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    1. JÉSUITES##


JÉSUITES. LA DOCTRINE DE LA CRACK

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â une telle interprétation. Dans son cours de Louain, plusieurs années avant la publication du De concordia, Bellarmin enseigna, connue il le rappelait lui-même en 1587, cju’il ne fallait pas concevoir la grâce efficace comme une détermination de la volonté produite par Dieu, mais comme un appel fait, sous la prescience divine, d’une manière propre à obtenir le consentement de la volonté, vocationem, prout apti pravidebantur ad sequendum qui vocabantur, Le Bachelet. Bellarmin avant son cardinalat, p. 175. Après avoir lu dans les commentaires de Bafiez sur la I™ partie de la Somme, q. xxvii, la doctrine de la grâce efficace par elle-même et de la prédétermination physique, Lessius écrivit au grand controversiste, le 2’. » décembre 1587 : Novit R. V. quod illa opinio sit perniciosa : rogo eryo ut illam lotis viribus impuynet, et suam ex Scripturis ci l’atribus stabiliat. Jbid., p. 1711. Ce que Bellarmin lit dans le dernier volume de ses Controverses, De yratia et libero arbitrio, I. IV, c. mv. De son côté, le 1’. Grégoire de Valence, professeur à Dillingen et a [ngolstadt, avait soutenu la même doctrine, reprise dans ses Commentariilheologici, 1. 1.

Ce dont il faut tenir compte pour comprendre l’entente commune des théologiens jésuites, c’est bien plutôt t’influence exercée sur eux par l’avertissement qu’avait donné leur fondateur dans la 17e règle d’orthodoxie Saint Ignace dit : « Ne nous arrêtons pas et n’insistons pas tellement sur l’cllicacité de la grâce, que nous tassions naître dans les esprits le poison de l’erreur qui nie la liberté. Sans doute il est permis de parler de la foi et de la grâce, autant qu’il est possible de le faire avec le secours divin, pour la plus grande louange de la divine Majesté ; mais il ne faut pas le faire, surtout en des temps si difficiles, de telle manière que Us œuvres et le libre arbitre en reçoivent quelque préjudice ou soient regardés, celui-ci comme un vain mot et celles-là comme inutiles. » L’efïort des théologiens jésuites, visiblement inspiré par une réaction nécessaire contre le calvinisme, alla donc à sauvegarder pleinement le libre arbitre, et c’est L’incompatibilité qui leur sembla exister entre la prédétermination physique et la notion vulgaire du libre arbitre, qui leur lit rejeter la grâce efficace ab intrinseco, inféodée â la prédétermination physique. Ce faisant, ils ne prétendaient pas s’écarter de la doctrine de saint Thomas : car ils trouvaient chez lui des passages multiples qui leur semblaient exclure, quand il s’agit des actes libres, la prédétermination physique ad unum. Si quelques-uns d’entre eux, comme Bellarmin, estimaient que la doctrine de saint Thomas suppose une prémotion physique, ils n’identifiaient pas les idées de prémotion et de prédétermination, mais les oppo saient l’une ; > l’autre.

En fait, les théologiens de la Compagnie de Jésus ^accordaient et s’accordent encore sur ces points : rejel de la prédétermination physique < ; </ unum ; attribution à Dieu d’une connaissance des actes libres tuturibles indépendante de décrets absolus ; réalisation de celle science, dite moyenne, pour expliquer comment la grâce donnée par Dieu peut avoir une connexion objective Infaillible avec la position de L’acte libre prédéfini, formellement ou virtuellement. L’opposition que divers auteurs ont cru trouver, sous ce rapport, entre le molinisme proprement dit et le cor gruisme, suarézien ou bellarmlnien, est fictive : elle repose, comme nous allons le voir, sur une confusion deux questions réellement distinctes, quoique’il’NCS.

