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JEAN CHRYSOSTOME (SAINT), VIE

apaisé, mais les ariens étaient turbulents et nombreux ; les Juifs s’agitaient, et parmi les chrétiens un grand nombre se croyaient autorisés à célébrer avec les Juifs les fêtes du mois de Tisri, le nouvel an, l’expiation et les tabernacles, ou encore à commencer la solennité de J Pâques le 1 1 Nisan (Protopaschites). C’est contre les Juifs que Jean dirigea ses premières campagnes, et l’on peut croire que le peuple d’Antioche, si amoureux des querelles théologiques, ne lui ménagea pas ses applaudissements. Sur la chronologie des homélies de Jean pendant cette période, G. Bauschen, op. cit., Excurs XIII, Die PrùdigUùtigkeii des Joannes Chrysoslomos in Antiochien, bis zum Aufstande des Jahres 387, p. 495-512.

Un événement inattendu allait changer le cours de son activité, et l’amener à renouveler sa manière. Au commencement de 387. à propos de quelque impôt nouveau, la populace d’Antioche se souleva : dans un mouvement de colère irréfléchie, des imprudents se se portèrent sur l’agora et jetèrent bas les statues de l’empereur Théodose, de son père, de ses fils et de la défunte impératrice Flaccilla. Il était aisé de prévoir que le châtiment ne se ferait pas attendre et qu’il serait terrible. Le vieil évêque Flavien partit en toute hâte pour Constantinople, afin de fléchir la colère de l’empereur. Pendant son absence, Jean eut fort à faire pour calmer le peuple, pour lui rendre courage, pour l’exhorter à la pratique plus exacte des vertus chrétiennes. Le carême avait commencé peu de jours après la sédition : c’était naturellement la période où les prédications étaient plus fréquentes et où les dispositions des auditeurs étaient meilleures. Suivant les événements, on passait à Antioche de l’abattement le plus absolu aux espoirs les plus irraisonnés. L’arrivée des commissaires impériaux, leur jugement qui enlevait a Antioche le titre de métropole de Syrie et qui ordonnait la fermeture immédiate du théâtre, du cirque et des bains. L’emprisonnement des sénateurs, avaient excité la crainte ; lorsque, vers la fin du carême, on apprit des nouvelles plus rassurantes, on commença a manifester une joie sans retenue. Jean était l’âme de cette foule en émoi. Plusieurs fois par semaine, il prenait la parole pour exhorter, pour fortifier, pour élever. Plus loin quc les événements actuels, il rappelai !

les grands devoirs chrétiens. Enfin le jour de Pâques, Flavien était’le retour, apportant une pleine amnistie. Lue dernière lois Jean monta en chaire pour rappeler la mission accomplie par Pévêque, et tirer les conclusions de tous les événements récents. Désormais entre lui et le peuple d’Antioche s’étaient formés d’indissolubles liens. Des 21 homélies De siimis dans P. (i.. t. xi. l. col. 15-222, Celle qui porte le n 19 n’a aucun rapport avec le reste de la collection. Pour l’ordre chronologique Je ces discours voir, G. Rauschen, op. cit., Excurs XIV, Zeitbeslimmung des Auftlandes m Antiochien undder 21 Homilien des Chrysostomos liber die Bildsatllen, p. 512-520.

Les années suivantes furent pour Jean le temps d’une merveilleuse activité pastorale. Il se sentait le maître de son peuple, dont il connaissait les bons et les mauvais côtés, qu’il pouvait manier a sa guise et dont il avait acquis le droit de reprendre tes défauts ou les vices, avec une Familiarité sûre d’elle-même. C’est de cette période féconde que datent les plus nombreuses des homélies de Jean : les 67 homélies sur la Genèse ; P, G., t. liii-liv, en 388 ou peu après ; les li homélies sur Anne, t. iiv. col. 631-676 ; la I’de ces homélies perdue ; les.’; homélies sur David et Saûl, i. uv, COl. 675-708, après le carême de 3.S7 ; plus tard les homélies sur lys psaumes. I. i. ; les 90 homélies sur saint Matthieu, t Lvn-Lvm, aux environs de 390 ; les k.h homélies sur saint Jean, t. ux, vers la même époque bien d’autres encore, quoiqu’il soit difficile de préciser avec certitude la date de tel ou tel groupe. G. Rauschen, op. cit., Excurs XV, Die Predigltulligkeit des Joannes Chrysostomos zu Antiochien seit dem Aufstande 387, p. 520-529.

