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JEAN DE SALISBURY


écrits, il pouvait se procurer quelque ressource, mais ses dépenses étaient lourdes, car après l’exil de Thomas, les services qu’il rendit à son archevêque et ami nécessitèrent des voyages coûteux. Sa situation pourtant finit par s’améliorer. Il prolongea son séjour à l’étranger, espérant qu’il pourrait à la longue rentrer en Angleterre sans avoir à sacrifier aucun de ses principes. A diverses reprises, il fit appel aux bons ofîices, de Richard, archidiacre de Poitiers, de Gilbert Foliot, évêque de Londres, de Henri, évéque de Baveux. Fidèle à la cause de Thomas Becket, il critiquait pourtant ses méthodes avec une sincère franchise, il n’approuvait pas la diplomatie, trop raide à son avis, de la cour pontificale. Dans les tentatives de rapprochement entre le roi et l’archevêque, Jean refuse d’accepter les constitutions de Clarendon, mais il apporte la même fermeté pour détourner Thomas d’en venir à la mesure extrême de l’excommunication et de l’interdit. Epist., clxxv, col. 166-171. Finalement, la paix conclue a Fréteval, le 22 juillet 1170, permet à l’archevêque et à Jean de rentrer en Angleterre : en octobre Jean écrit aux moines de Cantorbéry qu’ils doivent s’attendre à recevoir bientôt leur chef spirituel. Epist., ccxcix, col. 347. Lui-même aborde en Angleterre le 9 novembre, se rend à Cantorbéry, où il trouve les propriétés de l’Fglise entre les mains des ofliciers du roi, il va trouver Henri II, et rend visite à sa propre mère âgée. Le 29 décembre, il assistait au meurtre de Thomas de Cantorbéry ; ses conseils de prudence à l’archevêque n’avaient pas été entendus. On a dit qu’au moment fatal il aurait manqué de courage et serait allé se cacher, il serait ensuite revenu sur le théâtre du meurtre. Un de ses amis au contraire a écrit qu’il a été teint du sang du martyr, sanguine beali marlyris Thomas intinclus. Pierre de Celle, Epist., c.xvii, P. L., t. cen, col. 567.

Pour le reste de la vie de Jean, les détails se font rares : peu nombreuses sont les lettres de cette époque qu’on ait conservées de lui. Il reste attaché au nouvel archevêque de Cantorbéry, Richard, prieur de Saint-Martin de Douvres, qui fut reconnu par le nouveau roi seulement en 1174. Désireux de voir la canonisation de Thomas, il écrit sa vie. Epist. ccciv, col. 355. Sur les instances de Guillaume, comte de Champagne, Jean de Salisbury est nommé à l’évêché de Chartres, le 22 juillet 1176 et sacré à Sens le 8 août suivant. Pendant les quatre ans de son épiscopat, il donna de nouvelles preuves de son zèle pour les prérogatives du clergé et pour la discipline ecclésiastique : au concile de Latran de 1179. il montra son attachement au anciens décrets cpi’on eût voulu abroger. Il remplit avec succès plusieurs délégations du Saint-Siège. Il eut pourtant des détracteurs : On vous reproche, lui écrivait Pierre de Celle, abbé de Saint-Remi qui devait lui succéder sur le siège de Chartres, on vous reproche de manquer de gravité dans votre conduite, de circonspection dans vos discours, de stabilité dans vos jugements, d’exactitude dans vos promesses… Si tout cela est véritable, vous êtes bien changé, d Epist., il, 168. P. 1… I. cen, COl. 568. Pierrre de Celle hésitait à le croire, et de l’ail les contemporains de Jean sont presque unanimes à lui décerner des éloges. L’évêque de Chartres mourut le 25 octobre 1 180.

