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JÉRÔME (SAINT). LA TRADITION


à 940, nous a laissé des Annales, où nous lisons que saint Marc établit Ananius évêque d’Alexandrie et qu’il institua en même temps douze prêtres. A la mort d’Ananias, les prêtres avaient pour consigne de lui choisir parmi eux un remplaçant et d’imposer les mains à l’élu pour la consécration épiscopale. Après quoi il leur faudrait s’adjoindre un sujet nouveau, pour compléter leur collège, qui devait toujours compter douze membres. Cette règle fut en vigueur jusqu’au temps de l’évêque Alexandre, qui la supprima, ordonnant que ses successeurs fussent institués par les évêques de la province, P. G., t. exi, col. 982 ; voir aussi Gore, The ministn/ of the Christian Church, Londres, 1889, p. 358. Mais, au sentiment de tous les critiques, l’autorité d’Eutychius est mince, soit à cause de l’époque tardive où il a vécu, soit parce qu’il ne cite pas sa source, soit, comme l’a déjà constaté Charles Gore, loc. cit., parce qu’ « il est d’une ignorance étonnante » et contredit sur plusieurs points le témoignage de Sévère, assurément mieux informé. On aura remarqué comment une de ses affirmations contredit aussi le système de Mgr Batiffol, en tant qu’elle nous présente les prêtres comme les consécrateurs de l’évêque.

On a fait état d’un passage signalé par Dom Butler dans les Apophtegmala Patrum, P. G., t. lxv, col. 341. et qui, selon lui, peut difficilement être postérieur au iv c siècle. Des hérétiques sont venus trouver l’archimandrite Poemen, et ils se mettent à censurer et à calomnier l’évêque d’Alexandrie, l’accusant d’avoir été consacré par des prêtres. L’abbé, sans répondre à leurs allégations, ordonne de servir à manger à ces visiteurs étrangers et de les congédier ensuite en paix. On ne peut raisonnablement rien conclure du silence de Poemen, sinon qu’il considérait l’accusation comme entièrement dénuée de fondement. Quant au grief même, s’il signifie quelque chose dans la bouche des accusateurs, c’est avant tout qu’une telle consécration est chose inadmissible. Vouloir y découvrir une allusion à l’ancien régime alexandrin me paraît une supposition passablement fantaisiste, et Mgr Batiffol avoue qu’il n’ose s’y rallier.

Mais il se flatte, en revanche, de tirer quelque chose d’une phrase où sain ! Épiphane rapporte qu’à Alexandrie la coutume, à la mort de l’évêque, était de lui donner un successeur sur-le-champ, pour couper court aux agitations populaires qui auraient pu se produire : "EOoc : èv A>e ; 7v8 : eta ai, ypovueiv (xerà tï> eut/v è-iir-y. à~’, 'j toÙç xa6toTau.évouç, àXX’aua ytveaGyi, elpifjvr]Ç é-j£/y., TOÛ ; ’./ -yporrci.pàç yévSfjOylSM-r’ilcJ.y.’Âç. Ilirres., i xix, 11, P. (].. t. xi.ii. col. 220. Il suivrait de là, semble-t-il. qu’on n’attendait pas, comme dans les autres cités, un moment favorable à la réunion des évêques de la province, mais que le clergé local pourvoyait lui-même et seul au siège vacant. Le dire de saint Épiphane est-il digne de toute confiance’? Il est permis d’en douter, puisque, selon Mgr Batiffol, son auteur l’étaie d’i une histoire controuvée », en donnant Achillas comme successeur d’Alexandre ([ 328), dont il est en réalité le prédécesseur. En outre. J’avoue ne pas comprendre de quel droit on invoque un fait de l’année 328 pour établir la réalité et le sens d’une coutume qu’on a déclarée abolie au plus tard en 325 ; je lis, en effet, dans Mgr Batiffol, op. cit., p. 276 : « Ce canon (le I’de Nicée) ne pouvait pas ne pas supprimer le vieil usage alexandrin, si ce vieil usage subsistait encore en 325, comme nous le pensons. »

En résumé, j’estime que les quatre lextes postérieurs, s’ils projettent un peu de lumière sur le le-moie <le Jérôme, n’ajoutent rien, en particulier, à la

vraisemblance de la première explication et qu’ils la

laissent peut rire moins vraisemblable que l’explication opposée.

