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1015 JÉSUITES. LES PREMIÈRES DIRECTIVES THÉOLOGIQLES

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Aussi, longtemps avant de rédiger les Constitutions, saint Ignace avait compris la nécessite, non pas d’abandonner la théologie scolastique, mais de la renforcer par un emploi meilleur et plus considérable de l’élément positif. Dans la onzième règle d’orthodoxie, ad sentiendum cum Ecclesia, il avait recommandé de louer la théologie positive et scolastique ; car, comme c’est surtout le propre des docteurs positifs, tels que saint Jérôme, saint Augustin, saint Grégoire et autres semblables, d’exciter l’alTection en vue de nous faire aimer et servir de tout notre pouvoir Dieu, Notrc-Seigneur, ainsi l’ollice principal des scolastiques, comme saint Bonaventure, saint Thomas, le.Maître des Sentences, etc., est de définir et de déclarer, conformément au besoin des temps modernes, les choses nécessaires au salut éternel et de mieux combattre et mieux dévoiler toutes les erreurs et les faux raisonnements des ennemis de l’Église. En effet, plus récents que les autres, ils ne se servent pas seulement avec avantage de l’intelligence plus exacte des saintes Écritures et des écrits des saints docteurs positifs, mais, éclairés et enseignés eux-mêmes par le secours divin, ils s’aident en outre des conciles, des canons et des constitutions de notre sainte mère l’Église. »

Le désir de trouver dans la théologie une arme défensive contre les erreurs nouvelles explique encore une autre préoccupation du fondateur de la Compagnie de Jésus. Pendant les années qu’il avait passées à Paris, comme étudiant de philosophie et de théologie, il s’était rendu compte, par expérience personnelle, des avantages que présentait, pour une formation solide et complète, l’usage de certains exercices littéraires qui se pratiquaient dans l’Université, notamment les répétitions et les disputes scolastiques. Il les prescrivit dans les Constitutions, et ce que nous savons du régime suivi dans les collèges fondés de son vivant montre que la pratique répondit à la théorie. Ces exercices apparaissent dans la Prima studiorum constitutio, du collège de Padoue, fin 1545 ou début 1546. Epislolæ mixtæ, t. i, p. 587-593. De Messine, Nadal écrit en décembre 1551, qu’on y suit l’usage de Paris : Si serva il modo di Parigi, et dans son Chronicon, 1. 1, p. 372, Polanco parle également des exercilationes more parisiensi. Tout cela tendait, dans la pensée du fondateur, à faire approfondir la doctrine reçue en classe et à la rendre personnelle par l’assimilation ; chose à laquelle le saint attachait une grande importance. Polanco est son interprète quand, dans un écrit où les mêmes exercices sont recommandés, il insiste en premier lieu sur la nécessite d’étudier les matières à fond, /undalamente : « Mieux vaut bien savoir une science que de toucher à beaucoup en sachant peu de chacune. » Rcgulæ Collegiorum Soc. Jesu, dans Monumenla pirdagogica, p. 55.

Attentif à suivre les adversaires sur tous les terrains et à ne rien négliger de ce qui pouvait contrebalancer leur influence dans les milieux lettrés, saint Ignace demandait même n ses lils de soigner leur style, d’avoir un bon latin, » de i se perfectionner dans la langue latine, » comme on le voit par les recommandations qu’il lit en 1556 aux professeurs de théologie envoyés a Ingolstadt. Carias de san Ignacio de Loyola, i. vi, p. 463, 505.

II. l.’l.NMJCMi.Mi I THÉOLOQIQUE DANS LA COM-PAGNIE DE JâsUS AVANT LA REDACTION DU RATIO

STVDionuit. — Un quart de siècle’s’écoula entre l’année 1556, OÙ mourut saint Ignace, et l’époque OÙ (’.lande Aquaviva, cinquième général de l’ordre, lit mettre la main an Ratio studiorum, destiné à devenir le code officiel de l’enseignement dans la Compagnie

de Jésus. De nombreux documents » iit été publiés

sous le litre de Monumenla peedagogica ou dans le premier volume du Ratio studiorum, du P. Pachtler.

