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JEAN DAMASCÈNE SAINT). DOCTRINE


en ta désapprouvant, la défection de la volonté libre, c’est-à-dire le péché, qui est le seul vrai mal. Le mal en soi n’existe pas. Cen’est pas une substance

mais une privation de bien. Le mal suppose le bien, et se rencontre toujours avec quelque bien. Jean réfute longuement le dualisme manichéen dans son grand Dialogue contre les manichéens, dont il a donné un résumé dans le livre IV de la Foi orthodoxe, lors de la revision dernière de cet ouvrage. De fide orih., I. IV, 19-21, col. 1191-1198. Il fait allusion à ce que les philosophes appellent le mal métaphysique, qui atteint toutes les créatures, puisqu’elles sont toutes imparfaites. Contra m midi.. 96, col. 1569 c. Mais il parle surtout du mal moral, du péché, qu’il déliait « une déviation volontaire de ce qui est suivant la nature vers ce qui est contre la nature, i De fide orth., t. IV, 20, col. 1196 c.

Cette déviation volontaire, qui en soi est une privation de ce qui est bien, un vrai non-être, Dieu n’en est en aucune façon l’auteur. Sa vraie eause, c’est la volonté libre de la créature. Le péché fut d’abord la trouvaille du diable. Ibid.

Le mal physique accompagne nécessairement le péché. Sa vraie cause, c’est le péché ; car c’est le péché qui attire le châtiment. C’est le péché d’Adam qui a attiré sur l’humanité les maux physiques dont elle souffre. A vrai dire, la cause du châtiment, ce n’est pas Dieu mais le pécheur, qui oblige le Dieu juste et bon â le punir, et qui trouve son propre châtiment dans sa volonté perverse. Contra manich., 37, 79, 81-82, col. 1544 e. 1577, 1580-1581. Cf. col. 1573 bc. Du reste, le mal physique n’est qu’un mal apparent. Le châtiment est bon en lui-même, xocÀov Y) xôXaaiç. Ibid. 19, col. 1549 a. Cf. col. 1548. 1581. De fide orth., t. IV, 19, col. 1193. Les épreuves et les souffrances du juste lui servent pour son salut, et Dieu sait en tirer encore d’autres biens. De fide orth., t. II, 29, col. 965 ; IV, 19, col. 1193.

Mais pourquoi Dieu permet-il le mal moral ? Pourquoi crée-t-il des êtres qu’il prévoit devoir être pécheurs ? A cette question notre docteur fait une double réponse : 1. Dieu permet le péché et crée des êtres qui deviennent mauvais par leur propre choix, parce qu’il sait tirer le bien du mal. faire servir le mal au bien. 2. Parce que le pécheur sert toujours â la manifestation de la bonté de Dieu, qui continue à lui faire du bien, au moins en lui conservant l’existence, qui est un bien. Il ne convient pas que le mal triomphe du bien et que la malice du pécheur empêche Dieu de lui accorder ce bien qui est l’existence. De fide orth, t. II, 29 ; IV. 21. col. 965, 11H7 ; Contra manich., 32-34, 69, col. 1540. 1568.

La prédestination, -poop Cjjji.ô ;, telle que l’entend le Damascène, vise à la fois les élus et les réprouvés. C’est la sentence éternelle que Dieu a prononcée sur chacun, après avoir consulté sa prescience, c’est-âdire conséquemment a la prévision des mérites et des démérites, 7Cpoopia(16ç, èon xpfotç xal à-oçx-nç è-l toïc. eaofiivotç. Contra manich., 78, col. 1577 a. Dieu prédestine suivant sa prescience, xocTà T » )V ~ pôyvtoaiv mVroû npoopiÇei. Ibid., 7 : 5. 78, col. 1572 c, 1577 a. Notre docteur ignore absolument toute prédestination définitive et toute réprobation définitive, négative ou positive, antérieures à la prévision des mérites et des démérites. Il ne connaît qu’une prédestination antécédente conditionnelle englobant tous les hommes, par laquelle il veut le salut de tous et a préparé à tous et à chacun des moyens surabondants de salut, bien que ces moyens ne soient pas nécessairement égaux pour tous, hr fide orth., I. II, 25, col. 968969. Cette prédestination antécédente universelle, (mais conditionnelle, a cause de la volonté libre ;, est un pur effet de la bonté de Dieu ; elle est absolument

