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JÉRÉMIE. AUTHENTICITÉ


par un scribe archéologue (par exemple xxix, 21) ; « elle aura été omise comme inutile à répéter chaque . fois près d’ail nom propre, quand ce nom se présente souvent : ainsi fils d’Ahicam omis une dizaine de fois après le nom de Godolias ; fils de Mathanias omis une douzaine de fois après le nom d’Isrnaël, etc. xl, sq. » La reconstitution de la forme poétique pourra encore en certains cas douteux commander de préférer un texte à un autre, mais toutes les divergences ne seront pas pour autant réglées, il s’en faut. La répétition elle-même de passages en termes identiques ou à peu près, beaucoup plus fréquente dans l’hébreu que dans le grec et qu’on ne saurait expliquer d’une manière générale par leur caractère d’interpolation, ne peimet pas de conclure contre le texte massorétique, car si la reproduction de tel ou tel passage peut être accidentelle, celle de tel autre pourra fort bien être l’œuvre personnelle du prophète lui-même, adaptant à un nouveau sujet un texte déjà utilisé. (Passages qui sont en double à la f ois dans l’hébreu et dans le grec : vi, 22-24 = l, 41-43 ; x, 12-16 = li, 15-19 ; xvi, 14-15 = xxiii. 7-8 ; xxin. 19-20 = xxx, 23-24 ; xlix, 19-21 = l. 44-46. Passages qui ne sont en double que dans l’hébreu : vi. 12-15 = viii, 10-12 ; XV, 13-14 = xvii, 3-4 : xxiii, 5-ti = xxxui, 15-16 ; xlvi, 27-28 = xxx, 10-11 ; lii, 7-16 = xxxix, 4-10). Cf. Condamin, op. cit., p. xxxi : Steuernagel, op. cit., p. 537.

Cet ensemble de divergences, dont l’examen ne permet pas une solution d’ensemble, laisse supposer que ni l’hébreu ni le grec ne sauraient prétendre être la reproduction fidèle du texte primitif de Jérémie. Les vicissitudes par lesquelles celui-ci a dû passer avant de nous parvenir en sa forme actuelle, l’existence de deux recensions avant même les Septante (Cornely, Knabenbauer, Crampon, Gautier, Driver, …) seraient cause de la diversité des deux textes.

Outre les ouvrages généraux indiqués à la fui de l’article et les travaux ci-dessus mentionnés : F. C. Movers, De iilriusquc recensionis vaticiniorum Jeremiæ, græcæ alexandrinæ et kebraicæ masorelhicæ indole et origine. Commentatio critica. Hambourg, 1837 ; J. Wichelhaus, De Jeremiæ versionis alex. indole et auctoritate, Halle, 1847 ; Schulz, De Jeremiæ texlus hebraici et grtrci discrepantia, 1861 ; E. Kuhl, Dos Verhàltniss der Massora xur Septuaginta in Jeremia, Halle, 1882 ; G. C. VVorkmann, The text of Jeremiah or a rritical investigation of the greek and hebrew with the variations in the LXX, Edimbourg, 1889 ; A. W. Streane, The double text of Jeremiah, Cambridge, 1896.

/II. LASQUE, STYLE ET FORME LITTÉRAIRE. —

1° Pour juger du style, il faudrait, au préalable, avoir fait subir au texte les corrections nécessaires ; bien des répétitions par exemple ne sont certes pas le fait du prophète lui-même. Quoi qu’il en soit, les jugements portés sur le livre de Jérémie au point de vue littéraire sont contradictoires ; tandis que saint Jérôme dans sa préface à la traduction du prophète trouve son style simple et rustique, P. L., t. xxviii, col. 849, d’autres au contraire ne le trouvent pas inférieur à celui d’Isaïe. Qu’il suffise de remarquer ici que sans atteindre à la pureté, à la variété et à la sublimité du grand prophète du viii c siècle, le voyant d’Anathoth n’en a pas moins su s’élever à la grande éloquence ; les sentiments d’une âme profondément sensible et religieuse, l’amour pour son Dieu et sa patrie lui ont inspiré des poèmes d’une réelle beauté. Qu’importe dès lors que sa langue soit moins pure, que les expressions et les tournures araméennes s’y mêlent a l’hébreu, qu’importent les répétitions et les réminiscences ? Cf. Aug. Kueper, Jeremias Librorum sacrorum interpres atque l’index, Berlin, 1837 ; Driver, Introduction to the Lilerature of the OUI Testament, Londres, 7e édit., 1898, p. 274-277 ; Streane Jeremiah, Cambridge, 1903, p. xxviii -xxx.

