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    1. JÉRÔME (SAINT)##


JÉRÔME (SAINT). L’INSPIRATION SCRIPTURAIRE

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ravis en extase, ont parlé sans savoir ce qu’ils disaient. ou, si cette supposition est impie (car les prophètes Conservent la maîtrise de leurs esprits, spiritus qutppe prophelarum prophetis subjectus est), force nous est de croire que le sens <le leurs propres paroles ne leur échappait point. » In Eph., iii, 5, t. xxvi, col. 179. Pareillement, Prol. in Nahum, t. xxv, col. 1231, et Pr<>l in Ilub., ibid., col. 1274, à propos du premier mot du litre, i Omis », qui correspond au massa de l’hébreu et au À^o.".* des Septante, le commentateur remarque et répète que ces termes expriment tous, de la part du prophète, une vision, c’est-à-dire un acte « le connaissance, la mise en activité de son intelligence : Assumptio (c’est le >.r, ii, ; jta du grec) vel pondus prophétie visio est, et adversum Monlanidogma perversion intelligit quod videt, nec ut amens loquitur, nec in morem insanienlium feminarum dut sine mente sonum.

Il est à peine besoin de remarquer que, dans tous ces passages, Jérôme entend par £ « srxai%, une crise, un état violent et désordonné, qui enlève au sujet la conscience et la liberté de ses mouvements ; lui-même s’en explique clairement, Prol. in Hab., loc, cil. : Qui’autem in ecslasi, id est invitas loquitur, nec lacère nec loqui in sua potestate habel.

L’auteur humain reste si bien en possession de ses facultés et qualités propres que leur influence se fait sentir partout, de mille manières. La diversité de style et de composition littéraire nous révèle à elle seule le degré de culture, le genre dévie, d’éducation et d’occupations habituelles, toute la physionomie intellectuelle et morale de l’écrivain. Cette remarque s’impose en particulier à qui examine d’un peu près les oracles de plusieurs prophètes, d’Isaïe, par exemple, d’Amos, de Jérémie. Par la correction et l’élégance de ses écrits, Isaïe se pose tout d’abord devant nous en « homme de haute hgnée, d’une éloquence tout aristocratique, sans le moindre trait de rusticité. » Prsef. in ls., t. xxviii, col. 771. « Jérémie nous parle une langue moins affinée qu’Isaïe, qu’Osée et quelques autres, bien qu’il les égale pour le fond, parce qu’il a prophétisé par le même Esprit qu’eux. Or, la simplicité de son langage lui vient de son lieu de naissance. Il était originaire d’Anathoth, petit village situé à trois milles de Jérusalem et encore existant aujourd’hui. « Prol. in Jerem., t. xxviii, col. 847. Le cas d’Amos est encore plus significatif, et l’on pourrait dire plus pittoresque, i Amos était deThécué, bourgade bâtie à six milles au sud de Bethléem et au delà de laquelle on ne rencontre plus ni villages, ni même cabanes agrestes, mais le désert tout nu. » Dans celle région, il n’y a vraiment place que pour des troupeaux et des conducteurs de troupeaux. Or, il est naturel et habituel à ceux qui exercent une profession quelconque d’y rapporter toutes choses et de lui emprunter des termes pour les exprimer, i Issu d’une racede pasteurs, pasteur lui même, pasteur non pas dans des lieux fertiles et plantés d’arbres fruitiers et de vignes, non pas même au milieu de forêts ou de prairies verdoyantes, mais dans les vastes solitudes où la férocité des lions fait aux troupeaux une guerre mortelle, Amos a parlé le langage de son métier et de son milieu, en nous présentant la voix menaçante du Seigneur irrité comme le rugissement du lion, en comparant la ruine des cités d’Israël à l’isolement des bergers et à l’aridité des montagnes. » In Amos, Prol.. et i, 2, t. xxv. col 990, 993

