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JÉRÔME (SAINT). L’INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE

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Mario, ont nommé Joseph père de Jésus, non pas que, dans leur pensée ou d’apros la manifestation complote de celle-ci, c’est-à-dire d’après l’ensemble de leur narration, il fût son vrai père, mais parce que le peuple l’appelait ainsi, uniquement donc pour se conformer à l’usage courant de cette expression. En effet, c’est par le témoignage dos evangolistos que saint Jérôme établit la situation réelle de Joseph à l’égard de Jésus ; il nous montre dans leurs écrits, notamment en saint Matthieu, I, 20, et en saint Luc, i, 34, le correctif de l’opinion populaire, à laquelle ils adaptent leur langage. Le correctif est moine supposé par lui dans les mots : Ut eliam evangelistæ opinionem vulgi (sous-entendu : non suam) exprimentes, quæ vera historiée lex est, palrem eum dixerunt Salvaloris. On supplée à bon droit : non suam, dit le P. Delattre, op. cit., p. 85, car bien certainement Jérôme ne mettait pas les évangélistes dans le vulgus : il proteste très clairement contre toute interprétation qui leur prêterait l’erreur commune : Son quod, ut s.tperius indicavi, vere paler fuerit Salvaloris. Et comment les savait-il mieux instruits que la foule des contemporains de Jésus ? Sans aucun doute comme nous-mêmes, par la lecture de l’Évangile ; et les citations qu’il en fait le prouvent suffisament.

De quelque côté donc qu’on l’envisage, la phrase de Jérôme ne favorise pas, elle exclut même la théorie des apparences historiques. Mais alors que signifient ces mots : Qux vera historiée lex est. En voici la seule signification possible, vu le contexte et les circonstances : c’est une loi ou une convenance de l’histoire d’exprimer ou, plutôt, de mettre en relief les opinions populaires. Je dis : de mettre en relief, de faire ressortir ; car ce sens est, dans la série des sens du latin exprimera un des plus primitifs, comme des plus usuels, et il n’y a ici aucune raison de lui substituer le sens affaibli du français exprimer. L’auteur, écrivant ceci entre 382 et 384, donnait donc dès lors une première expression à la maxime qu’il répétera, trente ou trente-cinq ans plus tard, en marge de l’épisode du faux prophète Ananie. Et dans ces limites, on comprend qu’il a parfaitement raison. Ayant d’ailleurs sauvegardé la vérité, les évangélistes ont bien rendu l’aspect du temps et du milieu en laissant à Joseph, soit d’instinct, soit de propos délibéré, son titre de père, que tout le monde lui donnait selon les desseins de la Providence, soucieuse de l’honneur de Marie. Ce nom avait l’avantage de résumer en quelque sorte à lui seul non seulement les relations extérieures mutuelles des membres de la sainte famille, mais aussi sa situalion publique et officielle dans la société juive. Pour peu qu’on y réfléchisse, la règle formulée par Jérôme est d’un usage naturel et assez général. Les historiens catholiques du protestantisme parlent des réformateurs, au sens d’hérétiques, sans qu’ils aient besoin de rectifier immédiatement par l’addition d’un pseudo, tout comme la Bible dit le prophète Ananie. En racontant la vie de Mahomet, des écrivains chrétiens lui donneront le titre de prophète à la façon musulmane, sans se compromettre en faveur de l’islamisme. Il y a plus : l’emploi conventionnel de vocables ainsi consacrés par l’usage est, tout danger de malentendu écarté. d’une réelle utilité. Des noms comme celui de prophète, appliqué au fondateur de l’Islam, celui de réformateur pour Luther et Calvin, etc., sont pleins de couleur locale ; ils reportent instantanément le lecteur à l’époque des faits, dans le milieu historique ; ils remettent en mémoire toute une situation, le rôle d’un personnage, la considération dont il était entouré, l’influence qu’il a exercée ; chacun de ces termes est comme une merveilleuse formule d’évocation en. trois ou quatre syllabes. Il y a la une loi psychologique analogue a celle qui semble dominer l’histoire des institutions et

coutumes exotiques ou anciennes. Dans ce domaine l’emploi dos termes propres, fussent-ils étrangers ou primitifs et vieillots, pourvu qu’ils soient compris, est préférable a l’emploi d’équivalents indigènes et plus récents, mais aussi plus vagues et souvent simplement approximatifs. Ces comparaisons nous aident à comprendre la portée.juste et profonde do la maxime de saint Jérôme sur la loi ou convenance du genre historique.

