Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée

71

[SAIE, LE SERVITEUR DE JAHVE

il

parlant de lui. le prophète ilii mis à mort pour le péché de mon peuple, lui. 8.

Donc, d’une part, le peuple d’Israël appelé « serviteur de Jahvé : d’autre part, sous cette même dénomination, un personnage « le caractère très différent, toujours représente sous des traits individuels, souvent opposé au premier serviteur, ou, au moins, distingué de lui.

Comment le serviteur pourrait-il donc être la personnification du peuple historique d* Israël’.' I 7. ! ’ce sens. que le peuple d’Israël est représenté comme portant el expiant les péchés des nations païennes : l’homme châtié et méprisé, méconnaissable, dont on détourne la face avec horreur, c’est le petit peuple d’Israël, réduit a un faible reste, dont la cépée sans cesse ravagée n’a plus qu’une tige, châtie et humilié, non pour ses propres fautes, mais pour celles des nations païennes, l.c prophète envisage les souffrances d’Israël comme rédemptrices, et il met sur les lèvres dos païens le cantique du chapitre tin, en l’honneur d’Israël juste et pur de tout pèche, l’achetant le monde par son martyre immérité.

Cette conception est inadmissible : oc. L’idée qu’Isiæl expie pour les nations est étrangère à l’Ancien

I ( i imeiil et au point de vue de la seconde partie d’Isaïe : ce sont plutôt les nations qui sont livrées eu échange d’Israël, xi.iii. I ; xi.v, 11-17 : M. vu ; xi.ix, 2226 ; li, 22-23. — (3. On ne voit pas à quel moment de son histoire le peuple d’Israël aurait pu expier pour les nations. Avant l’exil, il est lui-même coupable (tandis que le serviteur est innocent), et l’exil est toujours présenté comme le châtiment de ses propres iniquités. Apres l’exil, les prophètes ne lui prédisent plus des épreuves, mais la prospérité, le triomphe et la gloire.

-. Si le serviteur a un rôle â remplir vis a vis des nations, il exerce avant tout sa mission en faveur d’Israël.

II est établi « Alliance du peuple ». XLII, G ; xlix, 8 ; il a pour mission de rétablir les tribus de Jacob et de ramener les dispersés d’Israël, XLIX, 1-0 ; le prophète, s’adressanl au peuple, l’invite a écouter la voix du serviteur, i., Kl : le serviteur est mis â mort pour le péché de son peuple, lui. M. Aussi, les partisans du sens collectif sont-ils forcés de faire subir au texte des corrections violentes et arbitraires, uniquement nécessitées par un système préconçu.

P) L’serviteur n’est pas une personnification de l’Israël fidèle. - L’identification du serviteur avec le noyau resté lidèle. les justes du peuple, l’Israël xaxà

— vE’jp.a évite certains des inconvénients signalés dans la théorie précédente. Elle peut notamment soutenir les contrastes indiqués entre les deux serviteurs, celui des chapitres xl-xlvui et celui des i hauts ila Serviteur. En effet, si l’un représente la masse du peuple, l’autre, le noyau lidèle, on comprend que le premier soit qualifié « le coupable, de rebelle, de sourd et d’aveugle, el que le second soit loue pour son innocence, sa docilité, sa fidélité. Cependant, cette explication est insoutenable aussi : a. S’il s’agissait d’un noyau de fidèles, si restreinl fût il, le prophète devrait

in faire partir, au lieu de se classer lui même parmi

les réfractaires, un, 6, omnes nus </aqu m>cs erravimus…’, . Si la portion fidèle du peuple a soullerl. elle

n’a pas soutint plus que la masse du peuple. Comment

! il (Inné que le peuple dans son ensemble méprise

le ii il aide Israël a cause de ses Souffrances ? Comment

peut il dire, a a ni été châtié lui aussi : i Léchât tment

(pu nous apporte la paix est tombé sur lui’, ' y, Les

prophètes promettent d’ordinaire le salut au reste pu ri fié d’Israël, c’est adiré aux justes ; les fidèles seront donc loui premièrement les bénéficiaires de la délivrance, mais nulle pari ils ne sont présentés comme OUffranl et mourant au profil et a la place de leurs

frères coupable*.

