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    1. JÉSUITES##


JÉSUITES. VUE D’ENSEMBLE Dl MOUVEMENT DOCTRINAL

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dernier sous le titre d’Enarratio in Siunmam Théologies S. Thomæ Aquinatis. Home. 1809. nous renseignent du moins sur sa méthode et son procédé. Tolet s’attache à la Somme théologique, œuvre de la plus grande valeur

et qu’on ne saurait jamais trop louer, opus quidem utilissimum et nunquam salis laudatum. i 11 étudie, article par article, les questions traitées par saint Thomas, soit en les résumant brièvement, soit en les développant, selon que la matière est plus facile ou plus dillicile. Viennent ensuite, sous le nom de Quæstiones ou Dubia. de courtes dissertations où les opinions émises sur le sujet par les principaux scolastiques sont exposées et discutées : en tin Tolet conclut en faisant les précisions ou les distinctions qui lui semblent nécessaires. Constante est la préoccupation, énoncée dès le début, de bien montrer ce qui est de foi et de s’attacher à la doctrine et aux sentiments des saints Pères ; quæ fidei tenenda surit, semper oslendenles, et quantum nobis fucrit concessum, sanctorum Patrum dicta et plæila proponentes.

Le genre inauguré par Tolet alla en s’accentuant, Les petites dissertations. Dubia ou Quæstiones, devinrent chez Grégoire de Valence, Bellarmin, Suarez, Vasquez et les autres, des Disputationes de large envergure et parfois de belle tenue littéraire. La part faite à l’élément positif, particulièrement à l’élément patristique, est réellement une note caractéristique même chez des théologiens plus proprement scolastiques, comme Suarez. Vasquez, Ruiz de Montoya, Ripalda, etc. C’est plutôt à leur érudition positive qu’à leur profondeur dialectique, que plusieurs de ces théologiens ont dû des appellations singulièrement expressives : « Augustin de l’Espagne » ou « Cyrille des temps nouveaux », données l’une à Vasquez, l’autre à Ripalda. C’est surtout sa vaste connaissance et sa pénétrante critique des opinions soutenues au cours des siècles qui a fait dire de Suarez, qu’en lui « on entend toute l’École ». Qu’une œuvre de ce genre comporte nécessairement, de la part de ceux qui l’entreprennent. quelque liberté d’appréciation, jointe à une certaine propension à prendre ce qu’ils jugent bon là où ils le trouvent, nulle raison de le nier ; mais au-dessus des maîtres secondaires, cités, discutés ou suivis à l’occasion en des détails, plane toujours la grande et exceptionnelle autorité du maître par excellence, celui qui reste pour tous le docteur propre, saint Thomas d’Aquin, dont ils commentent la Somme ou dont ils font du moins la base de leur enseignement. Grégoire de Valence donnant le plan de son ouvrage, Totius operis tlivisio et argumentum, commence par dire : « Quoniam disputationes nostras ad Summam theologicam D. Thomæ accommodare insliluimus… » Il déclare qu’en ce qui concerne la doctrine, il a marché d’ordinaire, comme il le devait, sur les traces de saint Thomas ; car, de l’avis de tous, ce grand maître « l’emporte tellement sur les autres théologiens scolastiques que les hérétiques eux-mêmes, dont il est pourtant l’ennemi capital, sont forcés de reconnaître cette supériorité. » Ce que l’auteur confirme par un témoignage emprunté à Théodore de Bèze.

Dans le prologue de ses leçons de Louvain sur la Trinité, I » q. xxvii, Bellarmin célèbre avec enthousiasme la méthode admirable et facile du grand maître : « Il propose toutes choses dans un si bel ordre, d’une manière si facile et si concise que, si quelqu’un étudie avec soin ces quelques questions de saint Thomas, j’ose aflirmer catégoriquement qu’il ne trouvera, en ce qui touche à la Trinité, rien de dillicile dans les Ecritures, les conciles, ou les Pères, et qu’en s’attachant à l’étude du saint docteur il fera plus de progrès en deux mois que s’il en consacrait un grand nombre à une étude personnelle et directe des Ecritures et des Pères. »

