Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/38

Cette page n’a pas encore été corrigée
61
62
[S IK, LE ROI M ESSIAN [Ql I.


messe tout aussi difficile à croire, sinon plus, que la solennelle promesse de délivrance déjà faite auparavant.

Cette dernière explication contient cependant

des éléments de vérité. Elle reconnaît que le salut messianique est effectivement la garantie du salut présent : un peuple qui doit donner le jour au Messie, qui doit être définitivement sauve par le Messie, ne peut disparaître totalement dans les tourmentes qui ravagent son histoire ; et la foi présupposée au Messie futur devait être pour les juifs pieux le plus ferme soutien de leurs espérances dans les calamités présentes. Elle reconnaît aussi, en fin de compte, qu’on ne peut aucunement trouver au t 14, dans la naissance d’Emmanuel, le signe donné par Dieu.

C’est ce qu’admettent Davidson, Huyghe, Durand, Condamin et d’autres. Le signe donné par Dieu est un >igne de menace, il consiste dans les châtiments qui vont fondre sur Achaz, et qui sont annoncés immédiatement après le v 14. Le vil oùlanaissanced’Emmanuel est proposée comme imminente, ne contient pas le signe de la délivrance prochaine. Pour Delattre, Huyghe et Durand (et Condamin se rallie timidement à leur interprétation), le verset 14 ne servirait qu’à montrer l’imminence des châtiments. Jahvé punira l’incrédulité d’Achaz. Cela est tellement sûr, que « si la vierge promise venait maintenant à concevoir et à enfanter, l’Emmanuel, son fils, en qui la famille de David place son espoir, n’aurait pas encore atteint l’âge de discrétion qu’on se verrait déjà en face des faits accomplis. Comme tous les autres il en serait roduit à se nourrir de lait et de miel sauvage, les seuls mets qu’on trouvera dans le pays, après que les ennemis auront passé. » Cf. Condamin, op. cit. p. 71-72. Cette explication nous rapproche de la véritable solution, en ce sens qu’elle détermine bien la nature du signe ; mais elle ne précise pas encore ce dont les châtiments imminents doivent être le signe. Or, un signe doit, de quelque façon, signifier quelque chose. L’interprétation hypothétique du ? 14 d’après laquelle la particule hébraïque hinnêh n’aurait pas le sens de ecce, mais de si, supposé que, est artificielle, dit Lagr.mge, Revue biblique, 1905, p. 280. Il faudra donc résoudre autrement la difficulté créée par l’annonce de la naissance imminente d’Emmanuel.

La solution proposée par Van Hoonacker, La prophétie de la naissance a" Immanu-El, dans la Revue biblique, 1904, p. 213-227, surtout p. 225-226, ressemble beaucoup à la précédente, mais évite le double inconvénient signalé. On reconnaît d’abord que le signe donné par Dieu à la maison de David n’est pas la naissance d’Emmanuel, mais le châtiment de l’invasion assyrienne. Les maux que le roi et le peuple de Juda auront bientôt à souffrir de la part de ces armées assyriennes en qui Achaz mettait tout son espoir et qu’il appelait à son secours, devront servir à prouver, tout comme le signe proposé d’abord à Achaz, la ferme volonté de Jahvé de sauver son peuple par lui-même, sans le secours d’armées étrangères. Aussi, avant d’apporter ce nouveau signe. Jahvé réitère encore une fois, par la bouche de son prophète, la solennelle affirmation du salut divin : t Voici que la vierge est enceinte et elle enfante un fils, et elle appellera son nom Dieu-avec-nous. Le f 14 exprime l’assurance du salut : le nom même de l’Emmanuel l’indique, et d’ailleurs dans tous ces chapitres Emmanuel apparaît réellement comra : le roi-sauveur ; il contient aussi l’affi.mation du salut par Dieu seul, non seulement sans le secours d’armées étrangères, mais encore sans le secours des forces de la maison de David, car Emmanuel naîtra d’une vierge sans le secours d’un homme.

