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JEAN DE [CORNOUAILLES


ou Joannes a Sanclo Germano, est présenté par beaucoup d’auteurs comme Anglais d’origine : Cave, De scriptoribus ecclesiasticis, t. ii, p. 238 : Fabricius, Bibliotheca média ; et infimoe latinitatis, t. iv, p. 67 ; Oudin, Commentarius de scriptoribus ecclesiasticis, t. ii, p. 1529, etc. On place son berceau a Saint-Germain, localité de Cornouailles. D’autres cependant le font naître en Basse-Bretagne ; ainsi Levot, Biographie bretonne, 1. 1, p. 933. Tout ce que nous savons de positif à son sujet, car lui-même l’affirme, c’est qu’il fréquenta en France, à Paris, les écoles de Pierre Lombard, de Bobert de Melun, de Maurice de Sully : il distingue les deux derniers comme les docteurs les plus orthodoxes de l’époque. Giraldle Cambrien, dans sa Genuna ecclesiastica, ii, 35, nous assure de Jean de Cornouailles qu’il professa à son tour, mais où et pendant combien de temps, c’est ce qu’on ne saurait dire d’une façon précise : il y a quelque apparence qu’il assista au concile de Tours en 1163, peut-être Alexandre III le connaissait-il personnellement. On a quelque raison de penser que ses principaux écrits, où sont mentionnées les controverses entre théologiens de France, furent composés en ce pays : d’autre part cependant c’est l’Angleterre qui possède les manuscrits de plusieurs ouvrages de Jean de Cornouailles. Quelques auteurs le font vivre jusqu’en 1176, et même après, mais rien ne prouve qu’on doive l’identifier avec un Jean de Cornouailles archidiacre de Worcester en 1197. (Voir à ce sujet Le Neve, Fasli, iii, p. 73.) En somme bien des incertitudes planent sur cette existence.

IL Œuvres. — On se trouve arrêté par des doutes analogues sur certains ouvrages qui lui sont attribués : un traité toutefois lui est assigné sans contestation. 1° Ouvrages douteux. Ce sont : 1. Summa qualiter fit sacramentum allaris per virtutem sanctæ Crucis et de Septem canonibus vel ordinibus Missæ. L’écrit a été attribué soit à Guillaume, abbé de Saint-Thierry, soit à Hugues de SaintVictor, soit à Bichard de Saint-Victor. Des manuscrits anglais, comme le n. 459 de Corpus Christi Collège à Cambridge en font honneur à Jean de Cornouailles : ce sentiment est accepté par Dom B. Ceillier, Histoire générale des auteurs ecclésiastiques, 2e édit., t. xiv, p. 358 et par Oudin, op. cit., mais on n’en voit pas la raison. Le traité a été donné dans un Recueil des auteurs liturgiques imprimé à Borne en 1591 : Migne l’a inséré à la suite des œuvres de Hugues de SaintVictor, P. L., t. cLxxvii, col. 455.

— 2. Apologia de Christi Incarnalione, ou De Verbo incarnalo, ou De homine assumpto : on y traite le même sujet que dans YEulogium dont il va être question plus loin. L’ouvrage attribué à Hugues de Saint-Victor a été mis au compte de Jean de Cornouailles par Oudin, op. cit.. Ce dernier prétend que l’écrit fut composé pour le concile de Tours en 1163, mais les raisons qu’il allègue valent aussi bien pour Hugues de Saint-Victor : le traité est dans P. L., t. clxxvii, col. 455. — 3. D’autres œuvres restées manuscrites, comme Commentarius in Aristotelis libros duo Analyticorum posteriorum, ms n. 762 de Magdalen Collège à Oxfurd.

2° Ouvrage certain. C’est YEulogium ad Alexandrum papam III, avec ce sous-titre : Quod Christus sit aliquis homo. Cet écrit fut composé pour combattre le sentiment d’Abélard, de Gilbert de la Porrée, et même de Pierre Lombard, pendant un temps : ces auteurs prétendaient que l’humanité du Christ n’était qu’un Vêtement dont le Verbe avait daigné se couvrir. On avait dit avant eux, et nous disons encore aujourd’hui, que le Verbe s’est revêtu d’une chair humaine : ces docteurs prenaient l’expression trop a la lettre. Ils furent désignés de leur temps sous le nom de nihilistes, parce qu’ils réduisaient à rien ou à trop peu de chose