-) Le serviteur de Jahvé ne représente pas l’Israël idéal. — Plusieurs critiques anglais (Davidson, Driver. Skinner), ont adopté la théorie d’Ewald et de Dillmann. d’après laquelle le serviteur de Jahvé serait une personnification d’Israël dans sa destination idéale, tel qu’il existe dans le plan divin, tel qu’il n’a jamais été réalisé dans l’histoire. Dire que Jahvé sauve son peuple par son serviteur, reviendrait à dire qu’il le sauve à cause de son élection et de sa mission providentielle, pour être lidèle a ses promesses et pour réaliser son plan. — Cette explication est juste en partie : il est vrai que Dieu sauve son peuple, pour lui permettre d’accomplir sa mission, conformément aux desseins providentiels ; mais nos textes ne disent pas seulement que Dieu sauve son peuple à cause du serviteur et en vue du serviteur, mais ils disent encore qu’il le rachète par son serviteur. D’autre part, cette explication soulève des difficultés insurmontables : y.. Elle est incompatible avec les traits individuels relevés dans le portrait du serviteur, (die ne s’allie pas avec le ton naturel et simple des chants. — p. Comment peut-on dire de l’Israël idéal, qu’il a été appelé des sa naissance, qu’il a grandi, qu’il a souffert, qu’il est mort pour les péchés du peuple ? La rédemption de l’Israël réel ne s’opère-t-elle donc que parle martyre de l’Israël idéal ? — y. Une conception aussi abstraite, qui ferait d’un exemplaire divin non seulement la cause finale, mais encore la cause instrumentale de la rédemption, est étrangère a l’Ancien Testament et à l’horizon de notre prophète ; elle n’a aucun fondement. historique ou psychologique, c’est une sorte d’idée platonicienne. — S. Si l’on veut donner â cette théorie une signification acceptable, il faut, dans un certain sens, la pousser jusqu’au bout et dire tout simplement que cet Israël idéal, serviteur de Jahvé et médiateur du salut, n’est pas une collectivité idéale, une représentation du peuple tel qu’il devrait être et tel qu’il existe dans le plan divin, niais un personnage individuel, le Messie, représentant d’Israël, à la fois idéal et réel, qui rachètera les tribus d’Israël el le monde par ses souffrances et par sa mort. Nous sommes ainsi ramenés au sens individuel et messianique.

L’opinion défendue par Gesenius qui voyait dans le serviteur de Jahvé une personnification de l’ordre des prophètes, ne compte plus d’adeptes. Les partisans actuels du sens collectif reviennent de plus en plus, comme à la solution la plus simple, à l’opinion qui identifie partout le serviteur de Jahvé avec le peuple d’Israël tout entier. Mais cette théorie elle-même, maigre les efforts énergiques de Giesebreeht et de Budde, est peu à peu délaissée, et le sens individuel des chants du serviteur revient en honneur.

b) Le sens individuel n’est pas en contradiction avec le contexte.

Nous avons vu que l’interprétation individualiste des quatre passages relatifs au serviteur de Jahvé est la seule qui réponde aux exigences du texte. Le sens collectif ne convient pas â la teneur de ces morceaux pris en eux-mêmes ; mais il ne s’harmonise pas davantage avec les autres endroits de la seconde partie

d’Isaïe où le peuple d’Israël est appelé serviteur de

Jahvé. Et cependant, l’argument emprunte au contexte qui encadre les chants du serviteur est le principal, voire même l’unique qu’apportent les défenseurs

du sens collectif : Dans beaucoup de passages de la seconde partie d’Isaïe. dit on. le serviteur représente Israël personni lie d’une façon vive, nette, audacieuse ; il doil en être de. même dans les soi-disant chants du Serviteur. Il est inadmissible que le prophète, qui, dans

plusieurs passages, applique explicitement la notion et

le titre de serviteur â Israël, ail fail. en d’autres endroits, sans avertissement aucun, un usage tout différent de ce litre. Au nom de l’harmonie qui doil régner entre les différentes parties de l’œuvre, il faut