Le plus habituellement, l’orateur prenait son point de départ dans un texte de l’Écriture sainte. L’explication littérale de ce texte, selon la méthode exégétique d’Antioche formait la première partie du sermon qui était ainsi doctrinale, et qui s’efforçait de rappeler aux auditeurs les grandes vérités de la foi chrétienne. Mais après avoir ainsi enseigné, Jean ne manquait pas d’aborder les problèmes moraux, et c’est là surtout qu’il manifestait sa souveraine maîtrise sur des âmes qu’il connaissait si bien. Il n’avait pas son pareil pour flageller les vices, pour ramener au devoir les indifférents ou les pécheurs ; se faisant tout à tous, sans épargner sa peine. Et l’on comprend sans peine que sa réputation ait franchi les murs d’Antioche et se soif répandue dans tout le monde oriental.

L’épiscopat. — Pendant douze ans, de 386 à 398, Jean exerça ainsi son ministère à Antioche. Le 27 septembre 397. le patriarche de Constantinople, Nectaire, vint à mourir. Suivant le désir d’Areadius et de la cour, Jean fut présenté au suffrage des évêques et du peuple pour recueillir sa succession. Socrate, llist. Eccl., vi, 2, P. (i.. 1. i.xvii. col. 661. Lorsqu’il fut élu, on dut l’enlever d’Antioche par surprise et l’amener de force à la capitale. Il y fut sacré le 26 février 398 par Théophile d’Alexandrie. Palladius. Dial., 5 ; Socrate, Hist. Eccl., m. 2 : P. G., t. i.xvii, col. 661-664 ; Sozomène, Hist. BccZ., viii, 2, 13 sq ; P. G., t. i.xvii. col. 1517. Le travail ne manquait pas au nouvel évêque. Non seulement les païens et les hérétiques étaient encore nombreux et remuants dans la capitale, mais parmi les fidèles eux-mêmes, et jusque dans les rangs du clergé s’étaient glissés des clercs que la sage et paresseuse vieillesse de Nectaire n’avait jamais cherché à corriger. Dès son installation, Jean entreprit la réforme des mœurs : à ses prêtres il interdit la cohabitation avec les sœurs agapètes ; aux moines qui ne cessaient de courir la ville, il imposa la retraite dans les monastères, aux riches, il prêcha plus énergiquement que jamais le grand devoir de la charité. Un zèle si ardent, fortifié par une éloquence de jour en jour plus entraînante, ne devait pas tarder à faire au nouveau patriarche, avec des admirateurs enthousiastes, des ennemis puissants. L’asile qu’il accorda le 17 janvier 399 à l’eunuque Eutrope qui venait d’être brutalement disgracié par l’empereur. Sozomène, Hist. Eccl., viii, 7. P. ( ;., t. i.xvii. col. 1533 ; Socrate, Hist. Eccl., vi, 5, P. (L, t. i.xvii, col. <173, les deux discours qu’il prononça à cette occasion sur la vanité des richesses et des puissances de ce inonde, émurent vivement l’opinion. P. G., t. LU, col. 391-414. Les moines qu’il avait fait rentrer dans leurs cellules, les coquettes dont il avait condamné le luxe insolent, bien d’autres encore se liguèrent contre lui. Son Intervention dans les affaires de l’Église d’Éphèse i h’!). Palladius, Dialog. 13. puis la protection qu’il accorda aux moines égyptiens persécutés par Théophile d’Alexandrie, achevèrent d’attiser les haines.

Bientôt commença la tragédie. Cf. Isidore de Péluse, Epist., i, 152, P. G., t. Lxxviii, col. 284. Le faible empereur Arcadius. l’orgueilleuse impératrice Eudoxie, l’intrigant patriarche Théophile en furent les principaux acteurs. L’historien Socrate, Hist. Eccl., vi. 2 sq., P. G., t. i xvii, col. liti I. est ime que Jean ne fut pas sans avoir sa part de responsabilité dans les épreuves qui l’attendaient, el que sa trop grande liberté de parole contribua a hâter sa perle : du moins est-il sur que ses ennemis attentifs surent profiler de toutes les occasions. Un Jour que, dans une homélie, il avait parlé de Jézabel, on prétendit qu’il avait visé l’impératrice elle-même.