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JEROME DE PRAG1 I

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1412. Jean Hus frappe d’excommunication pontificale

avait dû quitter Prague, ou n’y séjourner qu’incognito.

Jérôme, non moins suspect, avait dû s’éloigner. On le trouve en 1413 à Cracovie à la cour du grand-duc Witold. qu’il accompagne dans une de ses expéditions en Russie et en I.ithuanie. Jérôme au cours de c>- voyage en pays schismatiques se fait remarquer par les avances qu’il prodigue aux hétérodoxes, dont il aurait affecté de vénérer les rites plus que ceux de l’Église catholique. Toutes ces démarches de Jérôme ne passaient pas inaperçues. A Vienne, un professeur de l’université. Jean Sybart disait ouvertement que le maître es arts de Prague était allé à Cracovie pour recruter des adhérents à son hérésie. Lettre de Jean Hus, du 1° juillet 1413, dans Palackv. Documenta, p. 63.

II. Jérôme au concile de Constance.

Cependant l’état d’anarchie dans lequel depuis quarante ans se débattait l’Église, état qui avait tout contribué au progrès des idées hétérodoxes, semblait devoir prendre fin. Le concile convoqué à Constance pour le 1 er novembre 1414 allait bientôt s’imposer à tous comme la seule autorité capable de faire prévaloir ses décisions. On s’explique comment les deux réformateurs tchèques se sentirent contraints, l’un après l’autre, de venir à Constance où les attendait le même tragique destin. Chose étrange, l’un et l’autre y sont venus de leur plein gré, poussés néanmoins par une invincible attraction vers cette ville où se concentrait pour un moment toute l’autorité de l’Église. L’un et l’autre y sont venus pour les mêmes raisons plus ou moins obscurément perçues : Soucieux de cette idée de réforme ecclésiastique, qui hante toute la chrétienté, ils ont le besoin de la dégager des concepts hétérodoxes où ils l’ont eux-mêmes compromise ; ils veulent justifier la jeune nation tchèque du reproche d’hérésie qui déjà est accolé à son nom ; voilà pour la défensive. Pensent-ils prendre l’offensive ; espèrent-ils gagner à leurs vues réformatrices la haute assemblée où tant de bons esprits pensent comme eux pour l’essentiel ? Il n’est pas interdit de le supposer. C’est en apôtres de la réforme, qu’ils quittent la Bohême. Mais à peine ont-ils franchi la frontière, qu’ils se sentent des accusés, presque des condamnés. Hus est parti le premier le Il septembre 1414 ; Jérôme au moment du départ, lui a promis d’aller le rejoindre, s’il est besoin, pour l’épauler et le défendre. Or dès le mois de décembre 1414, Hus, prisonnier malgré le sauf-conduit impérial, sent que la partie est perdue, que tout conspire ici contre l’idée de la réforme à la mode tchèque. Il mande à ses amis de Prague que nul ne vienne le rejoindre. Palackv, Documenta, lettre 50, p. 89-90.

Pareille recommandation n’était pas faite pour arrêter Jérôme. An carême de 1415, il se met en route pour Constance, nourrissant peut-être les mêmes illusions qui avaient décidé son ami à se rendre au concile. Comme lui il part sans sauf-conduit, espérant que rien ne lui sera plus facile que de faire respecter les droits de la défense. Il n’est pas arrivé a Constance qu’il sent tomber toutes ses illusions. Arrivé incognito le 4 avril, il est sans cloute instruit par les nobles bohémiens de la vraie tournure que prend le procès de Jean Hus. Aussitôt il quitte la ville, se rend à rlingen et adresse au concile une demande de sauf-conduit. En même temps, il fait placarder dans Constance un avis, ou il se déclare prêt, lui Jérôme de Prague, niait nes-art s de Paris, Heidelberg, Colc et Prague, a rendre raison de ses enseignements et doctrines, ajoutant d’ailleurs qu’il ne refuse pas. s’il est trouvé en quelques erreur ou hérésie, à en subir publiquement la peine, prout erronrum teu hæreticum itecet. Ne voyant pas venir le sauf-conduit, Jérôme

