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607 JEAN VIII, SA POLITIQUE ORIENTALE. RÉHABILITATION DE PHOTIUS 008

d’admettre qu’un des légats au moins ne se soit pas rendu compte que le texte de plusieurs des documents lus en séance différait notablement, au moins pour la longueur, de celui qu’on avait apporté de Rome ; cette simple constatation eût permis de dénoncer l’intrigue photienne, si intrigue il y avait. On a prétendu qu’en fait la conduite des légats avait été en quelques points répréhensible, et fut l’objet d’un blâme sévère de la part de Jean VIII : mais ceci, nous le montrerons tout à l’heure, est absolument inexact.

Une autre hypothèse est possible. Avant de partir de Home les lettres pontificales dont la minute était déjà transcrite au registre auraient été communiquées à la légation byzantine. Celle-ci, ne les trouvant pas assez favorables à la cause de l’union, y aurait suggéré des changements. C’est le texte ainsi modifié à Rome que représente la tradition des acies grecs du concile. Du texte latin correspondant à cette deuxième rédaction des lettres pontificales un fragment paraît bien s’être conservé dans Yves de Chartres, lequel correspond très sensiblement au texte grec lu en séance. Voir le texte dans Mansi. Concilia, t. xviii, col. 527-530. Cette supposition me semble plus proche de la vérité que la première ; elle me paraît plus conforme à l’attitude générale prise par Jean VIII dans l’affaire de Photius, à celle qu adopta de son côté le patriarche à l’endroit du pape. Qu’on relise la lettre, considérée par tout le monde comme authentique, et qui est adressée par Jean VIII aux adversaires de Photius, c’est-à-dire aux anciens partisans d’Ignace, aux gens qui ont montré en toutes circonstances leur zèle à l’endroit du siège romain. Ce sont eux que Jean VIII accuse violemment d’être des schismatiques, à eux qu’il signifie d’avoir à respecter la sentence d’absolution accordée à Photius, eux qu’il menace des anathèmes de l’Église, s’ils n’entrent en communion avec le condamné de 869 : mii.tis jam laben^ibis ANNis… in scandalorum per/iirbnlione vos videmus promptos manere…, monemus et apostolica benignilate jubemus vos omnes sanctæ Ecclesiæ uniri, vestroque pateiarchæ, Photio videlicet, quem pro Ecclesiæ Dei pace et unilale recepimus auhærere communicareque studele ; si hæc monita audire contempseritis, scilole quia missis noslris priecipimus tanuliu vos omni ecclesiastica communione privare, quamdiu ad unilalem corporis Christi et ad veslrum contempseritis redire pontificem. P. L., t. cxxvi, col. 861. En regard de cette dureté envers les anciens partisans d’Ignace quon mette la courtoisie, la bienveillance à l’endroit de Photius dont témoignent et les lettres pontificales, dans leurs deux recensions, et les premières paroles du cardinal Pierre au début du concile : l’on se convaincra aisément qu’il n’y a pas entre les deux recensions de différence essentielle d’esprit. En quittant Rome, le légat pontifical emportait la reconnaissance sans condition île Photius. et les riches présents qu’à la première st : <mrc du concile il remet au patriarche de la pari du pape, en étaient bien le signe tangible. Pour des raisons, les unes d’ordre politique, les autres d’ordre religieux, Jean YIII croyait devoir rompre avec la politique qu’avait adoptée ses prédécesseurs et que reprendront plusieurs de ses successeurs. Dans l’affaire de Photius il voyait surtout une question de personnes, là où d’autres avaient vu une question de principes. La suite des événements lui donna-t-elle tort ou raison ? c’est ce qu’il est inutile d’étudier ici. Au mit siècle, le pape Clément IV ne verra pas d’autre origine au schisme grec que la réintégration de Photius par Jean VIII. RaynaldLAn/iales iiastici, an. I2H7. n. 57 ; édit. Mansi, t. iii, p. 222223. Tout récemment au contraire le I’. Lapôtre a vu dans l’attitude de Jean X’III en même temps qu’une

habile politique, un ^este de grande portée pour l’avenir de l’Église, c’est affaire d’appréciation.

