote. Consl., IV, xiii, 3, C ; xiv, 3 : Monum. pædag., p. 616 ; Ratio de 1586, Pachtler, t. ii, p. 134 ; Raliole 1599, Regulæ professoris philosophise moralis, ibid., t. ii, p. 344 ; Instit., ].. ii, p. 195, Ratio de 1632, Pachtler, t. H, p. 344. D’autre part, en théologie scolastique, le plan de la Somme, qui, dès l’origine, sert de guide aux professeurs préférablement aux Sentences, amène à traiter à fond les principes rationnels de la morale. Ratio de . Pachtler, t. ii, p. 77-79 ; Ratio de 1599, Régulée professoris scholaslicæ theologiæ, n. 7, ibid., t. ii, p. 302 ; Instit., t. ii, p. 185 ; Ordinatio pro studiis superioribus, du P. Piccolomini (1651), n. S, Instit., t. ii, p. 229-230. Voir aussi Pachtler, t. iv, p. 486, 549.

—’Mais, à côté de ces études théoriques, il y a place, dans un système complet de formation sacerdotale, pour un enseignement pratique, qui, utilisant à titre de principes les conclusions des thèses spéculatives, en fasse l’application aux diverses éventualités de la Vie réelle, et mette ainsi le futur prêtre en état de résoudre par raisonnement ou par analogie les problèmes concrets du for sacramentel. A vrai dire, nulle conscience préoccupée de reconnaître son devoir dans cet enchevêtrement de circonstances qu’est la trame d’une vie morale, ne saurait se dérober à l’exercice spontané ou savant de la casuistique. Voir R. Thamin, Un problème moral dans l’antiquité, Étude sur la casuistique stoïcienne, Paris, 1884 ; Brunetière, Une apologie '/> la casuistique, dans Revue des deux mondes, 1 er janvier 1885, p. 200 ; A. Mobilier, Les Provinciales de Biaise Pascal, Paris, 1891, t. i, p. lvii ; A. de la Barre, L’/ moral-, Paris. 1911, p. 111-120. - Mais combien est plus vrai de qui prétend diriger les autres ! Comme le médecin doit joindre a l’étude des sciences médicales une format ion thérapeutique, el comme le masistrat doit connattre la jurisprudence avec la législation, pareillement faut-il qu’un confesseur ajoute a la

philosophie des mœurs une connaissance approfondie de la casuistique, cette morale appliquée. On l’avait compris dans l’Église depuis bien longtemps. Voir plus haut, col. 1070, et art. Casuistique, t. ii, col. 1870. Aussi l’originalité îles jésuites n’est-clle pas d’avoir inventé la casuistique ; elle est seulement d’en avoir mieux marqué la place dans le cadre classique des disciplines théologiques.

3° Qu’on ne s’attende pas, d’ailleurs, à trouver ces deux objets de la morale, principes et applications, aussi parfaitement distincts chez les auteurs d’autrefois que chez ceux d’aujourd’hui. L’habitude de commenter au cours de théologie scolastique les questions de la Secunda Secundo : consacrées aux vertus morales, obligeait à fusionner dans renseignement spéculation et casuistique : d’où le caractère mixte d’ouvrages tels que le De censuris de Suarez, ou les traités De justilia et jure de Lessius, Lugo, et autres. Peut-être cette circonstance n’a-t-elle pas été sans influer sur l’allure générale prise par la théologie des jésuites, et sur sa préoccupation constante de garder le plus possible le contact avec le donné psychologique et moral.

III..MÉTHODE DE L’ENSEIGNEMENT MORAL.

Dans leur enseignement et dans les manuels qui en sont issus, l’ensemble des casuistes de la Compagnie de Jésus ne procèdent pas autrement que leurs devanciers, si ce n’est que très vite, à l’ordre alphabétique des Sommes antérieures suivies d’abord par eux, (Voir Monum. pædag., p. 99, 869 ; Monum. hist., Polanci complementa, t. ii, p. 582 ; — les Aphorismes de Sa en sont une survivance), ils substituent l’ordre méthodique esquissé par le Ratio (Ratio da 1586, Pachtler, t. ii, p. 119 : Ratio de 1599, Regulx professoris casuum, n.2, ibid., t. ii, p. 324 ; Instit., t.n, p. 192. Cf. Pachtler, t. iii, p. 242-245), et adopté plus tard, à la suite de Busenbaum, par saint Alphonse de Liguori. A cela près, leur méthode n’offre rien de nouveau. Analytique, rationnelle, et, qu’on nous passe le mot, strictement obligationniste, elle s’efforce de répondre aux exigences de la casuistique.

1° Dans l’exposé didactique, c’est, sur chaque matière, l’application de règles générales, brièvement établies, à un certain nombre de cas-types, choisis parmi les plus usuels et les plus représentatifs. Melhodus illa et oplima visa fuit et facillima, ut, in quavis maleria seu dubio, in primis ex communi doctorum sententia respondeatur, quæ responsio ceu régula, quxpiam sil, ex qua deinde, quoties id fieri potest, — aut cerle circa eam — casus aliquol parliculares resolvantur, ut, secundum illos et responsionem diclam, alii similes, cum incidcrinl, resolvi possint. Ces lignes de Busenbaum, Medulla theol. mor., prsef., pourraient être signées de tous ses confrères, car elles ne font que paraphraser les règles du Ratio relatives au cours de théologie morale : Ratio de 1586, Pachtler, t. ii, p. 122 ; Ratio de 1599, Re guise prof essor is casuum., n. 4, t. ii, p. 324 ; Instit., t.n. p. 192. Cf. Maldonat, dans Monum. pœdag., p. S70.

Dans les recueils de cas, où la doctrine se présente sous forme de solutions de problèmes, le rôle de l’analyse est plus important encore. Là il ne s’agit plus d’énoncer des règles générales et de statuer sur des cas-types à peine circonstanciés, mais d’apprécier comme en une sorte de confession fictive des cas individuels, pris pour ainsi dire sur le vif, tels que pourrait les présenter un pénitent en chair et en os. On devine quel minutieux examen requiert une opération aussi délicate, où l’oubli de la inoindre circonstance suffirait à fausser toute la solution ; et l’on comprend, par suite, que la nécessité de préparer ou d’aider le confesseur à de telles dissections morales impose, la casuistique une subtilité en rapport avec les mouvantes combinaisons de l’activité humaine.