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JÉRÔME (SAINT). BIOGRAPHIE


différend d’Antioche comme une scène concertée entre les deux apôtres, Pierre et Paul, qui auraient imaginé cette innocente feinte pour mieux instruire et persuader les judalsants L’hypothèse avait déplu à l’évêque d’Hippone ; elle lui paraissait introduire une sorte de mensonge dans le livre inspiré. En soi, ce dissentiment sur un point particulier et délicat est très compréhensible ; il ne pouvait empêcher l’union de deux âmes également éprises de vérité et également dévouées à l’Église. Aussi bien Augustin, dis 394, voulut-il s’en expliquer franchement avec le grand exé^ète, qu’il aimait et admirait sans l’avoir jamais vu. Malheureusement la lettre qu’il écrivit à ce sujet ne fut pas remise à son destinataire. Une seconde, trois ans plus tard, n’eut pas meilleur sort ; mais de plus, celle-ci, en circulant clandestinement en Italie, donna naissance à des rumeurs malignes, qui parvinrent aux oreilles de Jérôme : on prétendait qu’Augustin non seulement lui avait demandé une rétractation, mais l’avait dénoncé à Rome. Dès qu’Augustin eut connaissance de ces bruits, il s’empressa, par une troisième lettre, en 402, de les démentir ; et à ce démenti il joignait les plus touchantes assurances d’une sincère amitié, se déclarant en outre prêt à recevoir fraternellement toute observation ou correction concernant ses écrits. Ces trois lettres de saint Augustin se trouvent insérées parmi celles de Jérôme, Epjsf., LVi, LXvn, ci, P. /-..t. xxii, col. 565, 6 17, 829. Ceci fut le point de départ d’une correspondance empreinte toujours, de la pari du grand évêque, d’une bienveillance et d’une humilité exemplaires, mais dans laquelle, du côté de Jérôme, les plaintes et les récriminations se mêlent parfois d’étrange façon aux protestations de respect et d’affection. Voir Epist., en, cv, ibid., col. 830, 835.

Tout en cherchant très sincèrement et très humblement à dissiper les malentendus antérieurs. Augustin n’avait pas cru devoir cacher son opinion divergente de celle de Jérôme sur un autre point. Dans le courant de celle année 403 ou de la suivante, il lui mandait, avec beaucoup de ménagement, qu’une nouvelle traduction de la Bible, d’après l’hébreu, n’était pas sans lui inspirer quelque crainte : 1a nouveauté des expressions choquait le peuple d’Afrique, habitué de longue date à la version des Septante et à la Vêtus Itala ; on avait notamment protesté contre le terme hedera, substitué, dans l’histoire de Jouas, à cucurbita. Epist., civ, col. 833. Cette observation aussi bien que la première, et assurément avec plus de raison, fui peu goûtée du vieil interprète : et il le lit sentir dans une ample réponse, où il voulut résumer tout le débat.

Epist., < : u. col. 600. Après un préambule entremêlé de réflexions quelque peu désagréables, il abordait et traitait assez longuement les deux points du litige.

Sur l’Épttre aux Galates, il maintenait son Interprétation, repoussant vivemenl, par C0n1 n l’opinion de son contradicteur, suivant laquelle Paul, converti au

christianisme, aurait pu se soumettre encore réelle ment au cérémonial mosaïque, pour montrer qu’il ne contenait rien de nuisible en soi. Ensuite il établissait solidement l’utilité d’une traduction faite sur l’hébreu, sa nécessité même pour couper courl aux faux fuyants et aux calomnies des.luils ; il se gaussait avecune certaine désinvolture des susceptibilités populaires éveillées par la substitution d’un mol a un autre dans l’histoire de Jonas, et Ici il faisait cette juste remarque : Je ne prétends pas abolir les anciennes

versions, puisque je les ai corrigées et traduites du grec en latin pour ceux qui n’entendent que notre langue ; dans ma traduction, je n’ai visé qu’à rétablir les passages retranchés ou altérés par les Juifs, et à

faire connaître aux latins ce que porte l’original hébraïque. Ne veut-on point la lire ? Nous ne contrai gnons personne. Qu’on boive avec délices le vieux viii, si on le préfère, et qu’on fasse fi de notre vin nouveau. » Enfin il déclarait, en une forme sans doute encore plus spirituelle qu’aimable, qu’d désirait vieillir en paix.

