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JESUITES. LE RATIO STIDIORUM


nouveaux documents, le Ratio de 1591 devait être soumis dans toute la Compagnie à un dernier examen : cela fait, le P. général ferait imprimer et promulguerait l’édition ollicielle et définitive. Ce qui eut lieu cinq ans plus tard : Ralio alque inslitutio sludiorum Societalis Jesu. Superiorum permissu. Neapoli, in Collegio ejusdem Societalis, 1598. C’est donc là qu’il faut chercher les vrais principes de l’ordre sur l’enseignement des sciences sacrées. Nous nous bornerons aux considérations propres à mettre ces principes en relief, pour ce qui concerne l’orientation générale de l’enseignement et l’adoption de saint Thomas comme docteur propre. ( n renvoyant pour le reste à ceux qui ont résumé le Ralio sludiorum d’une façon plus complète, par exemple H. Fouqueray, Histoire de la Compagnie de Jésus en France. Paris, 1913, t. ii, p. 701 sq.

Orientation générale de l’enseignement.

Pour

savoir ce que comprend, en principe, l’enseignement théologique et philosophique dans la Compagnie de Jésus, il suffit de jeter un coup d’œil sur les titres des règles particulières des professeurs, car elles sont distinguées et dénommées d’après la diversité des chaires ou, ce qui revient au même, des matières enseignées. Multiples sont ces matières : en théologie, l’Écriture sainte, l’hébreu, la théologie scolastique, l’histoire ecclésiastique, le droit canonique, la morale ou cas de conscience ; en philosophie, la logique, la métaphysique, la morale, la physique et les mathématiques.

1. Les professeurs de ces diverses sciences doivent se considérer non comme indépendants les uns des autres, mais au contraire, comme tendant de conserve à un même but : la formation complète des étudiants comme hommes et comme chrétiens. C’est en fonction de la solidité de doctrine requise pour l’obtention de ce but commun, qu’ont été rédigées la deuxième et la troisième des Regulæ pro deleclu opinionum in theologia. — 2. Que dans l’enseignement on ait d’abord soin de corroborer la foi et de nourrir la piété. En conséquence, dans les questions que saint Thomas n’a point traitées ex professo, il ne faut rien avancer qui ne soit en parfait accord avec le sentiment de l’Église et les traditions reçues. Il ne faut pas réfuter les raisons, même de simple convenance, dont on se sert communément pour établir les vérités de la foi, ni en proposer de nouvelles à la légère, mais seulement en s’appuyant sur des fondements solides. — 3. Même quand il n’y a pas danger pour la foi et la piété, personne ne doit, clans les choses de quelque importance, introduire dos questions nouvelles ni une opinion quelconque qui ne serait pas d’un auteur compétent, idonei auctoris, sans avoir préalablement consulté les supérieurs, ni rien affirmer contre les idées reçues par les théologiens ou contre le sentiment commun des écoles ; mais que tous suivent les docteurs les plus autorisés et les doctrines qui seront, de leur temps, les plus communément admises dans les universités catholiques. »