2° Quant ù la forme littéraire, si" les récits en prose tiennent dans le livre de Jérémie une place assez, considérable, les oracles du prophète sont pour la plupart des morceaux poétiques, où l’on retrouve non seul.’ment le vers hébreu avec le parallélisme mais encore la strophe ou mieux le poème slrophique. Par suite du manque do données, il est difficile de formuler avec certitude les règles du vers hébreu, les théories à son sujet demeurant en parfait désaccord ; pour la strophe et le poème strophique il n’en serait pas tout à fait de même, les travaux du 1’. J. K. Zenner, de I). 11. Millier, du P. A. Condamin permettraient du moins dans une large mesure la reconstitution tics poèmes strophiques par l’application des différentes règles retrouvées de la strophique hébraïque, i Fondée avant tout sur le sens, dit le P. A. Condamin. la.structure des strophes met vivement sous les yeux le développement des idées, les contrastes, le dialogue, la pensée dominante d’une prophétie, située d’ordinaire dans la strophe centrale, les promesses messianiques ou les menaces plus fortes dans les strophes intermédiaires. (Voir par exemple, n-iv, 4). Il est superflu d’insister sur son utilité pour l’exégèse. F. B. Koester a fort bien compris son importance en matière de critique. « Dans les questions d’authenticité, dit-il, pour des morceaux ou des livres entiers, on devrait tenir grand compte du caractère strophique de ces écrits. » Theologischc Studien und Kriliken, 1831, p. 114. Pour Jer., ii, 28, e’r, par exemple, la symétrie décide nettement en faveur des Septante. Dans Jer., xlvi, 15, la leçon du bœuf Apis, au 3e vers de la strophe, est puissamment confirmée par le parallélisme de l’antistrophe, spécialement au 3e vers, ꝟ. 21. Les exemples abondent dans le commentaire pour des membres de vers, des vers entiers, des groupes de vers, audacieusement amputés par les critiques radicaux. » Le Hure de Jérémie, Paris, 1920, p. xl. Cf. les introductions des commentaires d’Isaïe et de Jérémie du P. A. Condamin pour l’exposé des règles, et les commentaires eux-mêmes pour leur application. Dans des cas assez nombreux en effet, une heureuse solution de problèmes de critique textuelle, d’authenticité ou d’exégèse pourra être suggérée par la reconstitution strophique des poèmes de Jérémie.

Notons toutefois que les remaniements et les transpositions de textes, exigés parfois pour le rétablissement des divers éléments constitutifs du poème strophique et de leur groupement et plus encore peut-être la rigueur du système ne vont pas sans soulever de sérieuses difficultés. « Faut-il croire que Jérémie dont le style est si plein d’abandon et parfois si négligé, dont la métrique est si ondoyante et parfois si incertaine — au point qu’on ne sait trop, par moment, s’il écrit en vers ou seulement en prose rythmée ; — faut-il croire que ce Jérémie s’est astreint néanmoins avec persévérance à une forme strophique, bon gré mal gré quelque peu artificielle, soumise à des règles assez compliquées et minutieuses ? » Jean Calés. Bulletin d’exégèse de l’Ancien Testament, dans Recherches de Science religieuse, 1921, p. 117-118. Cf. I. agi-ange, Revue biblique, 1922, p. 132-135.

IV. AUTHENTICITÉ.

1° La tradition — La tradition juive sur l’origine du livre de Jérémie est ancienne et uniforme. Indépendamment du témoignage du livre lui-même au c.xxxvi sur sa formation, il y a celui de l’auteur de l’Ecclésiastique, xlix, 6-7. La façon dont il parle de Jérémie et reproduit un passage de ses prophéties, .1er., i. 5. 10, laisse entendre

qu’il connaissait le livre renfermant ses oracle

l’attribuait au prophète lui-même, laIl livre <les Paralipomènes, xxxvi, 21-22 et le I" d’Esdras, i, 1, mentionnent les paroles que tahvé a dites par la bouche de Jérémie au sujet de la victoire des Perses