commence à concevoir des craintes..Muni d’une lettre que lui ont remise les nobles tchèques, et qui doit

lui servir pour justifier son retour à Prague, il reprend, toujours incognito, le chemin de la Bohême. La véhémence de quelques propos qu’il tient le fait reconnaître et arrêter à Hirschau. Il est de bonne prise, car justement quelques jours plus tard, sans doute le 17 avril, le concile a répondu à sa demande de sauf-conduit par une citation en règle. Jérôme est sommé de se présenter devant l’assemblée pour répondre aux accusations qui pourraient être portées contre lui, en matière de foi : ad quod a violéntia qustilia semper salvat onuuni tibi salvum conduclum noslrum ofîerimus. Cette dernière phrase prétendait mettre Jérôme à l’abri de toute violence illégale, mais non lui assurer l’impunité au cas où il serait reconnu coupable. Le 1 er mai la citation est renouvelée ; le lendemain, à la viie session générale, le promoteur maître Piro de Cologne requiert du concile que Jérôme soit déclaré contumace, et obtient de poursuivre le procès contre lui. La procédure par contumace serait d’ailleurs évitée. Ballotté de geôle en geôle, au hasard des juridictions féodales qu’il traversait, Jérôme arrivait à Constance le 25 mars, menottes aux mains, une chaîne de fer à la ceinture. C’était dans un équipage presque aussi piteux que la veille le papp Jean vCXIII, prisonnier du concile, avait fait son entrée dans Constance, pour s’entendre déposer le 29 mai.

Un premier interrogatoire sommaire eut lieu à l’arrivée de Jérôme de Prague. Gerson, chancelier de l’université de Paris, un maître de Cologne, un autre de Heidelberg lui posèrent quelques questions sur les thèses philosophiques relatives au problème des Universaux qu’il avait soutenues dans ces diverses écoles. Mais là n’était point le vif du débat. D’ailleurs le concile avait pour le moment d’autres soucis : le 29 mai on terminait le procès de Jean XXIII, pour aborder aussitôt celui de Jean Hus. Enfermé dans la tour du cimetière Saint-Paul, soumis à la plus rude captivité, Jérôme devra attendre l’issue de l’action menée contre son ami. Il ne semble pas qu’il ait pu communiquer directement avec lui. A la veille de son supplice, qui eut lieu le 6 juillet, Jean écrit à ses amis de Bohême qu’il n’a aucune nouvelle de Jérôme : il sait seulement qu’il est dans une dure prison, que comme lui-même il attend la mort, lettre lxxi, Palacky, p. 117 ; Jean espère que Jérôme subira la mort avec plus de courage encore que lui-même. Lettre lxxxvi, ibid., p. 140.

Le supplice de Jean Hus avait exaspéré au plus haut point l’agitation de la Bohême. Le schisme se déclarait ouvertement à Prague. Une nouvelle exécution risquait de compromettre définitivement la cause de l’unité. C’est la raison sans doute pour laquelle le promoteur du concile mit tout en œuvre pour obtenir de Jérôme une abjuration que le sauverait du supplice, un désaveu des doctrines professées par Jean Hus, une approbation de la sentence portée contre celui-ci. Énergiquement travaillé par le cardinal de Florence, maté par une dure captivité qui eut bientôt raison de sa robuste constitution, Jérôme se décida à faire ce que l’on al tendait de lui. Dans une congrégation publique tenue le Il septembre l H5, il lut une formule de rétractation écrite tout entière de sa main. .Mais on voulait donner a cet acte plus de solennité en la faisant réitérer dans la xre session générale qui se tint le 23 septembre. Jérôme dut y relire le texte fourni précédemment par lui. Il y anathématisait toute hérésie et spécialement celle dont il était suspect, et qui él ait l’hén s’n-de Jean V ici I et de Jean I lus ; il acceptait l’autorité de l’Église et celle du concile spécialement en ce qui concerne le pouvoir des clefs,