gratuite. Le Damascène n’est nullement pélagien. Il sait l’impuissance radicale de la nature humaine pour le salut. Cf. Homil. in ficum areL. 1, t. xcvi. col 576 577. Il proclame aussi bien que quiconque la nécessité de la grâce pour tout acte salutaire. Ce qu’il ignore, c’est la grâce efficace par elle-même, au sens de saint Augustin, c’est toute prédestination, toute élection aide prævisa mérita, et toute réprobation négative ou positive anle prævisa peccala. Il insiste beaucoup sur l’immense boulé de Dieu, qui ne se résout â abandonner définitivement le pécheur, à le réprouver, r) tsasioc èYxaTàXeit| » iç, qu’après avoir tout fait pour le toucher, le guérir, le sauver, et qu’après que l’homme, par s ; i mauvaise volonté, reste inguérissable : y) Se TeXeioc èy> « <XTdc>.£n{nç, ors toû 0so5 toxvt » ] -rà ~pôç awT^pîav TCSKovry.d-oq, àv£rcaîa0Y)TO( ;, xai àviàTpeuToç, u.5X).ov 8s àvîa-oç, s ; càxEÎaç TipoOsascoç Siaji.etvꝟ. 6 àvOpcoTtoç. De fide orth., t. II, 29, col. 968 b. Nous avons entendu tout à l’heure noire docteur nous parler de celle économie ineffable de Dieu appelant le pécheur â la pénitence. Il consacre tout un chapitre â expliquer et â atténuer les expressions de saint Paul qui, prises à la lettre, conduiraient au prédestinatianisme : « Il faut savoir que c’est la coutume de la sainte Écriture de présenter la permission de Dieu comme une action positive de sa part… Dieu est bien l’auteur des vases d’honneur et des vases d’ignominie, mais ce n’est pas lui qui les t’ait honorables ou méprisables, mais le propre choix de chacun. » De fide orih., t. IV, 19, col. 1192-1193. Donc, sans aucun préjudice ni détriment pour la grâce de Dieu, qui est toujours présupposée indispensable, gratuite et largement offerte, c’est bien nous-mêmes qui sommes, par le libre choix de notre volonté, les artisans de notre destinée éternelle. Notre part, bien minime, cf. Com. in epist. ad Romanos, viii, 25, t. xcv, col. 508 c, consiste à tendre la main pour recevoir le don de Dieu, qui amoureusement nous sollicite, tocoi ppoet, là. àyaOdr ô rcoOcôv Xa[x(3âvsi. Contra manich., 74, col. 1573 a. Celui qui ne veut pas recevoir se condamne lui-même, ô[A7) 0éXcov afiz~.v, aùxôç êauxoG od~ioç. Ibid., 70, col. 1568 d. On conçoit que notre auteur puisse écrire sans contradiction : « Efforçons-nous de faire le bien et de devenir bons, afin que nous soyons du nombre de ceux qui ont été connus à l’avance comme bons et prédestinés à la vie éternelle. » Ibid., 80, col. 1580 b. Il dépend de nous, en effet, que la prescience divine nous ait enregistrés dans la liste des élus, ~b irpciyvcôvat, a fiiXXopt.ev 710tsïv, èÇ 71|iwv. Ibid., 79, col. 1577 b.

11° Christologie. — Saint Jean Damascène est par excellence le théologien de l’incarnation. C’est le mystère sur lequel il s’étend le plus longuement et dont il parle dans presque tous ses écrits. Sa synthèse est vraiment représentative de toute la théologie grecque antérieure.

En dehors du long exposé qui se trouve dans le De fuie orthodoxa (I. III tout entier, t. IV, c. 1-8 et 18), Jean a écrit plusieurs résumés de sa christologie soit dans des professions de foi proprement dites, comme celle de l’évêque Élie, t. xciv, col. 1424-1430, et la sienne propre, t. xcv, col. 127-434 ; soit dans ses ouvrages polémiques, comme dans le Contra juin bit us, 79-85, t. xc.iv, col. 1476-1484 ; dans l’Adversus nestorianos, 13, t. xcv, col. 221-22 1 ; soit même dans ses sermons, comme dans l’Homélie pour le samedi saint, 11-20, t. mai. col. 612-617.

1. Motif de l’incarnation.

Sur la question du motif de l’incarnation, qui a fait couler tant d’encre en Occident, notre docteur est Incontestablement du côté de saint Thomas. Il n’indique pas d’autre motif de l’Incarnation du Verbe que le salut de l’homme et sou

rétablissement dans l’étal, d’où le péché l’a l’ail déchoir. Dé fide orih., I. III. 12 ; I. IV, I. col. 1028-