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JÉRÔME (SAINT) BIOGRAPHIE

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C’est aussi à Rome, pu 382. plutôt qu’à Antioche, selon Mgr Batiflol, Grùtzmacher et Bardenhewer,

qu’aurait été composé le Dialogue contre les luci/ériens. KrOger, dans sou Lucifer, Bischof vom Calaris, Leipzig. 1886, p. 58-62, discute les deux opinions et n’ose se prononcer. Cf. Batiffol. Les sources de l’Altercatio luciferiani et orthodoxi. dans Miscellanea Geronimiana. Rome. 1920, p. 07 sq.

En même temps qu’il se dépensait de la sorte en travaux scientifiques, Jérôme était amené à entrer en relations avec un groupe de nobles dames romaines. que sa réputation de piété et de science avait attirées et qui s’adressaient à lui pour être instruites des choses de l’Écriture et dirigées dans les voies de la perfection. Parmi elles, on distingue des noms appartenant aux plus illustres familles : ceux de Marcella, de sa mère Albina. de Paula et de ses deux tilles, Eustochium et Blesilla, de Fabiola, de Furia, de Léa, de Principia. etc. De sa correspondance avec ces personnes il nous est resté toute une série de lettres de haute spiritualité, où les vues et les enseignements scripturaires abondent, dont souvent des questions scripturaires sont l’objet unique ou principal. Aux âmes qui l’approchaient Jérôme savait inspirer pour les Livres saints cet amour et ce culte que lui-même leur avait voués La lettre à Eustochium mérite une attention spéciale. : elle est, pour l’ampleur et pour la solidité du fond, comme un véritable traité sur l’excellence de la virginité et un code de morale et d’ascétisme à l’usage des vierges consacrées à Dieu. Epist., xxii. P. L.. t. xiiii, col. 394.

Rome n’était pas encore pour Jérôme le lieu de repos ; elle ne devait pas le garder longtemps. Il y était établi depuis moins de trois ans lorsque Damase mourut, le Il décembre 384. Cette mort, en l’écartant de la chancellerie apostolique, lui créait des loisirs. Elle lui apprit aussi, s’il avait pu l’ignorer, qu’il avait beaucoup d’ennemis. Son élévation soudaine à un poste influent lui avait sans doute fait des envieux : mais surtout son humeur et sa verve satiriques, et les âpres critiques dont il avait poursuivi les désordres d’une partie du clergé et des moines, avaient suscité des rancunes qui n’attendaient qu’une occasion pour se produire librement. Elles éclatèrent alors en plaintes et en calomnies : on l’accusait de mépriser le mariage, de le déprécier au profit de la virginité et du monachisme, de pousser à la dépopulation de l’empire ; on en vint jusqu’à incriminer, au mépris de toute justice comme de toute vraisemblance, ses relations avec les nobles dames qui recouraient à ses lumières et à ses conseils. C’est pourquoi, plus dégoûté du monde que jamais, disant un adieu définitif à la Ville éternelle, il alla, en août 385, s’embarquer à Ostie. Son frère Paulinien et le prêtre Vincent l’accompagnaient. Avec eux, il fit voile vers Reggio, de là vers Chypre, et de Chypre vers Antioche, où ils demeurèrent quelques mois, auprès de Paulin. Ils y furent rejoints par Paula, Eustochium et d’autres jeunes patriciennes, poussées, comme eux. par le désir de voir et de vénérer la Terre sainte. En une seule caravane, semble-t-il, les deux groupes de pèlerins romains traversèrent la Syrie, parcoururent la Galilée, la Samarie et la Judée, visitant tous les lieux consacrés par les récits évangéliques ou bibliques. Après une halte plus considérable à Jérusalem et à Bethléem, ils passèrent en Egypte, où les attiraient, outre le souvenir de la sainte Famille, le dessein de s’édifier et l’espoir de s’enflammer au spectacle des légions d’ascètes. Jérôme, lui, obéissait encore à un troisième mobile : il voulait descendre et il descendit jusqu’à Alexandrie, pour saluer et consulter le représentant alors le plus célèbre des traditions du didascalée, l’aveugle Didyme. Tous revinrent ensuite, vers

DICT. DE THÉO ! » CATHOL.

l’automne de 380, à Bethléem, avec l’Intention de s’j fixer pour toujours : et bientôt, grâce surtout aux largesses de l’aula, deux monastères séparés s’élevèrent en ce lieu, à peu de distance l’un et l’autre de la grotte de la Nativité : le premier, pour Jérôme et les moines nombreux qui ne tardèrent pas à se grouper autour de lui, le second, pour Paula et ses compagnes.