Ces règles concernent directement ceux qui font partie de la faculté théologique, et la dernière est reprise dans les règles communes aux professeurs des facultés supérieures, n. C. D’ailleurs la préoccupation d’harmoniser l’enseignement par l’orientation de Imites les parties vers le but commun réapparaît souvent dans les règles particulières. Recommandation est faite aux professeurs d’Écriture sainte d’exposer, d’une manière non moins pieuse que savant et grave, le sens propre et littéral des lettres sacrées. pour confirmer ainsi la vraie foi en Dieu et les fondements des bonnes mœurs (règle 2) ; de marcher respec tucu.sement sur les traces des saints Pères (règle 7) ; de ne pas nier la valeur d’une preuve scripturaire qui aurait pour elle l’assentiment de la plupart des Pères el dis théologiens (règle 8), etc. On demande au pin fesseur d’histoire ecclésiastique de faire son cours de manière à faciliter à ses élèves l’élude de la théologie el à imprimer vivement dans leurs esprits les vérités ou dogmes de la foi (règle 1). Aux professeurs de philosophie, on rappelle d’abord que cette science est une préparation a la théologie et autres disciplines, qu’elle contribue non seulement à les faire connaître parfaitement, mais à s’en servir, et que par elle-même elle aide à la culture de l’intelligence et au perfectionnement de la volonté. Les professeurs devront donc traiter cette matière de telle sorte qu’ils préparent réellement leurs disciples aux autres sciences, principalement à la théologie, qu’ils les munissent des armes de la vérité contre les errements des novateurs, et surtout qu’ils développent en eux l’amour de leur Créateur (règle 1). En outre, dans les Regulse pro deleclu opinionum pro philosophis (règle 4), plusieurs des prescriptions énoncées d’abord pour l’enseignement théologique, notamment les deux citées plus haut, sont reprises et adaptées à l’enseignement philosophique.

En somme, d’après le Ratio sludiorum traduisant en règles la pensée de saint Ignace, les diverses sciences enseignées en théologie et en philosophie forment un tout moral, dont les parties ont le caractère de moyens distincts, mais hiérarchisés en vue d’un but commun. Dans cet ensemble, une prépondérance marquée revient à la théologie dogmatique, d’après le temps qui lui est consacré : quatre années d’études comportant, chaque semaine, quatre ou cinq heures de classes, matin et soir, sans compter les exercices communs, comme répétitions ou disputes scolastiques.

2° L’adoption de saint Thomas d’Aquin comme docteur propre. — Le fondateur de la Compagnie de Jésus avait statué qu’en théologie scolastique on expliquerait la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin. Il voulait par ce choix, veiller à la sûreté et à l’unité de doctrine. Mais il n’avait énoncé l’obligation de suivre le docteur angélique que d’une façon générale et après avoir posé comme règle première qu’en toute faculté il fallait suivre la doctrine la plus sûre et la plus communément reçue, securiorem et magis approbatam doclrinam. » Il n’avait intimé l’uniformité que sous ce tempérament : dans la mesure du possible, quantum fieri poterit. Des interprétations diverses pouvaient se produire et se produisirent en réalité. A l’époque où le P. Aquaviva lit commencer les travaux en vue du Ratio sludiorum trois attitudes se manifestaient nettement. Un certain nombre tendaient à une uniformité rigoureuse et proposaient, dans ce but, l’acceptation pure et simple de la doctrine de saint Thomas, à l’exception d’un ou deux points. Cette attitude avait des représentants en Espagne, au témoignage du P. Aquaviva. dans une lettre adressée au P. Salmcron, le 29 septembre 1582. C’est l’opinion supposée et combattue par Bellarmin dans la pièce intitulée : De sententia cujusdam qui sanctum Thomam nno solo tirliculo exempto sequendum censuil, pièce que j’ai publiée dans Bellarmin avant son cardinalat, Paris, 1911, p. 525. L’anonyme réfuté ici paraît être le P. Alonso Deza qui, dans la IV 8 Congrégation générale, avait fait partie de la commission nommée <td confleiendam /ormulam sludiorum. Voir R. de Scorraille, Français Suarcz, Paris, 1912, p. 212, 223.

Une attitude tout opposée existait. Certains concluaient, des paroles de saint Ignace, à la nécessité d’expliquer eu classe le lexte de la Somme théologique, mais niaient qu’il y eût par le fait même obligation de suivre la doetrine. Ils réclama eut le droit de contrôler les assertions et de les admettre ou de les rejeter « toutes les fois qu’ils verraient a rencontre une raison solide ou cles auteurs respectables. » A. Astrain, Ilisluria, I. iv. ]). 30. Peut-être les mêmes demandaient-ils, comme il est dit dans le Commentariolus du Ratio de 1581), qu’on se contentât de quelques règles gêné-