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de nouveaux arguments sont apportés qui militent

cette fois contre l’authenticité elle-même de l’oracle.

C’est d’abord la contradiction avec l’attitude du prophète, non plus seulement à un moment donne de sa vie. mais durant tout son ministère. Avec autant de persévérance que d’insuccès, il a prêché la soumission a Babylone, alors même qu’il ne l’entrevoyait plus comme le moyen d’éviter un châtiment déjà trop mérité. Certes. Ie-S calamités qui ont anéanti Juda et Jérusalem, et dont les Chaldéens ont été les auteurs pouvaient bien émouvoir l’âme sensible de Jérémie, mais il savait que tous ces maux, prédits par lui-même, n’étaient que le juste châtiment des crimes de son peuple. Pourquoi dès lors userait-il de cette violence à l’égard du vainqueur, qui, même après les événements douloureux des derniers jours de.Jérusalem, n’en demeure pas moins pour lui le serviteur de Iahvé, XLiu. 10 ? Et puis les exhortations à la patience, faites aux exilés en 503, n’avaient pas perdu de leur actualité dans les années qui suivirent la mort de Sédéeias ; alors, comme précédemment, il importait de ne pas séduire les captifs par l’annonce de la destruction de Babylone et l’espoir d’un prochain retour ; l’oracle des ch. l-li, n’aurait il pas eu ce résultat ?

A cette première raison, tirée du caractère même de la mission de Jérémie, s’en ajoute une deuxième, fournie par l’examen de la situation historique telle qu’elle se dégage des nombreuses allusions aux événements. Pour l’auteur des c. l-li non seulement la destruction^du temple est un fait accompli, l, 28 ; li, 11, 51, mais encore la chute de Babylone est proche, l, 2-3 ; l’heure du châtiment a sonné pour elle aussi, l. 27, 31, les captifs n’ont plus qu’à reprendre le chemin du retour dans la patrie, l, 4-8 ; li, 6, 45, 50. Autant d’indications qui obligent à reculer la date de l’oracle jusqu’aux dernières années de l’exil, à une époque par conséquent où depuis longtemps déjà Jérémie était mort.

Un troisième argument enfin peut encore être apporté, tiré des nombreuses répétitions de passages ou d’expressions identiques ou parallèles de Jérémie. Il y a là une manière d’écrire qui, sans doute, n’est nullement étrangère au prophète, et même on a voulu y retrouver la marque incontestable du style de Jérémie, mais le nombre même de ces répétitions révèle plutôt l’œuvre d’un disciple, familiarisé avec les discours du prophète et se plaisant à en reproduire les formules. Cf. l, 4-5 et iii, 21, xxxi, 9 ; l, 5 et xxxii, I" ; i.. 13 et xlix, 17. xix, 8 ; li, 37 et ix, 11 ; li, 15-19 et x. 12-16, etc. etc.

La presque unanimité des exégètes catholiques maintient cependant l’authenticité des c. l-li, mais sans pouvoir s’appuyer comme le remarque le P. Condamin, « sur le témoignage des Pères de l’Église, qui serait insuffisant en la matière. Si l’on omet quelques fragments d’Olympiodore (vi c siècle), dont l’authenticité n’est pas certaine, on trouve seulement trois auteurs ecclésiastiques, dans les sept premiers siècles, dont nous ayons le commentaire des c. L et li de Jérémie : Orlgène (fragments grecs, et traduction par saint Jérôme des homélies xx et xxi sur Jérémie), saint Éphrem et Théodoret. Origène, dans les fragments . et Théodoret, dans tout ce passage, ne nomment pas une seule fois Jérémie. » Op. cit., p. 355. Les défenseurs de l’opinion traditionnelle se refusent à admettre la contradiction qu’impliquerait la composition par Jérémie, la quatrième année de Sédéeias, d’oracles annonçant la ruine de Babylone et la fin de l’exil : « Ces deux vérités devaient nécessairement se rencontrer dans ses oracles. En énonçant la première, il prémunissait ses concitoyens, déportés a Babylone en même temps que le roi Jéchonias, contre tout ce qui aurait pu aggraver leur situation. En énonçant la seconde.