.Sur sailli Jérôme exégète. — (i. Hoberg, De S Hieronymi rallone interpretandl, Bonn, 1886 ; Ph. Hergenrotlier, Die antiochenische Seluile und ihre Bedeutung auf exegetisehem Gebiele, Wurzbouru, 1866 ; M. Rahmer, Die hebrdischen Traditionen in den Werken des Hierongmus, durch eine Vergleichung mit den jiidischen Quellen kritisrh beleuchtet, I Teil : Die Quæstiones in Genesim, Breslau, 1801 ; II Teil ; Die Commentarii zu den 12 kleinen Propheten, Berlin, 1902 ; A. Roerich, Essai sur saint Jérôme exégète, Genève, 1891 ; H. Lietzmann, Apollinaris von Laodicea und seine Sclmle, Texte und Untmsuchungen, Tubingue, 1904 ; Bardenhewcr, Hierongmus (Rektoratssrede), Munich, 1005 ; M. J. Lagrange, Saint Jérôme et la tradition juive dans la Genèse (Revue bibligue, 1898, p. 563-566).

Sur la doctrine de l’inspiration dans saint Jérôme. — Scliadc, Die Inspirationslehre des h. Hierongmus, Fribourg-en-Brisgau, 1910 ; du même, Der hl. Hierongmus und dus Problem der Wahrheit der heiligen Schri/t, dans Der Katholik, 1911, t. i, p. 411-421 ; L. Sanders, Études sur saint Jérôme. Sa doctrine touchant l’inspiration des Livres saints et leur véracité, Bruxelles et Paris, 1903 ; E. Kalt, Der Ausdruck « fabula bei Iiieronymus, dans Der Katholik., 191 1, t. ii, p. 271-287 ; E. Dorsch, S. Augustinus und Hierongmus ùber die Wahrheit der biblischen Gcsch ichte, dans Zeitschrift fur katholisehe T/ieoJ., 1911, t.xxxv, p. 421-448, 601-664 ; Zôlly, Die Inspirationslehre des Origenes, Fribourg-en-Brisgau, aidera à comprendre l’attitude primitive de saint Jérôme à l’égard des Septante ;

Sut l’inerrance bibligue. — Les mêmes traités ou articles, et la plupart des livres qui traitent en détail la question de l’inspiration. Concernant la théorie des apparences historiques, on trouvera tous les éléments d’appréciations dans quatre ouvrages. Trois la défendent ; c’est le P. Lagrange, La méthode historigue, surtout à propos de l’Ancien Testament, Paris, 1903 : à compléter par deux articles de la Revue biblique., 1903, p. 292-313 et 1904, p. 109-117 ; L. Sanders, op. cit., à compléter par la réplique au P. Delattre, qui se lit dans la Revue biblique, 1905, p. 284-287 ; Poels, Critiek en Traditie, of de Bijbel voor de Roomschen. Contre ces auteurs, le P. Delattre, s’est posé en défenseur de la tradition et de saint Jérôme, dans son volume : Autour de la question biblique. Une nouvelle école d’exégèse et les autorités qu’elle invoque, Liège, 1904. En vrai disciple de saint Jérôme, le P. Delattre fait valoir sa thèse par de bonnes et solides raisons.

II. L’INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE. — Comme

exégète, saint Jérôme procède de l’école d’Alexandrie. Ses rapports, d’ailleurs assez rares, avec quelques représentants de l’école d’Antioche ne paraissent pas avoir exercé une influence sensible sur ses principes d’herméneutique ni sur sa méthode d’exégèse. Disciple du didascalée, surtout par la lecture assidue des æ ivres d’Origène, dont il a traduit une partie en latin, il n’est pas étonnant qu’il ait donné d’abord avec excès dans l’allégorisme.

Toute sa tendance exégétique nous apparaît dominée par la manière dont il envisage le contenu df l’Écriture sainte. Or, l’Écriture, est à ses yeux une mer trop profonde, trop pleine d’abîmes mystérieux, même dans les parties qui semblent le plus faciles, pour que la richesse de son fonds soit d’ordinaire épuisée par une seule et superficielle interprétation. Parole de Dieu écrite par l’intermédiaire des auteurs inspirés, elle participe dans une certaine mesure île l’insondable opulence de la sagesse et de la science divines ; elle est de nature à nous arracher ce cri d’admiration : O altitude divitiaruml.. côté et au-dessus de la pensée, de la vérité, spéculative ou pratique, his-