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JEROME DE PHAGl 1.

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ce maître, qui faisait un si vif contraste avec le sec nominalisine alors en vogue dans toutes les universités du continent.

C’est incontestablement la doctrine philosophique de Wiclef qui attira tout d’abord à Oxford Jérôme de Prague. Mais il y prit goût bien davantage encore

mx enseignements théologiques de ce docteur. Malgré

les condamnations qui depuis 1382 avaient frappé nombre de thèses wiclefistes et les livres qui les contenaient, il était possible encore de se procurer à Oxford les deux ouvrages les plus significatifs du novateur, le Dialogus et le Trialogus. C’est par eux que Jérôme s’initia aux revendications de Wiclef, à ses acerbes critiques contre les perversions ecclésiastiques de l’époque. Remarqua-t-il que plusieurs des thèses soutenues, notamment celles qui étaient relatives aux sacrements, et en particulier à l’eucharistie et à l’ordre allaient à rencontre des doctrines traditionnelles ? Ce n’est pas certain ; Jérôme ne dut voir dans Wiclef que l’ardent apôtre de cette réforme de l’Église, dont tout alors proclamait l’impérieuse nécessité, que les meilleurs esprits de l’époque réclamaient à grands cris. Quand, en 1 102, Jérôme rentra à Prague, il y rapportait le Dialogus et le Trialogus. Le moment était favorable à la propagation de tels écrits. Le même vent de révolution qui venait de passer sur l’Angleterre commençait à souiller à Prague. Depuis mars 1-102 Jean Hus, prédicateur à la chapelle de Bethléem, inaugurait son rôle de réformateur. On ne pouvait trouver terrain mieux préparé pour le développement des idées théologiques de Wiclef. Autour des thèses venues d’Oxford les diseussions allèrent bientôt s’exacerbant.

Il ne semble pas que Jérôme ait pris une part considérable à ces débats qui remplirent l’année 1403 ; quand, lors de son procès, on l’accusera d’avoir soutenu à cette époque des thèses wiclefistes, il répondra qu’il était pour lors à Jérusalem. Nous n’avons aucune raison de rejeter cet alibi. Grand voyageur, Jérôme se retrouve à Pal is en 1404, à Heidelberg et à Cologne en 1406 ; dans chacune de ces universités il se lait recevoir maître es arts. Dans chacune aussi il s’attire d’assez graves difficultés, il semble d’ailleurs quecellesci lui vinrent plutôt des thèses philosophiques qu’il soutenait, que d’enseignements hétérodoxes qu’il aurait répandus. L’est toujours le réalisme exagéré que l’on attaque en lui. Jérôme se plaît à afficher, aux diverses écoles, les thèses les plus outrées du réalisme vicie liste, et les présente un peu trop facilement comme liées à la doctrine théologique. Il sera question, par la suite d’un certain « bouclier de la foi », scutum fidei, qu’il a Imaginé et qu’il colporte dans le monde des éludes. L’est un grand tableau où les relations entre l’essence commune d’une part et d’autre part les individus divers en lesquels elle se spécifie sont assimilées aux rapports qui s’établissent entre l’essence divine et les trois personnes de la sainte Trinité. Voir une reconstitution de ce tableau dans Fontes rerum austriacarum, I. vii, i). 20.

En 1407, Jérôme est rentré à Prague, où il est reçu au nombre des maîtres ès-arts, Resté laïque, il ne prendra jamais les grades en théologie ; mais celle circonstance ne l’empêche pas de se jeter avec toute sa fougue dans les questions religieuses. C’est le tno

ment OÙ les discussions autour des thèses proprement

wiclefistes al teignent leur paroxj sme ; c’est le moment aussi oii les idées de réforme religieuse trouvent dans la réaction nationaliste tchèque un allié inattendu. Jean i lus, -i Jérôme de Prague sont les grands artisans du mouvement qui. en 1409, balaye de l’université les Allemands qui Jusque-là y parlaient en maîtres. Entièrement sa Isée, l’université nouvelle s’ouvre de plus en plus largement aux influences wiclefistes.

