Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/480

Cette page n’a pas encore été corrigée
941
942
JEROME (SAINT). L’INSPIRATION SCRIPTURAIRE


le fait que 1 autour avait primitivement une opinion opposée à son opinion définitive.

Deux causes surtout durent contribuer à diminuer aux yeux île Jérôme le prestige des Septante : à partir du

jour où il se mit à étudier de près le texte original de l’Ancien Testament, il ne put méconnaître les divergences nombreuses entre les manuscrits hébraïques et les manuscrits grecs, non plus que la supériorité des premiers dans la généralité des cas ; cf. Præf. in Par. juxta LXX, t. xxix, col. 404 ; Præf. Qutesl. in Gen., t. xxiii. col. 930 ; en outre, par la lecture du Nouveau Testament, il en vint à constater, ibid., col. 937, que « les évangélistes. et notre divin Sauveur et Seigneur, de même que saint Paul, allèguent souvent, comme empruntées à l’Ancien Testament, des choses qui manquent dans nos exemplaires. » Cette constatation est renouvelée, en 395 ou 39C, dans la lettre lvii, 7, t. xxii. col. 572-577, et dans la Pré/ace au livre des Paralipomùncs, t. xxviii, col. 1325, 1326. (Ne pas confondre cette dernière Préface, qui se rapporte à la traduction de l’hébreu et est de 396, avec la Préface, mentionnée plus haut, au livre des Paralip. d’après les LXX. laquelle est antérieure de six ou sept ans.) En présence de ces faits, des doutes commencèrent à se faire jour dans l’esprit de Jérôme. Mais le revirement ne se produisit que peu à peu ; il était inattendu, et il fut accepté, consenti à regret, avec résignation, dans la mesure où des découvertes journalières le rendaient inévitable. Et ce qui est vrai de la persuasion intérieure, l’est aussi de sa manifestation par écrit, d’autant plus qu’ici les susceptibilités de l’opinion publique, sans parler de celles de l’amourpropre, pouvaient entrer en jeu. Cette observation aidera peut-être à comprendre les étapes successives de la pensée et du langage de notre auteur. Nous avons vu comment, vers 390, il rendait les seuls copistes responsables de toutes les variantes ; et dans les mêmes pages il supposait encore que les intercalations du texte grec avaient pu être inspirées par le Saint-Esprit. Cependant, pour qui observe attentivement, dès cette époque un changement de direction semble s’annoncer, et il est particulièrement sensible dans les Quæsliones hebraicæ in Genesim. Cet ouvrage, qui devait, selon l’intention attestée dans les premières lignes, s’étendre à tout l’Ancien Testament, avait été entrepris pour défendre la tradition hébraïque, t. xxiii, col. 936, 937 ; et, nécessitant ainsi un travail constant de comparaison, il mettait plus souvent le diligent critique en face des divergences de la version grecque. Sa composition fut apparemment laborieuse et dut avancer assez lentement, car nous savons par ailleurs qu’elle fut interrompue ou retardée par celle du Liber de nominibus hebraicis, ainsi que par la traduction des Homélies d’Origène sur saint Luc Or, au début des Quæsliones, col. 936, l’auteur proteste vivement contre le reproche calomnieux qu’on lui a fait d’imputer des erreurs aux Septante : s’il a signalé dans leur travail quelques nouveautés, surtout des omissions, il les attribue au juste souci qu’avaient les ^ges interprètes de ne point exposer les mystères du vrai Dieu au mépris des païens et particulièrement de ne pas éveiller dans l’esprit de Ptolémée le soupçon de polythéisme. Maintes fois il justifie des interprétations peu exactes en alléguant qu’on a dû faire attention au sens plutôt qu’aux mots. Pour les cas où d’autres explications feraient défaut, il mentionne une tradition particulière, recueillie par Josèphe, d’après laquelle le Pentateuque seul serait l’œuvre des Septante, hypothèse qui semble accorder un peu plus de latitude concernant lis autres parties de l’ancienne version, Cependant tout en expliquant ou excusant les altérations, il y voit une raison de préférer le texte original.

