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JEAN DE LA CHOIX (SAINT. DOCTRINE


vie étemelle, ». xxvi. Les biens surnaturels sont donnés pour l’utilité de tous, à la différence des biens spirituels, qui font l’objet d’un commerce intime et privé entre Dieu et l'âme. Ils procurent un double avantage, temporel d’une part, spirituel et éternel de l’autre, on ne doit s’en réjouir qu'à ce dernier titre. Dieu permet sans doute à la nature et au démon d’imiter ses œuvres. Celles qui sont autbentiquement divines sont reconnaissables au profit qu’elles apportent à qui les opère, c. xxix. Ceci amène l’auteur à développer sa pei sée en parlant des sorciers, magiciens, etc., qui ont pactisé avec le démon, (. xxx. Voici enfin la sixième et dernière classe de biens, les spirituels destinés à acheminer l'âme vers l’union divine. On peut en faire une double classification : a) biens pénibles et biens agréables, partagés de part et d’autre en obscurs et confus, clairs et distincts ; b) biens intellectifs, affectifs, Imaginatifs. Il ne sera question ici que des biens spirituels agréables, dont l’objet est clair et distinct. L'étude du reste est réservée à la nuit passive On en compte quatre espèces : a. émotifs : images et statues des saints, oratoires, cérémonies du culte, lieux et exercices de dévotion. Avec beaucoup de sens théologique, l’auteur combat les superstitions et les pratiques vaines et indiscrètes ; et par ailleurs, avec beaucoup de sens artistique, il disserte sur les églises et les lieux de prière. (. xxxii-xi.m. — b. Provocalifs : C xliv, la prédication, considérée au double point de vue du prédicateur et des auditeurs. Le saint proclame la valeur de l’art de la parole, qui, dit-il, sauve les causes en péril, comme l’absence de ihélorique perd les meilleures causes… La Montée du Carmel se termine ici sur une phrase inachevée. Deux espèces de biens spirituels ne soit pas expliqués : les directi/s, et les per/ectifs. Le P. Gerardo opine que par directifs, Jean entend ce qui concerne la direction spirituelle ; les perfectifs seraient les vertus et les grâces divines. Le saint se proposait aussi de traiter l’espérance, la douleur et la crainte. Voir t. III, c. xv. Nous ignorons si ces plans ont été réalisés.

A la suite de la Montée, l'édition critique publie deux fragments inédits, et les attiibuc à saint Jean : La jouissance, première affection de la volonté. Nul objet de l’appétit n’est un moyen proportionné à l’union divine par la volonté. — Pour s’unir à Dieu, la volonté doit être vide de tout uppclil naturel. On retrouve dans ces textes le style et la doctrine^de notre saint.

3. Analyse de la Nuit obscure.

Le livre intitulé Nuit obscure a pour thème le cantique déjà commenté dans la Montée du Carmel. Les deux premières strophes exposent les effets des deux purifications spirituelles, des sens et de l’esprit ; les six auties comprennent les effets multiples et merveilleux de l’illumination spirituelle et de l’union d’amour avec Dieu. Notons de suite que cette dernière partie nous manque ; la Nuit obscure, comme la Montée, contenue dans les mss que nous possédons, est Inachevée. Conformément au dessein annoncé, Montée, t. I, c. i, l’auteur va expliquer le second aspect de la « Nuit > des sens et de l’esprit et non pas, qu’on le remarque bien, une autre partie de cette nuit. Il s’agira de lo pasivo c’est-à-dire de ce que Dieu fait dans l'âme sans autre concours positif de sa paît que son libre consentement.

Et d’abord, pourquoi celle action spéciale de Dieu ? Parce que l'âme est incapable par sa propre industrie de se purifier autant que le requiert l’union d’amour ; sans doute convient-il qu’elle travaille de son mieux à s’y disposer, mais Dieu doit y mettre la main pour parachever l'œuvre, si i <<] -lie I, vs. 1, § iv. D’où description des imperfections propres aux commençants, ramenées aux sept péchés capitaux. Str. I, § 1-vni. Le saint docteur, en psychologue aveiti,

fouille tous les replis de la nature humaine déchue avec une pénétration extraordinaire, encore avoue-t-il n’avoir signalé que le plus important. Dieu fait donc progresser en opérant l’universelle suppression des goûts et saveurs à l’endroit du créé. C’est la Nuit dite « passive t.