Bien qu’ils n’aient jamais eu de caractère absolu ou définitif, ni même, pour la plupart, de caractère officiel .ils n’en sont pas moins importants et intéressants : importants, parce qu’ils préparèrent l’avenir ; intéressants, parce qu’ils nous font connaître le mouvement des idées à l’époqbe où ils furent composés. Nous y voyons renseignement des sciences sacrées s’organiser peu à peu dans les universités et les collèges de la Compagnie de Jésus d’après les principes posés par le fondateur.

Particulièrement instructifs sont divers écrits du P. Jacques de Ledesma qui vécut au Collège romain de 1559 a 1570, comme professeur de théologie et préfet des études. Dans l’un de ces écrits, il indique de quelle manière les professeurs doivent suivre saint Thomas : « Qu’ils expliquent d’abord ce que le saint docteur enseigne, sans changer l’ordre des questions, qu’ils exposent d’une façon rigoureuse et expresse ses arguments et ses conclusions avec leurs fondements ; qu’ils exposent ensuite de la même manière ce qu’il y a de plus important dans le commentaire de Cajétan ; enfin qu’ils ajoutent ce qu’il leur semblera bon d’ajouter. » Circa studio et mores Collegii romani, dans Monumenla pœdagogica, p. 149. Mêmes prescriptions dans un autre écrit, avec cette seule différence que les professeurs sont invités à ne pas se borner au commentaire de Cajétan, mais à se servir aussi d’autres auteurs, tels que Capréolus, Scot, Durand, Gabriel Biel, etc. De sacrx theologix studiis, ibid., p. ">18. On trouve une application de cette méthode dans VEnarratio in Summam theologicam sancti Thomæ, de François Tolet, qui fut professeur au Collège romain de 1562 à 1568.

Les maîtres chargés d’exposer à leurs disciples la doctrine de saint Thomas, étaient-ils tenus d’y conformer la leur, en acceptant les conclusions du grand docteur ? Oui, généralement parlant. Cette obligation est souvent énoncée ou rappelée. Ledesma dit dans l’écrit Circa sludia, Mon. psed., p. 149, 159 : « qu’ils n’introduisent pas, surtout en matière grave, des opinions nouvelles, sans le conseil et l’agrément du supérieur, mais qu’ils suivent ordinairement l’opinion commune ou celle de saint Thomas. » Et ailleurs d’une façon plus péremptoire : « Louer saint Thomas et sa doctrine. Il faut suivre toujours l’opinion de saint Thomas ou l’opinion commune. » Ad docendum régula, loc. cit., p. 570-571. La disjonctive exprimée dans ce dernier texte, trouve son application dans une autre règle, où il est également question du docteur angélique : Même dans le cas où il faudrait abandonner son opinion (ce qui ne doit arriver que très rarement, et seulement quand l’opinion commune des docteurs est contraire ù la sienne), il faudrait encore excuser ou interpréter saint Thomas, ou, si la chose est possible, concilier à l’aide d’une distinction sa doctrine avec celle des autres, en sorte que l’autorité même du saint docteur soit toujours sauvegardée. » Ibid., p. 570.

Tous les professeurs furent-ils (idèles à cette direction.’On est tenté d’en douter, quand on considère les plaintes portées souvent contre la trop grande liberté des opinions et l’insistance avec laquelle on revient sur la nécessité de s’en tenir aux opinions communes et de respecter l’autorité de saint Thomas et même celle des théologiens scolastiques en général. Des remarques significatives apparaissent dans une pièce datant, semble t-il de l’année 1563, où sont rapportés les avis îles professeurs du Collège romain sur la manière d’enseigner : i En traitant une question, lait observer Tolet, qu’on propose toujours, soit qu’on la Buive, soii qu’on ne la suive pas, l’opinion commune, afin que les étudiants la connaissent. » Ledesma ajoute : « Qu’on ne désaffectionne pas ses disciples de la doctrine de saint Thoinas’ou des^théologiens ; qu’au con