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JEAN CHRYSOSTOME (SAJNT), VIE

alors que les premières nouvelles de sa fin solitaire commençaient à arriver à Constantinople, donc à la fin de 407 ou au début de 408. Aussi n’a-t-il sans doute pas pour auteur Martyrius qui fut évêque d’Antioche entre 449 et 471. Mais si nous n’en connaissons pas l’origine exacte, nous y trouvons d’utiles renseignements sur la situation religieuse à Constantinople, au temps de la mort de Jean et des premiers débuts de son successeur.

Parmi les historiens du ve siècle, Socrate et Sozomène méritent une mention spéciale à cause de la place importante qu’ils consacrent à Jean dans leurs histoires, Socrate, Hist. Eccl, vi, 2-23 ; vii, 25 et 45 ; P. G., t. lxvii. col. 661-736, 793, 836 ; Sozomène, Hist. Eccl., viii, 2-28, P. G., t. lxvti, col. 1513-1592, et de leurs accointances avec les milieux ecclésiastiques de Constantinople. Socrate pourtant semble moins bien informé que Sozomène, sur le détail de la vie de l’archevêque et mérite moins de créance. Quant à Théodoret son récit est volontairement écourté et contient peu de renseignements intéressants. H. E., v, 27-36, voir surtout 34, 2, édit. Parmentier, p. 334 ; P. G., t. lxxxii, col. 1256-1269. Cf. F. Geppert, Die Quellen des Kirchenhistorikers Sokrates, Leipzig, 1898, p. 129 sq.

Les écrivains postérieurs ne méritent qu’une mention rapide, parce qu’ils sont moins des historiens que des hagiographes, préoccupés de chanter la gloire de leur héros. La Vita S. Joannis Chrysostomi, d’un certain Georges d’Alexandrie, qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme, Is patriarche Georges II, 621-631, est un mélange de légendes, d’anecdotes, et surtout d’histoires de miracles. Éditée par H. Savile, Chrysostomi opéra omnia, t. viii, p. 157-265, Eton, 1612. La Laudatio sancti Joannis Chrysostomi, de l’empereur Léon le Sage (886-911) n’est guère qu’un résumé consciencieux de l’œuvre de Georges. P. G., t. cvii, col. 228-292. Siméon Métaphraste enfin se contente à peu près de reproduire ce qui a été écrit avant lui, P. G., t. exiv, col. 1045-1209 ; sa source principale est un anonyme, édité par Savile, op. cit., t. viii, p. 293371, qui s’inspire lui-même de Georges et le complète en ajoutant à son récit de nouvelles histoires de miracles.

Les premières années de Jean. — L’année de la naissance de Jean ne peut être fixée avec certitude. Ce fut vraisemblablement en 344 qu’il vit le jour à Antioche. Son père Secundus était magister militum Orientis ; mais il mourut peu de temps après la naissance de l’enfant, laissant veuve, à l’âge de 20 ans, sa femme Anthusa. Celle-ci, qui était chrétienne, se donna tout entière à l’éducation de son fils ; elle y apporta un dévouement qui excitait l’admiration de Libanius lui-même. Jean Chrysostôme, Ad vid. jun., 2, P. G., t. xlviii, col. 601. Lorsque Jean eut grandi, il fréquenta l’école du philosophe Andragathius, et surtout celle du rhéteur Libanius, qui était alors la lumière d’Antioche. L’enseignement qu’il reçut auprès de ce dernier maître excita l’enthousiasme de ses vingt ans, Le sacerd., i, 1, P. G., t. xlviii, col. 623 ; pourtant la rhétorique païenne ne parvint pas à le retenir ; et quoiqu’il ne fut pas encore baptisé, il commença à se livrer avec ardeur à l’étude des saintes Écritures sous la conduite de Diodore de Tarse et de Mélèce d’Antioche ; il suivit aussi à cette époque les leçons d’un certain Carterius qui dirigeait à Antioche avec Diodore un ἀσϰητήριον ; c’est là qu’il prit le goût de la vie religieuse et de ses austérités. Palladius, Dialog. 5.