Les désastres causés par l’Assyrie seront donc le signe de cette volonté salvifique de Jahvé. Malgré le refus d’Achaz, le dessein providentiel subsiste, mais la perspective du salut divin s’éloigne. Il ne s’agit plus

pour le moment d’une intervention divine délivrant Achaz du péril svro-éphraïmite ; Assur se chargera de cette besogne, conformément à la politique humaine d’Achaz, mais ce salut sera pour le roi infidèle un châtiment, et le sauveur sera en même temps un fléau, et la maison de David devra reconnaître alors que Jahvé seul peut sauver Juda, et le sauvera en effet par son Messie.

Nous avons vu quel était le signe donné par Isaïe au nom de Jahvé, et ce que ce signe devait signifier : le salut opéré par Dieu au moyen d’Emmanuel. Un point reste à expliquer : comment Isaïe peut-il présenter ce salut au terme de l’invasion assyrienne ?

Au chapitre viii, 8 sq., Emmanuel est salué comme le Sauveur qui repoussera les flots de l’invasion assyrienne. Au chapitre xi, le rameau sorti du tronc de Jessé, c’est le prince qui inaugurera le règne de la paix sur les ruines de l’invasion assyrienne décrite au chapitre x. Dans Michée aussi, v, 3-5, le (ils de « celle qui doit enfanter a pour mission de délivrer le peuple du joug d’Assur. La perspective est la même dans Isaïe, vii, 14 : la Vierge est enceinte, elle va mettre au jour l’enfant sauveur ; Emmanuel sera réduit à se nourrir de beurre et de miel. La chose est plus frappante encore si le verset 16 est authentique : avant qu’Emmanuel sache rejeter le mal et choisir le bien, le pays de Juda sera dévasté par les Assyriens ; mais la connexion entre Emmanuel et l’invasion assyrienne subsiste dans l’hypothèse de l’interpolation du verset 16.

Ce phénomène n’a rien d’extraordinaire ; il se présente peut-être avec une acuité spéciale dans Isaïe, mais il se rencontre chez tous les prophètes ; il est conforme à la loi qui préside à la conformation des visions et prophéties messianiques. Le salut messianique, à raison de la garantie qu’il offre du salut présent de la nation, se confond dans l’attente d’Israël et dans les oracles qui en sont l’écho, avec la victoire sur les ennemis du présent, avec la fin des épreuves sous lesquelles le peuple gémit actuellement. En particulier, dans la pensée d’Isaïe, les armées assyriennes représentent les ennemis du peuple de Dieu, la puissance païenne qu’Emmanuel devra combattre. Et comme le mal de la part de l’Assyrie est imminent, Isaïe est amené à présenter l’intervention du Messie comme se préparant aussi.

Telle est la solution que le P. Lagrange juge définitive. Elle pourra paraître subtile dans certains de ses éléments, entre autres, la détermination du signe et de sa nature, mais elle semble, la seule possible dans l’état actuel du texte et du contexte de la célèbre prophétie d’Isaïe, vii, 14.

c) La prophétie de la royauté et des noms merveilleux du Messie : Is., ix, 5-6. — Nous avons déjà montré comment cette prophétie se rattachait au même contexte historique que la précédente. A la sombre peinture des maux que les deux maisons d’Israël auront à subir de la part des Assyriens, le prophète oppose un brillant tableau des temps messianiques, viii, 23-ix, 6 ; dans la Vulgate, ix, 1-7. L’authenticité de ce tableau ne peut être sérieusement contestée, ainsi que le reconnaît Duhm. Il se rattache trop intimement au tableau précédent avec lequel il forme, dans les expressions, un contraste voulu. Tandis que Marti, Geschichte der Israzlitischen R : ligion, Strasbourg, 19)3, p. 190, en rejette l’origine isaïenne sous prétexte qu’il n’est pas question d’un Messie personnel chez les prophètes jusqu’au temps du second Isaïe, Skinner, The li of the Prophet Isa ah, t. i, p. VIII, Cambridg, 1 affirme que les deux idées maltresses de la prophétie messianique chez Isaïe sont précisément l’idée d’un Messie personnel et la foi en l’inviolabilité de

Le caractère messianique du passage est f nOralement reconnu, si l’on excepte l’exégèse juive qui ap-