Dans les luttes ardentes qui suivent la publication de la bulle d’Alexandre V, le nouvel élu du concile de Pise, contre les erreurs de Wiclef, Jérôme se fait remarquer par sa brillante éloquence, sa fougue extraordinaire. Plus encore que Jean Ilus, il est le chef de la jeunesse universitaire, qui prend violemment parti contre les représentants officiels de l’Église. Prague est bientôt un théâtre trop étroit pour son zèle de réformateur. Il s’agit de gagner au wiclefisme les pays voisins de la Bohème, Hongrie, Croatie, Autriche, Pologne. Peutêtre, avant d’entreprendre cette tournée de propagande, Jérôme est-il allé se retremper à Oxford aux sources pures de l’esprit réformateur. Il semble en effet qu’il faille rapporter à cette époque (1409-1 110) une lettre de l’université de Prague adressée à l’université d’Oxford, pour intercéder en faveur de maître Jérôme que des propos suspects ont fait incarcérer. Palacky, Documenta, p. 330. Quoi qu’il en soit d’ailleurs on trouve Jérôme à Bude le jeudi saint 1410, discourant devant le roi Sigismond contre les vices du clergé et prêchant la réforme de l’Église. Sur plainte de l’archevêque de Prague, il est arrêté, et mis en prison par l’évêque de Grau. Il trouve moyen de se faire mettre en liberté ; en août il est a Vienne, peut-être api es être repassé à Prague, où il pourrait bien avoir assisté aux joutes théologiques relatives aux propositions de Wiclef qui remplissent la fin de juillet 1410. A Vienne les choses se gâtent sérieusement. Les propos de Jérôme avaient peut-être revêtu une véhémence particulière ; l’ofiicial de l’évêque de Passau ( il n’y a pas encore de siège épiscopal à Vienne) cite Jérôme à comparaître devant une députation de l’université de Vienne. On lui reproche d’avoir enseigné quelques-unes des quarante-cinq thèses wiclefistes, et on lui objecte son attitude des années précédentes à Cologne et à Heidelberg. Pour demeurer en liberté Jérôme jure sur les évangiles de ne pas quitter la ville avant d’avoir donné toute satisfaction sur sa doctrine ; mais il manque à sa parole et s’échappe de Vienne, sous prétexte que toute la procédure a été menée contrairement au droit. Jugé par contumace, il est déclaré véhémentement suspect d’hérésie, cette sentence est affichée aux portes de l’église Saint -Etienne de Vienne, à Cracovie et à Prague. Sur le procès de Vienne, voir Ladislas Klicman, Processus judiciarius contra Jeront/mum de l’raga habitua Vienn « , anno 1410-1412, dans Historisches Archiuder tschechischen Akademie, n. 12, Prague, 1898.

De Vienne Jérôme s’était enfui en Moravie. On le rencontre de nouveau à Prague en 1412, aux côtés de Jean I lus. Les querelles religieuses, un instant assoupies à la fin de 14Il par l’appel de Jean 1 lus au Saint-Siège, reprenaient de plus belle autour de la question des indulgences. Avec une violence dont 1 lus lui-même s’étonne, Jérôme attaque la bulle de Jean XXIII, prêchant la croisade contre Ladislas de Naples, le soutien de Grégoire XII, et accordant l’indulgence plé nière à ceux qui y prendraient part. Au concile de Constance on accusera Jérôme d’avoir été l’organisa leur de la procession burlesque où la bulle pont ilicale fut promenée dans les rues de Prague, suspendue au cou d’une fille de joie, pour être ensuite solennelle ment brûlée. Jérôme déclara, il est vrai, qu’il n’était pour rien dans cette parodie dont il semble que le metteur en œuvre fut Woksa de Walstein, un îles favoris du roi Wenceslas. Il n’eu reste pas moins que Jérôme, en ces conjonctures, s’appliqua à attiser l’indignation populaire. Ce fut lui en effet qui, après l’exécution judiciaire de trois jeunes e, . n s qui avaient

troublé la prédication de l’indulgence, fil aux « premiers martyrs » des funérailles triomphales, il juillet 1412,

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