il faisait briller l’espérance dans le lointain, et montrait qu’il fallait avoir confiance dans la bonté divine. Cette double pensée fait tout le fond de ses prophéties les Babyloniens, vainqueurs des Juifs coupables. seront eux-mêmes vaincus, et Israël, châtié et repentant, reviendra dans sa patrie. Voudrait-on lui faire un reproche de ce qu’en un endroit il appuie sur l’une de ces vérités plutôt que sur l’autre ? » Trochon, Les Prophètes, Jérémie, (La Sainte Bible), Paris, 1878, p. 12-13. Pas de contradiction non plus dans le changement d’attitude qu’il faudrait prêter au prophète vis-à-vis des Chaldéens, « s’il a annoncé leurs succès, s’il a prophétisé leur conquête de Jérusalem et la ruine de sa patrie, ce n’est nullement par affection pour Babylone. Il n’a agi que comme messager de Dieu. C’est le cœur serré et plein de tristesse, qu’il prédit cet acte nécessaire de la vengeance divine, seul moyen d’expier les péchés d’Israël. Mais cette mission reçue de Dieu l’empêche-t-elle d’aimer sa patrie ? Non, il ressent une profonde indignation à la vue des cruautés que les Chaldéens exercent contre ses compatriotes. Il annonce souvent que Babylone sera punie à cause de sa cruauté, de son orgueil, de son idolâtrie. » Trochon, p. 13.

Faut-il pour maintenir une. certaine authenticité, distinguer dans cet oracle ce qui serait de Jérémie et ce qui serait d’un rédacteur (Movers, de Wette, Hitzig et plus récemment Steuernagel) ? c’est peu probable ; outre ce qu’a forcément d’arbitraire une telle répartition, l’unité de composition du poème, le lien qui existe entre ses différentes parties, et de plus, selon le P. Condamin, la structure des strophes protesteraient contre les remaniements ainsi exigés.

La conclusion de cette longue discussion semble donc s’imposer : « l’oracle contre Babylone n’est pas de Jérémie. C’est l’opinion à laquelle se rallient dans de récents travaux des auteurs catholiques. » Tobac, Les Prophètes a" Israël, fasc. 1-3, Malines, 1921, p. 298-299. Le P. Condamin dans son Commentaire sur Jérémie ne range pas ces chapitres dans la liste des passages authentiques, p. XXIV.

/) lu. — L’indication qui termine le c. li : « Jusqu’ici les paroles de Jérémie » à elle seule rendrait déjà suspecte l’attribution au prophète du chapitre qui la suit. Si l’on remarque de plus que tout ce passage ne fait que reproduire la fin du livre des Rois, IV Reg., xxiv, 18-xxv, 30 avec un assez grand nombre de divergences toutefois, et relate des événements survenus, très vraisemblablement, après la mort de Jérémie, v. 31 -3 1, on y reconnaîtra une addition aux écrits d i prophète, dans le but de montrer clairement d’après l’histoire, en manière de conclusion, comment la prédiction principale relative au sort de Jérusalem avait été accomplie. Cf. Condamin, op. cit., p. 303.

Il n’y a pas à discuter ici l’authenticité de passages beaucoup plus courts, de simples verset", mêmes ou de parties de versets (cf. les commentaires). Notons seulement qu’à part quelques exceptions, xxiii, 19-20 ; xlvi, 27-28 ; xi.vui, 10 ; xlviii, 33<s, 34a, les mutilations que certains critiques, Duhm surtout, font subir au texte ne sont nullement justifiées.

V. CBBONOLO0IB DES PROPHÊTI1 i : tlE. —

La question d’authenticité réglée pour la plupart des oracles contenus dans le livre de Jérémie, reste celle de l’époque a laquelle ils furent prononcés. L’arrangement en effet des prophéties dans le recueil actuel est

loin d’être toujours conforme à l’ordre chronologique, et les divergences qu’offrent à ce sujet le texte hébreu

et les Septante ajoutent encore a la complexité du problème Pour l’attribution d’une dale précise a chaque oracle en particulier deux nouvelles difficultés

surgissent, provenant, l’une, du changement. à l’époque de l’exil, dans la manière de compter les années que