l’humanité de Jésus-Christ. Le Verbe Incarné n’étant en ses deux natures qu’une seule personne, il ne leur semblait pas qu’on pût trouver en l’humanité de quoi dire : Voilà un quelqu’un ; leur doctrine prétendaient-Us, se bornait à énoncer le dogme qui déclare que Jésus-Christ, en tant qu’homme seulement et abstraction faite de sa divinité n’est pas une personne distincte, entière et complète. — Alexandre 1Il lit condamner cette erreur dans un concile tenu à Tours en 1163 ; quelques années après, il fit écrire à Guillaume, archevêque de Reims (IX février 1177), et à d’autres évêques de France pour réprimer la témérité de ceux qui disent : Christus non est aliquid secundum quod est homo… C’est là un abus, ajoute-t-il, appuyés sur notre autorité, défendez sous peine d’anathème un tel langa » ge… Denzinger-Bannwart, Enchiridion. n. 393. — Jean de Cornouailles avait d’abord partagé les idées de Gilbert de la Porrée, d’Abélard et de Pierre Lombard, comme il le confesse lui-même, mais il seconda le zèle du souverain pontife en composant son Eulogium.

— A en juger par la préface, la rédaction de ce traité ne fut faite qu’après 1176, car Jean y parle de Guillaume présentement archevêque de Reims et précédemment archevêque de Sens : or, la translation de ce prélat eut lieu en 1176. D’après une déclaration qui se lit en tête d’un manuscrit conservé à SaintVictor, Oudin, op. cit., t. ii, p. 1530, l’auteur aurait écrit antérieurement sur cette matière, mais avec trop de concision et sans résultat : c’est ce qui lui a fait attribuer V Apologia signalée plus haut. — Quoi qu’il en soit, voici d’après Jean de Cornouailles, ce que contient YEulogium : Dieu s’est fait homme. De ce dogme on a donné trois explications : selon les uns, il existe en Jésus-Christ un homme véritable, selon les autres, il faut joindre à la chair et à l’âme une troisième substance, savoir la divinité pour constituer la personne de l’Homme-Dieu, selon d’autres enfin, l’humanité est en Jésus-Christ vêtement et non substance, il n’y a pas en lui un pur et simple homme, une personne humaine proprement dite. Après cet exposé qui forme le 1 er chapitre, l’auteur cite les autorités qui semblent favoriser les deux derniers systèmes, spécialement un passage où saint Augustin explique les mots : Habitu inventus ut homo, Phil., ii, 7, il expose ce qu’ont dit Gilbert de la Porrée, Abélard, Pierre Lombard, remarque que ce dernier n’a fait que répéter sans trop de confiance ce qu’ont dit les deux autres, c. n et in. A ces docteurs il oppose saint Anselme de Cantorbéry, saint Bernard, Achard, évêque d’Avranches, Robert de.Melun, Maurice de Sully, c. iv. Alors il s’engage dans une discussion rigoureuse, établit par des autorités et des arguments comment il y a un homme proprement dit, aliquis homo, en Jésus-Christ, il apporte des passages des Psaumes et de l’Évangile, c. v, divers textes de saint Augustin, c. vi, vii, viii, répond aux objections que l’on peut présenter, c. ix à xix. Le c. xx résume tout ce qui précède ; Jean de Cornouailles y invite le pape à frapper d’anathème l’enseignement des nihilistes. Le traité a été donné par Martène, dans Thésaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. v, col. 1655-1702 ; dans P. L., t. cxcix, col. 1041-1086.

Du Boulay, Histoire de l’Université de Paris, 1. n. p. 750 ; Cave, De scriptoribus ecclesiasticis, t. ii, p. 2 :  ! S ; Dom 11. Ceillier, Histoire des auteurs ecclésiastiques, t. sxii, p. liis ; Daunou, dans Histoire littéraire de la France, t. HV, p. 194 ; Dupin, Bibliographie des auteurs ecclésiastiques, t. xii, 2* partie, p. 623 ; Fabricius, Bibliotheca latiua medim et infimes latinitatis, Hambourg, 1735, t. i, ». L89 ; Th. Hardy, Descriptive catalogue o/ materlals relaling Ut the history o/ Great Brilain and Ireland, Londres, l.S(i.">.. ; vol. iu-S, I. ii, p. 394 ; Gtoss, Sources and Ltteraiure o Engllsh History, Londres, 1900 ; C. !.. Kingsford, John./ CornwaO dans Dictionarg o/ National Biographu, Londres, 1908, t. x, p. 875 ; D. Martène, Thésaurus novus anecdotorum, Paris,