Concernant les livres du Nouveau Testament, des observations analogues s’offrent d’elles-mêmes a l’esprit. Les épttres de saint Paul notamment rellètent de façon (’tonnante le tempérament, ainsi que les

habitudes de l’écrivain ; et Jérôme a soigneusement note et souligné ce fait. In Eph, iii, l sq.. P. L., t. XXVI, col. 478, à propos d’une construction grammaticalement

incorrecte, il dit : « Quand nous relevons des solécismes ou quelque autre détail semblable, nous n’attaquons pas l’apôtre comme des gens malveillants nous le reprochent ; nous défendons bien plutôt l’apôtre et nous le rehaussons, lui qui, Hébreu, fds d’Hébreux, dépourvu du prestige de l’éloquence et de toute élégance du langage et du style, n’aurait jamais pu amener le monde à la foi, s’il l’avait évangélisé en s’appuyant sur les ressources d’une habile prédication plutôt que sur la puissance de Dieu. » L’étrange souhait de l’épître aux Galates : Utinam et abscindantur, qui vos conturbant ! amène sous la plume du commentateur, In Gal., v, 12, t. xxvi, col. 405, ces réflexions : > Si l’on veut justifier Paul, on dira que ses paroles sont "moins expression de colère à l’égard des adversaires fque d’amour pour les Églises de Dieu. Toute cette province qu il n’avait retirée de l’idolâtrie et amenée à la foi du Christ qu’en exposant son sang et sa vie il la voyait so idainement bouleversée par un nouveau courant d opinion : et dans sa douleur d’apôtre et de père, ne se contenant plus, il changeait de ton.il se fâchait contre ceux qu’il avait flattés, afin de retenir au moins par la réprimande ceux qui étaient restés insensibles à la douceur. Rien d’étonnant d’ailleurs, si, en homme qu’il était, encore enfermé dans un vase d’infirmité, ressentant dans son corps cette autre loi qui le tenait captif et le sollicitait suivant la loi du péché, il s’est laissé aller une fois en paroles à une de ces manife>tations où nous voyons souvent des hommes saints descendre, semel fueril hoc loculus in quod fréquenter sanctos viros cadere perspicimus. » D’après cette der nière phrase, l’élément humain dans l’inspiration serait maintenu au point d’impliquer jusqu’à des faiblesses ou imperfections personnelles, peut-être même des fautes morales de l’écrivain, lui échappant au moment même où il écrit. Saint Paul et les infirmités persistantes de sa nature sont signalés et appréciés avec une égale franchise, qui suggère une conclusion semblable, dans la réponse à la dixième question d’Algasia, Epis !., cx.xvii, t. xxii, col. 1029, 1030, à propos des incorrections et des obscurités indéniables de son style. En revanche, ses qualités maîtresses pour l’exposé et la défense du fonds doctrinal sont magnifiquement attestées dans ce passage d’une lettre à Pammachius, Epist., xLvm, 13, t. xxii, col. 502 : « Chaque fois que je lis l’apôtre Paul, il me semble entendre non des paroles, mais des éclat s du tonnerre. Parcourez ses épîtres, spécialement celles qu’il a adressées aux Romains, aux Galates et aux Éphésiens, où il se montre à nous en pleine lutte, et vous y admirerez son art, sa prudence, une habileté singulière à dissimuler sa tactique. Son discours paraît tout simple, comme celui d’un enfant ou d’un homme sans culture, de quelqu’un qui ne sait ce que c’est que dresser ou éviter des embûches. Et cependant, de quelque côté que vous vous tourniez, des éclairs brillent. Il ne s’écarte point de son sujet ; il domine et maîtrise tout ce qu’il touche ; il recule, mais pour vaincre ; il simule la fuite, et c’est pour abattre son adversaire. »

Mais nulle part, sans doute, l’individualité et l’activité propre des écrivains sacrés ne sont mieux mises en lumière que dans le De viris, n. 3 sq., t. xxui, col. 613-626. Ici Jérôme explique les noies caractéristiques et les i dissonances apparentes » des quatre évangiles par là diversité de l’ambiance, des sources d’information, des destinataires immédiats, du but, des habitudes et « les aptitudes de chacun des évangélistes.

Influence inspiratrice.

Tout en conservant

la plénitude de ses moyens humains, l’hagiographe est, comme tel, sous la main agissante, sous l’influence