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    1. JÉRÉMIE##


JÉRÉMIE. AUTHENTICITÉ

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sur les Chaldéens. De même Daniel, ix, 2 rappelle le nombre des années dont Iahvé avait parlé au prophète Jérémie. Le Talmud témoigne dans le même sens : « Jérémie écrivit son livre. est-il dit au traité Baba Ealhra 15 ».

La tradition chrétienne n’est pas moins affirmative. Les citations des oracles du prophète dans le Nouveau Testament sont moins nombreuses sans doute que celles d’fsaïe, mais sont encore assez fréquentes, quelques-unes avec indication d’origine : Matth., ii, 17-18 et’Jer., xxxi. 15 ; Matth., xxxvii, 9 et Jer., xxxii, 6-9. La tradition ecclésiastique est unanime.

La Critique.

A l’opposé de cette affirmation

attribuant sans réserve tout le livre au prophète Jérémie, se place celle de la critique, qui sans aller toujours jusqu’au rejet de l’authenticité de la moitié au moins du livre (Duhm), refuse au voyant d’Aoathoth une part, plus ou moins considérable selon les opinions, dans la composition des oracles qui nous sont parvenus sous son nom. Que le livre en effet, disent bon nombre de critiques, soit une compilation d’éléments, d’époques et d’auteurs différents, c’est un fait démontré par les nombreuses répétitions de passages entiers, répétitions communes aux deux textes grec et hébreu, ou spéciales au texte massorétique, voir plus haut, col. 851 ; par les répétitions encore que fournissent titres et remarques ajoutés aux discours, i, 2 = i, 4 ; xxxiii, 1 = xxxii, 6 ; xxxiv, 1 = xxxi v, 6, 7 ; par la répartition singulière et inexplicable en toute autre hypothèse de certains passages, surtout aux c.rxxii-xxrv et xxvii-xxix. Seule la combinaison d’éléments hétérogènes rend suffisamment compte de cet ensemble de particularités. Steuernagel, op. cit., p. 537. Et alors ci tte question se pose : comment, dans le désordre actuel de ces éléments de provenance diverse, retrouver l’œuvre primitive, comment la distinguer des surcharges qui risquent de la faire disparaître, comment en un mot distinguer les passages authentiques de ceux qui ne le sont pas ? La discussion de quelques données fournies par le livre lui-même, et l’examen de quelques passages plus spécialement contestés essaieront une réponse à la question posée.

1. Données fournies par le livre lui-même. - - Le récit même du prophète au c. xxxvi fournit une première indication et des plus importantes. De cette histoire des origines du livre suit tout d’abord et sans aucun doute la participation de Jérémie à la composition de son livre, tout au moins du contenu de ce second rouleau, qu’il dicta à Baruch après la destruction de celui que Joakim, roi de Juda, avait brûlé Jer., xxxvi, et qui constitue le noyau de notre livre actuel. Ne s’ensuit-il pas de plus, ce caractère d’inachevé, d’incomplet qui permettra des additions plus ou moins nombreuses et plus ou moins tardives à ce premier recueil authentique ? Sans doute, de ces additions, Jérémie lui-même ou son secrétaire Baruch pourront être les auteurs, mais d’autres aussi pourront collaborer à la constitution du recueil complet.

Comment distinguer l’œuvre des uns et des autres ? Certains pensent pouvoir le faire en attribuant au prophète lui-même les passages où il parle à la première personne, et à un rédacteur, Baruch ou quelque autre, ceux où il est parlé de Jérémie à la troisième personne ; l’emploi de celle personne dans le titre d’un discours ou d’un récit n’empêchant pas l’attribution au prophète, si, par ailleurs, la première personne est employée. Là où cette méthode d’investigation n’aboutirait pas à des résultats décisifs, il resterait, faute d’arguments péremptoires contre l’authenticité, à continuer d’admettre la composition par Jérémie. Steuernagel, op. cit., p. 511-5 12. El ainsi l’on arriverait à reconstituer les oracles qui figuraient sur le rouleau dicté à Baruch, puis ce qui y aurait élé ajouté