Dans le premier ouvrage qu’il publia, De incarnatione Verbi, Alcala. 1590, Suarez émet cette déclaration de principes : i Un de mes grands soucis a été de D’épargner ni travail, ni application, ni efforts, aliu d’expliquer la doctrine de saint Thomas avec assez d’exactitude et de clarté pour en faciliter l’intelli gence… Et là où le champ libre est laissé aux opinions. j’ai cherché à imiter l’exemple et la sagesse de ce docteur, préférant toujours ce qui me paraissait plus conforme à la piété, à la raison, à la tradition, laissant tout ce qui s’en écartait, t H. de Scorrailles, François Suarez, t.n, p. 455, 474, où le docte biographe relève la préoccupation constante chez Suarez de ramener la théologie « à sa nature trop oubliée de s ience révélée ». Vasquez, de son côté, avertit ses lecteurs qu’il n’aurait jamais osé mettre la main à ses Commentaires, « s’il n’avait eu pour précurseur et pour guide saint Thomas, ce docteur si grave et si profond dont Dieu a daigné nous faire don. »

Il en est de même des autres grands théologiens jésuites, bien qu’on puisse remarquer entre eux une différence accidentelle dans la manière technique de suivre le maître commun. Nous trouvons des Commentarii in Summam, commentaires dus à des professeurs enseignant dans de grandes universités, comme Tolet à Rome, Bellarmin à Louvain, voir t. ii, col. 587, Grégoire de Valence à Dillingen et à Ingolstadt, Molina à Evora, Suarez et Vasquez à Alcala, Salamanque et Coïmbre. Bientôt le souci d’adapter plus spécialement l’exposé de la doctrine théologique aux besoins des temps nouveaux amène d’autres théologiens à s’attacher moins strictement au texte même qu’à la doctrine de la Somme, avec un apport plus considérable de Télément positif. De là des œuvres aux titres variés, comme la Summa theologise scholasticæ, Mayence, 1623, par Martin Becan, VUniversa theologia scholastica, spéculation, praclica, ad methodum S. Thomæ, Ingolstadt, 1626, par Adam Tanner ; les Disputationes theologicse in Summam S. Thomæ, Anvers, 1643-1655, par Rodrigue de Arriaga, professeur à Prague ; les Disputationes in Summam theologicam, Paris, 1633, par Louis Le Mairat (Mseratius) ; la Theologia universa, Bordeaux, 1644, par Jean Martinon ; un Cursus theologicus ju.rta methodum, qua in scholis Soc. Jesu ubique prselegitur annis qualernis, sancti Thomæ ordini respondentem, Vienne, 1630, par François Amico.

Enfin aux cours généraux qui comprenaient l’ensemble de la théologie s’ajoutèrent dès lors des études particulières, restreintes à telle ou telle partie ou à telle ou telle question plus importante : ainsi, pour prendre deux exemples, le traité du portugais Christophe Gil (/Egidius), De sacra doclrina et essenlia atque unitate Dei, Lyon, 1610 ; et celui du lorrain Claude Tiphaine, Declaratio ac defensio scolastica doctrinæ sanctorum Patrum Doclorisqur angelici /le hypostasi et persona ad augustissima sanctissimæ TriniUdis., et stupendæ Incarnationis mijsleria illustranda. Pont-à-Mousson, 1634. Plusieurs des grands théologiens jésuites cultivèrent ce genre : Lessius, De gratia efficaci decretis divinis. libcrlate arbitra et præscientia Dei conditionala, Anvers, 1610 ; De perfeclionibus et nwribus dii’inis, Anvers. 1620, ete ; Jean Martine/, de Ripalda, De ente supernaturali, Bordeaux et Lyon, 1645, ouvrage où, pour la première*fois, toute la question du surnaturel fut systématiquement étudiée. A ce genre île travaux s’applique l’observation faiie. lors de l’enquête de 1613 par les PP. Decker et

ni : Pour choisir les opinions solides, il faut surtout tenir compte des auteurs qui ont publié peu de choses, mais qui ont écrit d’une manière exacte et ex professa sur un sujet spécial, car souvent ces auteurs traitent les questions avec plUS de soin que le-