Sur les origines de l’épiscopat et les discussions dont elles uni été l’objet, les trois ouvrages cités ci-dessus, de Michiels, Sanders et Batiffol, suffiraient peut-être à donner une idée très sommaire..Mais il n’est pas un point de l’histoire de l’Église qui ait été plus fréquemment agité et plus diversement résolu. Il serait fastidieux et il est impossible d’énumérer tous les livres qui y ont été consacrés. La plupart, qui traitent en même temps de la pensée de S. Jérôme, sont malheureusement dominés, en Angleterre surtout, par le préjugé confessionnel du presbytérianisme. Une bibliographie assez complète de la question a été donnée par le P. l’ral, art. ÉVÊQUES, t. v, col. 1700, 1701.

IV. AUTRES POINTS DE DOCTRINE.

Saint

Jérôme fut avant tout un scrutateur de l’Écriture, un exégète et un critique. C’est donc sa doctrine scripturaire qui nous intéresse spécialement. Voilà pourquoi nous avons voulu jusqu’ici recueillir ses enseignements concernant l’inspiration, l’inerrance et l’interprétation bibliques, en y joignant, comme nées et essentiellement dépendantes de l’exégèse du Nouveau Testament, ses vues sur la nature et l’origine de l’épiscopat. En dehors de ce domaine spécial, c’est-à-dire des questions qui relèvent directement de la critique et de l’herméneutique sacrées, on pourrait glaner dans le vaste champ de ses œuvres complètes des textes, des arguments en faveur de presque tous les points de la doctrine catholique. Non seulement il a démasqué et combattu les erreurs de son temps, celles d’un Helvidius, d’un Jovinien, d’un Vigilantius, d’un Pelage, des lucifériens, des allégoristes outranciers, mais il ne manque pas, dans ses commentaires, de noter, partout où il les rencontre sur son chemin, les erreurs antérieures et d’en motiver la condamnation. Ainsi fait-il pour les judaïsants. pour le gnosticisme, ses formes multiples et leurs représentants, pour le manichéisme, le montanisme, le millénarisme, les rebaptisants ; ainsi, pour toutes les hérésies contre les mystères de la Trinité et de l’Incarnation, qu’elles s’appellent monarchianisme, patripassianisme, arianisme, etc. Faut-il rappeler ses enseignements sur la virginité, sur la pratique des conseils évangéliques, qui a pris corps dans l’état monastique, sur le culte des images, de la croix et des reliques ? Nous avons aussi indiqué en passant, sauf à y revenir bientôt, sa pensée sur la primauté romaine et sur la nécessité de demeurer uni à l’Église. Mais parce que, sur tous ces articles et sur un bien plus grand nombre d’autres, écho fidèle de la tradition, docteur en parfaite communion de sentiment avec la généralité des docteurs et des Pères de l’Église, il n’apporte pourtant pas de développements personnels et nouveaux, nous jugeons inutile de dresser ici un inventaire de ses témoignages dogmatiques. Nous concentrerons plutôt notre attention sur deux vérités fondamentales louchant lesquelles ses idées forment un ensemble plus coinpréhensif : l’autorité cl le caractère inviolables de la tradition doctrinale, la suprématie du pontife romain. Nous indiquerons ensuite un petit nombre de points sur lesquels son sentiment ne peut être suivi ou appelle des réserves.

La tradition.

Jérôme s’est toujours fait une loi

de recueillir et de transmettre fidèlement la doctrine de ses devanciers ; il est traditionnel par principe. Dans sa lettre a ( tésiphon, Epist., t.cxxxiii, 12, t.xxii, col. 1 160, il expose ainsi sa ligne de conduite : « Depuis ma jeunesse, — il y a de cela beaucoup d’années, — j’ai écrit bien des ouvrages ; el toujours j’ai eu soin de ne dire à ceux qui nie lisaient quc ce que j’avais appris de l’enseignement public de l’Église ; je me suis appliqué à suivre non les raisonnements des philosophes, mais la simplicité des apôtres ; car je me rappelais ce texte :.le perdrai la sagesse des sages et je rejetterai la science des savants », et cet autre : « Ce qui paraît en I >Ieu une folie est plus sage que la sagesse de tous les hommes. 1 Cor., i, 19, 25 Aussi j’invite