3° Établissement définitif à Bethléem. ~ Dès ce jour commença, dans chacun des nouveaux domiciles, une vie tout adonnée à la prière, aux pratiques de la pénitence, à l’étude et à la méditation de l’Ecriture On en pourra juger par la description qu’en font Paula et Eustochium. dans une lettre charmante à Marcella, qu’elles engagent à venir partager leur joie. Episl., xlvi, P. L., t. xxii, col. 483. Là les religieuses non plus que les religieux ne se désintéressai, nt des recherches et des travaux scripturaires ; et aux uns comme aux autres, mais spécialement à Paula et à Eustochium, dont la pieuse curiosité ne connaissait pas de bornes, Jérôme servait de guide et de régulateur. Pour lui-même, il se remit avec un surcroît d’ardeur à approfondir la langue hébraïque, utilisant, cette fois, les leçons d’un maître juif, qu’il appelle tantôt Baranina et tantôt Barabbas, et dont il dit agréablement que, par crainte de ses coreligionnaires, il avait coutume, « nouveau Nicodème », de ne venir entretenir son élève que pendant la nuit. Il s’initia aussi, de 1p. même manière, à la connaissance du chaldéen, pour pouvoir comprendre le livre de Daniel.

1. Les premiers commentaires bibliques et autres travaux scripturaires. — C’est vers ce temps (387-389) qu’il inaugura la série de ses commentaires bibliques, laquelle, poursuivie, avec de fréquentes et longues intermittences, jusqu’à sa mort, n’embrasse pas moins de vingt-six ou vingt-sept livres de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Les premières études de ce genre, que nous rencontrons ici, ont pour objet les Épîtres à Philémon, aux Galales. à Tite, aux Éphésiens, et YEcclésiaste. Notons encore, comme datant à peu près de la même époque, la traduction, commencée d’ailleurs depuis longtemps, d’un Traité de Didyme sur le Saint-Esprit : la traduction de trente-neuf Homélies d’Origène sur l’Évangile de S. Luc ; et trois ouvrages qui forment une sorte de trilogie et auxquels l’auteur travailla de fait simultanément : les Qusestiones hebraiese in Genesim, le Liber de nominibus hebraicis, le Liber de situ et nominibus locorum hebraicorum, intitulé, dans certains manuscrits, IAber de dislantiis locorum, ou encore, simplement, De locis hebraicis. Ces diverses productions furent suivies à bref délai (391-393) des Commentaires sur Michée, Sophonias, Nahum, Habacuc et Aggée, des Truites sur les psaumes X-XVI et vraisemblablementsur d’autres, des deux Vies de saint Hilarion, et du moine Malchus, du De viris illustribus, recueil biographique des écrivains ecclésiastiques les plus célèbres, et de Deux livres contre Jovinien, qui à l’erreur d’Helvidius concernant la virginité ajoutait la négation de l’inégalité des fautes el de l’inégalité des mérites. Cependant, toujours infatigable, notre auteur avait commencé des l’année 386 et mené à bonne fin vers 391, un autre travail considérable : il avait revisé et corrigé la V’W//s l/nlo de l’Ancien Testament sur l’édition Hexaplaire des Septante. Il est bien regrettable qu’une mince partie seulement de cette traduction nous soit parvenue : nous n’en possédons plus que le Livre de Job et le Psautier (Psalterium gallicanum), avec les deux Prologues qui figuraient en tête des livres de Salomoii et des Paralipomènes.

Mais si diverses et si étendues soient elles, toilles ces œuvres étaient peu de chose eu comparaison d’une entreprise qui devait illustrer a jamais le nom de son auteur, celle d’une nouvelle version latine de l’Ancien

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