IL Œuvres. - — Une vie si traversée ne laissait pas beaucoup de loisirs à l’écrivain. Cependant Jean de Salisbun a laissé’des écrits qui le rangent parmi les

meilleurs humanistes de son temps : on y reconnaît

un Ici lié 1res versé dans la connaissance de l’antiquité.

il « si en même temps philosophe et théologien : Vir magna religionis loliusque scientiæ radiis illwttratus,

est-il ilit dans l’éloge nécrologique de Chartres. ()n

a’de lui :

1° Le Polycralicus (certains (’ciiscni Policraticus),

sive de nugis curialium et vestigiis philosophorum. C’est son ouvrage le plus considérable, satire des mœurs de son temps et principalement de la cour de. Henri IL L’auteur le dédie à Thomas Becket. Un prologue ou épître en vers, adressé au livre lui-même, lui conseille ou de rester paisible dans le cabinet de son auteur ou de se présenter avec circonspection : suit un éloge ou panégyrique de Thomas, chancelier d’Angleterre (nous avons dit que l’ouvrage fut terminé en 1159). Les bagatelles qu’il va peindre, il les trouve à l’Église, à la cour. En huit livres, l’auteur traite des principes de gouvernement, de la philosophie, de la science ; les digressions y sont tellement nombreuses qu’on y trouve une véritable encyclopédie, et le meilleur reflet de la pensée cultivée au milieu du xue siècle. Le I er livre a 13 chapitres : on y signale les dangers d’un rang élevé, les devoirs qu’impose la situation personnelle de chacun, les plaisirs que l’on substitue dans les cours à l’accomplissement du devoir. Le IIe livre en 29 chapitres revient sur les augures, traite du siège de Jérusalem, du miracle de Vespasien, de la science et prescience de Dieu. Au chapitre xxvi on trouve cette assertion : « Si je ne puis arranger le conflit qui existe entre la Providence et le libre arbitre, si je ne puis concilier la certitude des événements avec la facilité naturelle d’agir, tout cela n’en est pas moins certain : la cause en est sans doute dans la faiblesse de nos lumières. » Le IIIe livre a 15 chapitres : on y recherche ce qui constitue l’homme : l’âme est le principe de la vie du corps comme elle-même a Dieu pour principe de sa vie, quels avantages il y a à s’étudier soi-même, d’où viennent nos maux, orgueil insensé, flatterie pernicieuse. Celle-ci ne peut être permise qu’à l’égard des tyrans, car ce sont des ennemis publics qu’il est juste de tuer. Le IVe livre, en 12 chapitres traite de la subordination des princes vis-à-vis du sacerdoce même au temporel : du pouvoir que l’auteur attribue à l’Église de donner des couronnes il en déduit qu’elle les peut ôter. Le V° livre, 17 chapitres, continue à nous entretenir de la dignité royale, des obligations qu’elle impose, des vertus qu’elle exige, des maux que peut produire l’exemple des souverains, par exemple Trajan. Il traite ensuite des auxiliaires des princes dans le gouvernement : devoirs des juges que l’auteur compare aux oreilles et aux yeux dans le corps humain. Le VIe livre en 29 chapitres expose les devoirs des guerriers, des laboureurs et autres ouvriers, toute une réminiscence des Géorgiques de Virgile. Ensuite l’auteur revient â des principes plus généraux en matière de gouvernement et montre comment l’union doit régner entre maîtres et sujets : il rapporte tout au long une conversation qu’il eut avec Adrien IV. Dans le VII’livre, lit) chapitres (Migne n’en donne que 25). nous avons des appréciations sur les anciens philosophes, un exposé de l’essence et des caractères de la vertu, des vices les plus fréquents à la cour et les plus dangereux pour l’Étal : préférence donnée aux académiciens malgré leurs erreurs. Le VII Ie’livre, 25 chapitres est le plus varié : il donne les seuls moyens de vivre heureux et tranquille, marque l’opposition entre la vraie et la fausse gloire, l’avarice et la libéralité… la tyrannie et le bon usage de la puissance souveraine. Au c, xx l’auteur revient sur ce qu’il a dit au livre troisième… I)u luxe des repas, etc. Il y a un peu de désordre dans toute cet le érudition.

Éditions : On a huit éditions du Policraticus : la première siins indication de tien, fut faite ou à Cologne ou à Bruxelles, « » i 171. ; ^ in-s. ; i t.yon. 1513 ;  : i m- 1 a Paris, 1513 ; I’iu-.S’. à l.cvdc, 1595 ; 5 1 Leyde 1639 ; 6 ln-8°, à Amsterdam, 1664. La septième et huitième dans la Bibliothèque des Pères à Cologne et à Lyon, d’où il est passé dans />. /, ., i i < i. col. : 17’.)-S2 : i. Le livre a été traduit en Iran-