2° Aquavtva : enquête de 1612-1613, et décret sur la grâce efficace. Les règles pro delectu opintonum fixées dans la Y" Congrégation générale et in : dans le Ratio studiorum, Laissaient aux professeurs une

Certaine latitude en ce (pu concernait l’obligation de

suivre saint Thomas dans le cas où ce docteur n’aurait pas traité une question, ou ne l’aurait pas traitée ex professa, ou l’aurait traitée d’une façon qui laissât sa pensée indécise. Dans ces conditions, il était moralement impossible qu’il n’y eût plus du tout de divergences ; île fait, il y en eut, qui donnèrent lieu â des attaques ou â des plaintes. Homme d’autorité et d’action. Aquaviva eu était préoccupé ; il rêvait d’une uniformité de doctrine plus rigoureuse et le moyen de l’obtenir lui semblait être dans une adhésion plutôt stricte â la doctrine de saint Thomas Dans une instruction sur la revision des livres, 21 juin 1604, il disait : « Dès qu’on constate qu’une doctrine est opposée â saint Thomas, cela suffit, on ne doit pas la laisser passer ; c’est le décret de la Congrégation compris comme l’entend Sa Sainteté. » Dans diverses lettres relatives à certaines divergences entre Suarez et Vasquez, il manifesta son déplaisir moins pour le fond des choses, semble-t-il. que pour l’obstacle mis â l’uniformité de doctrine telle qu’il l’aurait souhaitée. R. de Scorrailles. François Suarez, t.i. p. 305 sq.

Aquaviva en vint â se demander s’il ne serait pas urgent, pour mieux assurer l’unité, de renforcer les mesures déjà prises. Le 24 mai 1611, il écrivit aux provinciaux une lettre De soliditale et unijormilale doctrina’. Il y rappelait combien ces deux choses, la solidité el l’unité de la doctrine, étaient nécessaires pour le service de la sainte Église, le bon renom de la Compagnie et l’union et charité fraternelles. Il rappelait ce qu’il avait fait personnellement et ce qu’avait fait la Ve Congrégation générale pour obtenir ce résultat, en particulier le décret sur l’obligation de suivre la doctrine de saint Thomas. Il avait espéré que cette mesure serait efficace, mais l’expérience semblait démontrer le contraire. Il se trouvait des professeurs, avait-il appris, qui prétendaient avoir le droit d’avancer une opinion dès lors qu’on no pouvait la taxer d’erreur et qu’ils se sentaient capables de la défendre ; sentiment dont certains réviseurs s’étaient autorisés pour laisser passer indûment beaucoup de choses, < comme si la solidité et l’unité de la doctrine requéraient seulement qu’on pût la venger de toute erreur. » D’autres pensaient qu’il suffit de s’accorder sur la doctrine et les conclusions, tout en permettant dans les preuves utilisées une grande variété, propre d’après eux : i exercer les esprits.

A toutes ces vues, Aquaviva opposait l’obligation de suivre saint Thomas, en ajoutant cette remarque importante : i Autre chose est de s’écarter de ce docleur dans telle ou telle conclusion appuyée sur l’autorité de maîtres anciens et graves, ce qui semble permis par le décret -Il de la V Congrégation générale : autre chose est de faire cela dans des questions importantes et servant de fondement à plusieurs autres. »

En conséquence, Aquaviva demandait aux provinciaux de désigner, chacun dans son ressort, quelques Pères choisis parmi les plus graves et les plus doctes, et de délibérer avec eux sur les moyens plus efficaces qu’on pourrait prendre pour mieux assurer désormais L’unité de doctrine. Ces instructions furent suivies, et les résultats de l’enquête commune parvinrent à Home ; ils forment un gros cahier de près de 210 pages in-i", intitulé : De uniformitate etsolidilate doctrina in societate procuranda, judicio omnium prooinciarum, 1613. Un résumé l’ait par le secrétaire de la Compagnie et comprenant 1 I points, permet de se rendre aisément compte des mesures proposées. Aquaviva examina le

tout, exprima même son approbation ou sa désapprobation par quelques mots mis â la marge, puis publia, le i i décembre 1613, l’ordonnance De observanda Ratione si ml imam deque doctrina S. Thomee sequenda.

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