Baptisé par Mélèce aux environs de 369, Jean fut peu après ordonné lecteur. Il aurait voulu renoncer à la vie du monde et se réfugier dans la solitude ; il fut empêché de réaliser son rêve par sa mère qui le supplia de ne pas la rendre veuve une seconde fois. De sacerd., i, 4, P. G., t. XLviii, col. 624 : du moins commença-t-il à mener dans sa demeure une existence austère, aussi semblable que possible à celle d’un moine. S’il fallait considérer comme un récit historique les premières pages du traité De sacerdotio, on placerait vers 373 l’incident qui y est rapporté. La réputation de Jean et celle d’un de ses amis, du nom de Basile, se serait répandue en dehors d’Antioche assez pour qu’on ait voulu faire de l’un et de l’autre des évêques : Basile se serait en effet laissé consacrer, tandis que Jean aurait échappé par la fuite au lourd honneur qui lui était offert. Le De sacerdotio, est précisément consacré à expliquer les motifs de cette conduite, et à rappeler à Basile la grandeur des devoirs épiscopaux. Il est plus vraisemblable cependant que le récit en question n’est qu’une fiction littéraire, et que l’on doit renoncer à y trouver des indications historiques sur la conduite dufutur évêque. A. Nægle, Zeit und Veranlassung der Abfassung des Chrysostoms Dialogs de sacerdotio. Kommt der von Chrysostomus sclbsl angegebenen Veranlassung historischer oder bloss lilerarischer Charakler zu, dans Historisches Jahrbuch, 1916, t. xxxvii.p. 1-48. J. Stiglmayr, Die historische Unterlage der Schrift des hl. Chrysostomus ùber das Prieslerltim dans Zeitschrift fur kalholische Théologie, 1917, p. 413-449.

Ce qui est sûr, c’est qu’en 374 ou 375 — sans doute sa mère était-elle morte à ce moment — Jean réalisa le rêve longtemps caressé de vie solitaire. Il se réfugia dans la montagne aux environs d’Antioche, et pendant quatre ans, il y mena l’existence d’un ermite, dans la compagnie et sous la direction d’un vieux moine ; puis, voulant pousser plus loin son effort vers la perfection, il se retira dans une caverne où il vécut seul pendant deux ans encore jusqu’à ce que la pratique de telles austérités eût gravement affaibli une santé naturellement délicate et l’eût obligé à rentrer à Antioche. Palladius, Dialog., 5, P. G., t. xlvii, col. 18.

Dès son retour dans la ville, Jean fut ordonné diacre par Mélèce (381). Il écrivit beaucoup pendant les années de son diaconat, car presque tous ses traités datent de cette époque. G. Bauschen, Jahrbùcher der christlichen Kirche unter dem Kaiser Theodosius dem grossen, Versuch einer Erneuerung der Annales Ecclesiastici des Baronius fur die Jahre 378-395, Fribourg-en-B., 1897, AnhangII, Z)ie Schriftslellerische Tàtigkeit desJ. Chrys. vor seinem ôffentlichen Auflreten als Predigerzu Antiochien, p. 565-574. Au commencement de 386, Flavien qui venait de succéder à Mélèce sur le siège d’Antioche l’éleva au sacerdoce tt lui confia la charge de prédicateur qu’il devait remplir pendant douze années.

La prédication de Jean à Antioche. — « Jean était né orateur, et dès ses débuts il conquit et charma le peuple d’Antioche. Entre tous les maîtres de la parole, soit profane, soit sacrée, il est certainement un des plus grands. Il a d’abord une facilité prodigieuse, et nous pouvons nous en rendre compte aujourd’hui encore ; car ses homélies qu’il n’a point d’ordinaire pris la peine de revoir nous apparaissent manifestement comme d’admirables improvisations. Toute cette abondante parole est entraînée par un mouvement rapide, comme elle est colorée et échauffée par une vive passion ; la période n’est point ramassée et vigoureusement condensée comme la période latine ou comme celle de Démosthène, elle se développe au contraire par degrés successifs, avec des reprises imprévues, avec un certain abandon, mais un abandon plein de grâce. » A. Puech, Saint Jean Chrysostôme, Paris, 1900, p. 38.

La première année de son ministère pastoral fut surtout employée à des controverses doctrinales. Il s’en fallait de beaucoup que la paix régnât dans l’Église d’Antioche. Non seulement le schisme qui divisait les catholiques depuis l’élection de Mélèce n’était pas