Mais il arrive un moment où le relevé des différences prend une allure plus libre et légèrement agressive, et où ne se fait plus guère sentir le souci de noter les circonstances atténuantes. La seconde moitié des Qussstiones contient diverses remarques qui ne sont rien moins qu’élogieuses pour la version grecque. On dirait que le savant exégète, déçu par les difficultés qu’il a rencontrées sur sa route, a oublié ou renié en quelque sorte les règles qu’il avait suivies jusqu’ici. Il blâme, par exemple, col. 976, comme inutile et peu convenable, l’insertion du mot deficiens dans cette pro position, Gen, xxv, 8 : Et deficiens Abraham iw>r lims est. Un peu plus loin, col. 979, à propos de ce passage, Gen., xxvi, 32, 33 : Dixerunt ei : inrenimus aquam ; et vocavit nomen ejus saturitas, il se déclare simplement impuissant à comprendre la traduction opposée des LXX : Xescio quomodo in Septuaginta interpretibus habeatur : non invenimus aquam ; et vocavit nomen ejus juramentum. Il signale encore, col. 984, comme tout à fait embrouillée et à peu près inintelligible, l’interprétation donnée de Gen., xxx, 32, 33.

Les Quæsliones in Genesim sont des années 389-390. Dans les Commentaires sur les petits prophètes, rédigés pour la plupart entre 391 et 395, nous constatons de moins en moins de réserve à l’égard de la version des Septante et de ses écarts. Mais c’est dans la Préface au Pentateuque (an. 398-404) que Jérôme semble faire le pas décisif, en attaquant de front la légende des cellules, fondement prétendu de la croyance à l’inspiration. T. xxviii, col. 147 sq. Déjà auparavant, en 396, Præf. in Par., t. xxviii, col. 1325, il l’avait traitée en suspecte, puisqu’il écrivait : Post septuaginta cellulas, quæ vulgo sine auctorc jactantur. Mais quand il publie sa traduction du Pentateuque, il n’hésite plus, et à la vigueur des raisonnements critiques il ajoute le sel de sa mordante ironie : Xeseio quis primus auctor septuaginta cellulas Alexandriie mendacio suo exstruxerit, quibus divisi eadem scriptitarenl, cum Arisleas, ejusdem Ptolemœi ô Û7V£poco"T : i.a-ri r 1 ç et multo post lempore Joscphus, nilùl taie retulerint, sed in una basilica congregutos contulisse scribant, non prophelasse. Aliud enim est vatem, aliud esse inlerpretem. Ibi Spirilus venlura prædicit, hic erudilio et verborum copia ea quæ inlclligil transfert. A partir de cette époque, l’ardent polémiste ne se fera plus scrupule de signaler toutes les défectuosités de la version grecque. Ainsi fait-il, après 404, dans une réponse à saint Augustin, Epist., exii, 20, t. xxii, col. 928 sq. ; ainsi dans ses Commentaires sur Osée, Joël, Amos, publiés vers 406. Le premier surtout étonne le lecteur par la fréquence des remarques peu llatteuses, comme celles-ci : Xeseio quid volenles LXX transtulerunt…, transtulerunt falsi sermonis similitudinc In Os., xiii, 1, 2, et xiv, 2-4, t. xxv, col. 931, 912. Dans la partie du Commentaire sur Isole postérieure a 408, le commentateur a décidément abandonné 1rs LXX pour s’en tenir à l’hébreu, et ici il multiplie les observations défavorables, sans plus se mettre en peine des excuses qu’il invoquait jadis : LXX nescio quid volentes posuerunt, In Is., v, 17 ; quid sibi autem voluerint in hoc loco l.XX interprètes non salis inielligo, In Is.. xxi, sq. ; secundum l.XX interprètes, quem sensum habcat ncs(io. In Is., xiv, 21. P I., t. xxiv, col. 86, 271, 108. Quelques années plus tant, il déclarera renoncer, pour ne point fatiguer le lecteur, a relever les trop nombreuses variantes ; il plaindra les chrétiens contempteurs du texte hébreu, qui vend e pour eux contre les Juifs, In Jerem.(ea 120), wii, 2, 3, xxix, 1 1 sq., t. xxiv, col. 787, 861 ; et un jour, dans un mouvement d’humeur satirique, il renvoie ses contradicteurs aux soixante <h cellules du phare d’Alexandrie ; c’est là, dit-il. qu’ils trouveront