On peut dire que cette déclaration annonce la fin de la discussion. De Jérôme, il y a encore postérieurement une très courte lettre, où les mêmes questions sont touchées, mais en douceur. Epist., cxv, col. 935 Nous y relevons seulement ces paroles : « Trêve maitenant à toutes les plaintes ! Qu’il n’y ait entre nous que pure fraternité ; n’échangeons plus des écrits de controverse, mais seulement des messages de charité. Exerçons-nous dans le champ des Écritures, sans nous blesser l’un l’autre. » De son côté, Augustin, en marquant qu’il persistait, et évidemment avec raison, dans sa manière de voir concernant l’Épîlre aux Galates, témoignait tant de regret de la peine involontairement causée, tant d’estime et d’affection pour la science et la personne de son contradicteur, qu’aucune aigreur ne put survivre dans le cœur de ce dernier. Epist., cxvi, col. 936. Désormais ces deux grands hommes marcheront la main dans la main et combattront côte à côte, dans la plus parfaite union. Augustin suivra jusqu’à la fin d’un <ril attentif et sympathique les travaux scripluraires du vieux maître ; plus d’une fois il le consultera sur des problèmes qui l’embarrassent, par exemple sur l’origine de l’âme humaine, Epist., cxxxi, col. 1 12 I. et sur cette parole de saint Jacques : Qui ofjenderit in uno faclus est omnium rcus. Epist., cxxxii, col. 1138 ; il louera dans sa Cité de Dieu le Commentaire sur Daniel. Et Jérôme, arrivé presque au terme de sa carrière, se fera un honneur comme un devoir de devenir l’auxiliaire et en quelque sorte le second de l’évêque d’Hippone, dans la lutte contre le pélagianisme naissant. « Courage ! lui écrivait-il en 418, courage ! ton nom est célèbre dans tout l’univers ; les catholiques vénèrent et admirent en toi le restaurateur de l’antique foi, et, ce qui est plus glorieux encore, tous les hérétiques te détestent ; ils t’ont voué la même haine qu’à moi, et. parce qu’ils ne peuvent répandre notre sang, ils souhaitent notre mort. » Epist., cxli, col. 1179.

Au milieu de toutes ses discussions, en dépit d’autres contrariétés ou épreuves très vivement senties, Jérôme poursuivait ses études, et, de ce côté non plus, sa plume n’était pas inactive. En 403, il avait, suivant Vallarsi. donné son Commentaire définitif sur le prophète A bdias, auquel pourtant plusieurs critiques assignent une date antérieure. Au commencement de 104, sainte Paule mourut. Ce fut pour lui un coup terrible. Il l’avait vue pendant de longues années a son école ; elle avait secondé ses entreprises de son crédit et de sa fortune ; elle avait encouragé ses publications scripturaires ; elle l’avait soutenu dans ses labeurs, ses peines et ses combats. I.e chagrin et rabattement qu’il ressentit de ce départ le rendirent d’abord muet. Mais bientôt il reprit la plume pour faire l’éloge de la défunte, dans une belle lettre à EustOCbium. Epist.. cvni, col. 878. l’eu de temps après, il traduisait, outre un mandement doctrinal de Théophile d’Alexandrie, la règle de saint l’acôme. ses lettres et ses recommandations, avec celles de ses disciples Théodore et Orsiesius. Cette dernière traduction lui avait été demandée dans l’intérêt de moines de la Thébaïde, qui, latins d’origine, ne comprenaient ni la langue égyptienne ni la langue grecque.

5. Autres travaux exégétiques. En 106 parurent les Commentaires sur les cinq pet il s prophètes qui n’avaient pas encore eu leur tour, à savoir : Malachle, Zacharie, Osée, Joël et Amos.Ce travail, exécuté rapidement et dicte, parce que l’auteur « était trop faible pour écrire lui-même », dut cependant être interrompu pour réfuter l’hérétique Vigllantius, dont les attaques