4° Approbation du concile pholien de S79. — Nous n’avons pas à étudier ici le concile photien de 879-880. Voir Photius. Disons seulement que la lecture des actes laisse une impression des plus pénibles. Car le synode n’est pas autre chese que l’apothéose, le mot n’a rien d’exagéré, du patriarche victorieux. Tout le long des séances les légats romains entendront sans sourciller et les louanges hyperboliques adressées à Photius. et les reproches faits tant à la mémoire d’Adrien II. qu’au synode de 869 ; et ils ne sauront que louer Dieu de la touchante concorde rétablie par ces capitulations, entre le pape de Rome et le patriarche de Constantinople. On a prétendu que, de retour à Rome, le. ; apocrisiaires du Saint-Siège furent blâmés par Jean VIII, et l’on a imaginé de rétablir ainsi la suite des événements. Hergenrôlher, Photius, t. ii, p. 573-578. A l’été de 880 les légats rentrent porteurs des actes synodaux et de deux lettres adreesées au pape, l’une par le basileus, l’autre par Photius. Remettant à plus tard le soin d’examiner plus à fond les actes conciliaires et sur le rapport verLal des légats, Jean exprime à Photius son mécontentement pour la façon dont les choses se sont passées au synode ; toutefois il ne se prononce pas sur le fond de l’affaire. Jafîé, n. 3322. A l’automne de la même année, le pape expédie à Byzance, Marin, évêque de Cère, pour enquêter sur place et prononcer au besoin la nullité de tout ce qui avait été fait au concile photien contre les intentions du pape. Marin, qui aurait agi avec le plus grand courage, ne jeta pas néanmoins l’excommunication contre Photius, celle-ci aurait été prononcée par Jean VIII lui-même à Rome en février 881.

Or tout ceci est un pur roman, qui ne repose sur aucun texte sérieux. L’ambassade de Marin à Constantinople en 880 est impossible à prouver : la pièce sur lequel on s’appuie pour en parler, une lettre du pape Etienne Y à l’empereur Basde, Mansi, t. XVI, col. 423, à supposer qu’elle soit authentique, fait allusion a la mission de Marin au concile de 809. La lettre de Jean VIII à Photius, Jaffé, n. 3322, loin d’exprimer un blâme quelconque, est fort cordiale à l’endroit de Photius, elle accepte d’une manière catégorique ce qui a été fait à Constantinople : ca quæ pro causa tiuv restilulionis synodali décréta Constantinopoli misericordiler ucta sunt recipimus. La lettre de Photius se plaignait sans doute (elle n’est pas conservée) de certaines exigences des apocrisiaires, qui avaient déplu au susceptible patriarche. « De ce que nos légats ont fait contrairement à nos instructions, reprend le pape, il n’y a pas à tenir compte : Si jorlasse noslri legati in eadem synodo contra apostolicam præceplionem egeruni nos nec recipimus nec judicamus alicuius existere firmitatis. » P.L., I. cxxvi, col. 911. Quant à l’anathème solennellement porté par Jean VI II contre Photius du haut de l’ambon de SaintPierre, il nous est rapporté par un singulier texte byzantin intitulé Synodica pontificum romanorum Nicolai, Hadriani, Joannis, Martini, Stephani, Formosi, in Photium prsevewicatorem décréta. Mansi, t. xvi, col. 446 sq. Ce document l’ait partie d’une collection de pièces rassemblées par le parti ignæien et dont l’authenticité devrait être soigneusement étudiée. A la suite de ce texte figure un Breoiarum synodi octavse, qui est un violent pamphlet dirigé contre Photius et même contre Jean VIII. On jugera de son esprit, si l’on remarque qu’il dénie absolument aux pontifes romains le droit d’absoudre Photius : o Ce que quatre patriarches orientaux ont fait, un seul patriarche (évidemment celui de Rome), pourrait-il le détaire Ibid., col. 151. Ils mentent ceux qui prétendent que Jean VIII a eu pouvoir d’absoudre Photius : quæ cum lia sint, quomodo non mentiuntur qui affirmant illum (Photium) a papa Joannc absolutum ; qui ab altero ligatUS est. ab altero solvi non potest. > Ibid.. col. 15 1.