sous la dictée même du prophète jusqu’en 586, tout le reste étant dépourvu d’authenticité. A titre d’exemple voici la répartition adoptée par Steuernagel ; sauf des variantes de détail plus ou moins nombreuses, elle correspond dans l’ensemble aux conclusions des critiques. Premier rouleau : i ; n ; iii, 1-13, 19-25 ; iv, 1-ix, 21 ; x, 17-22 ; xi ; xii, 1-13 ; xiii, 1-17, 20-27 ; xiv ; xv, 1-1), 10-21 ; xvii, 12-18 ; xvin : xix, 1, 2°, 10, ll a, 12’( ?) ; xx, 7-18 ; xxi, 11-14 ; xxii, 1-23 ; xxv ; xlvi, 1-12 ; peut-être xvi, 1-13 ; 16-17 ; xvii, 9-10 ; xxiii. 9-10 ; xxxi, 2-9, 15-22 ; xlvii ; xlviii : xlix, 1-22, 28-33. A cette première collection, ont été vraisemblablement ajoutés, les oracles prononcés par Jérémie jusqu’en 586 : xii, 14 ; xiii, 18, 19 ; xv, 7-9 ; xxii, 24-30 ; xxiii, 1-2. 5-6 ; xxiv : xxvii ; xxx, 12-19 ; xxxi, 23-28, 31-37 ; xxxii ; xxxiii. 1-17 ; 23-26 ; xxxiv ; xxw : XLVI, 13-25 ; xi.ix, 23-25, 34-38, et peut-être un noyau des chap. l-li. Lehrbucli., p. 511-542. Tout le reste est œuvre d’éditeurs, dont le plus important est Baruch. L’attribution qui est faite à ce dernier de passages du livre, de récits historiques surtout, ne saurait faire difficulté au point de vue de l’authenticité. « car avec Baruch on ne quitte pas le prophète, » et son œuvre aussi bien que celle de Jérémie a droit aux mêmes égards et jouit de la même valeur historique. Cf. Touzard, Revue biblique, 1916, p. 322. Tobac, Les prophètes a" Israël, fasc. 2-3, Malincs, 1921, p. 289. Cet ensemble de conclusions toutefois ne s’impose pas, parce que tout d’abord le critère employé est loin d’avoir toute la rigueur supposée : certains récits en effet « de leur nature, demandent la troisième personne, alors même qu’ils auraient été dictés par Jérémie : quand, par exemple, le prophète entre en scène accidentellement, en passant, ou quand le récit prend le caractère d’une histoire générale (c. xl et suivants). » D’autre part, il y a de nombreux exemples de récits où le narrateur parle de lui-même à la troisième personne, ou a la première et à la troisième indifféremment (cf. Is., vii, 3 ; Dan., iv, 25-34 ; Tob., i-m, à comparer avec iv-xiv, etc….). Cf. Condamin, op. cit.,

p. XLI.

Ce critère n’est donc pas suffisant et les raisons d’ordre littéraire ou historique que l’on y ajoute pour refuser à Jérémie la composition de maints passages de son. livre n’apparaissent pas non plus toujours très décisives.

2. Examen de quelques passages contestés.

- L’examen des difficultés, soulevées par quelques morceaux ou plus considérables ou plus importants, permettra d’en maintenir, le plus souvent du moins, l’authenticité.

a) x, 1-16. — Pour la plupart des critiques ces versets ne sauraient faire partie de l’œuvre primitive : le sujet diffère de celui des prophéties au milieu desquelles ils se trouvent ; ils en rompent la suite logique en s’intercalant entre vii-ix et x, 17 ; enfin et surtout, le style qui ne ressemble guère à celui de Jérémie, présente au contraire beaucoup d’analogie avec fsaïe, particulièrement xl, 19-22 ; xliv, 9-20 et xlvi, 5-7. Si l’on remarque de plus que ce passage contient la glose araméenne certainement tardive du ꝟ. 11, et que les ꝟ. 8-10 manquent dans le grec, il apparaîtra difficile d’en maintenir l’authenticité.

Ces raisons ne sont peut-être pas aussi décisives que le pensent la majorité des critiques ; rien ne s’oppose en effet à ce que Jérémie ait adressé aux exilés pareil avertissement, relatif aux idoles, lors de la première ou de la deuxième déportation. Il resterait toutefois que le passage n’est pas à sa place et qu’il a subi quelques remaniements, celui au moins du v. 11.

b) xi, 1-8. — - Morceau très important pour la solution du problème toujours discuté des rapports de Jérémie et du Deutéronûme. Pour quelques critiques