Et par quel moyen opère-t-il ? Par la nuit de contemplation, qui produit deux sortes de ténèbres ou purifications, selon les deux parties de l'âme, la sensitive et la spirituelle. On débute par la nuit des sens qui est très commune. Celle de l’esprit est le propre des avancés ; elle est très rare, § ix. L’auteur entre en matière en donnant les trois signes auxquels le spirituel discerne expérimentalement la nuit des sens, !  : x. puis il indique la conduite à tenir, § xi. On rencontre ici le texte, ayant trait à l’appela la contemplation : porque no a lodos los que se ejercitan de proposilo en el camino del espiritu lleva Dios à conlemplaciôn ni aun à la milad : el por t qué, el se lo sabe. « Dieu n'élève pas à la contemplation tous ceux qui s’exercent délibérément dans le chemin de l’esprit, pas même la moitié ; le pourquoi, Lui seul le sait. » Ce texte fait difficulté pour les tenants de « la contemplation accessible à tous » (cf. Arintero, O. P., Cuestiones misticas, Salamanque, 1920, 2e édit.). Notons aussi que certains écrivains distinguent les^ « signes i donnés dans la Montée, *. II, c. xi et xii, 'de ceux de la Nuit obscure. D’autres y voient des notions qui se complètent mutuellement.

A la purification passive des sens succède celle de l’esprit, mais pas toujours immédiatement ; cette purification est nécessaire pour achever de spiritualiser l'âme, encore appesantie parole corps. Celle-ci reçoit des communications qui produisent des faiblesses, fatigues, ravissements, extases, secousses des os, preuve que les communications ne sont pas purement spirituelles, comme le requiert l’union. Le traitement par la nuit de l’esprit fait graduellement disparaître ces imperfections, et d’autres encore, habituelles et actuelles. L’auteur obseive ici que les deux parties de l'âme ne se purifient jamais bien l’une sans l’autre. La nuit des sens devrait s’appeler réforme, et cohibition de l’appétit, plutôt que purgation, car les désordres de la partie sensitive tiennent de l’esprit leur origine et leur force. Mais avant de les soumettre conjointement à une même action purifiante, il fallait accommoder les sens à l’esprit.

En quoi consiste cette action spéciale de Dieu ? C’est la contemplation infuse, ou Théologie mystique, dans laquelle Dieu instruit secrètement l'âme en perfection d’amour, sans que, celle-ci agisse de son propre mouvement, ni même comprenne cette divine influence. Elle est cette, sagesse amoureuse de Dieu, disposant l'âme par purification et illumination à l’union d’amour, celle-là même qui purifie les esprits bienheureux. En cette vie, à cause de la disproportion, elle est cependant nuit obscure, pénible, affligeante. Les extrêmes, le divin et l’humain, sont appelés à s’unir étroitement, intimement ; l’humain doit subir une transformation radicale que saint Jean désigne par les expressions les plus fortes : désassimilation intérieure, destruction expérimentée dans la substance de l'âme, sécheresse, vide, pauvreté, nudité etc. Cet état est un véritable purgatoire anticipé, el l'âme qui le subit maintenant ne séjournera pas plus tard, ou du moins ne sera que peu de temps, dans celui d’outre-tombe, car une heure de ce purgatoire ici-bas est plus ellicacc que plusieurs heures dans l’autre vie. I.a volonté, § m. a aussi sa grande part de terribles souffrances ; malgré certains soulagements, eei laines consolations intermittentes, l'âme sent qu’elle n’est pas au boni de ses peines. A propos du purgatoire le saint docteur ne dit pas que Us âmes y doutent